En dépit de la nécessité de réduire notre empreinte écologique globale, les réalités environnementales continuent de faire office de pâles arguments aux yeux des décideurs publics lorsqu’ils sont confrontés à des intérêts économiques de courts-termes. C’est ainsi que des autorités semblent céder une nouvelle fois aux sirènes de la bétonisation à tout va, en supportant vigoureusement le projet de construction d’une nouvelle autoroute dans les départements de la Loire et du Rhône. « Catastrophe environnementale » et « non sens » pour les opposants, l’A45 doit relier la ville de Saint-Etienne à la ville de Lyon, doublant une autre autoroute existante, l’A47.
Les 1er et 2 juillet derniers, en plein milieu de l’été, la Coordination des opposant.e.s à l’A45 marquait sa volonté de ne pas plier devant le projet de construction d’une autoroute entre Lyon et Saint-Etienne, réunissant selon les estimations des organisateurs entre 8000 et 10 000 personnes le temps de deux jours, dont de très nombreux représentants du monde agricole. 4 mois plus tard, la lutte ne semble pas faiblir.
Face à un projet qui menace la biodiversité locale, les agriculteurs installés et qui serait à l’origine d’une augmentation des émissions de dioxyde de carbone (CO2), les critiques pleuvent. Dans une lettre adressée le 10 octobre dernier à Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la Transition écologique, chargée des Transports, les opposants fustigeaient un projet incompatible avec la protection de l’environnement et les grands discours engagés de la COP23 puisque les études établissent « une augmentation très significative des rejets polluants dans l’atmosphère, ainsi qu’une augmentation de 85 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2035, par rapport à la situation de 2004, pour le secteur considéré », si le projet devait voir le jour. Les opposants interrogent donc profondément la pertinence d’un projet d’une telle envergure et d’un autre temps.
L’impératif écologique balayé de la table
Car c’est bien la biodiversité des milieux traversés par l’autoroute qui se trouverait directement menacée. « Les milieux naturels, la flore et la faune seraient détruits soit directement par l’autoroute et les aménagements annexes liés à cette grande infrastructure, soit indirectement par l’urbanisation ou l’intensification des pratiques agricoles : drainage, mise en culture, … (que l’on voit souvent survenir lorsque des infrastructures s’installent, modifiant les systèmes d’exploitations agricoles de manière irréversible) » s’inquiète le Collectif naturaliste A45. Mais on parle également de déséquilibres naturels et de perturbations des corridors écologiques locaux alors que, par ailleurs, pas moins de 200 espèces appartenant à des groupes protégés dont des oiseaux, des papillons, ou encore des amphibiens ont pu être répertoriés sur le tracé. Enfin, des espèces menacées, comme l’Orchis à fleur lâche pourraient disparaître, « dans l’indifférence générale »…
L’aberration environnementale ne s’arrête pas là, puisque de nombreux territoires sont menacés dans leur globalité par le tracé pressenti, comme les Monts et Coteaux du Lyonnais ou encore les Coteaux du Jarez. Selon la Coordination des opposant.e.s à l’A45, ces espaces « se caractérisent par une diversité exceptionnelle de productions agricoles de terroir et de proximité. Issues de fermes traditionnelles de polyculture élevage, les structures agricoles se sont transformées au cours des cinquante dernières années, faisant pour certaines le choix de la spécialisation ou pour d’autres, de la diversification. » 400 exploitant.e.s pourraient être concernés. Une étude proposée par le collectif affirme qu’à terme, 1000 hectares de terres agricoles sont menacées.
Les opposant.e.s espèrent une marche arrière de l’État
Le développement du projet s’est fait « en l’absence de débat public » regrette La coordination des opposants à l’A45 qui, forte de ces critiques, estime qu’il n’existe qu’une seule solution, l’abandon pur et simple toute initiative de construction. Selon elle, il est désormais essentiel d’améliorer les infrastructures existantes (notamment l’A47) et surtout de soutenir une mobilité plus en phase avec les impératifs écologiques, que ce soit en soutenant les transports en commun via une couverture plus lisible et mieux articulée du territoire ou les alternatives individuelles comme le vélo. Globalement, l’idée de multiplier les grandes routes de bitume (et donc devoir assurer leur entretien à long terme) est en total décalage avec le savoir collectif actuel en matière d’écologie.
Nouveau Jackpot pour Vinci
Sans surprise, le projet est encouragé de vive voix par ses promoteurs et le concessionnaire, Vinci, qui y voient tous déjà une juteuse affaire, puisque 790 millions de subventions publiques ont été allouées (donc portées par le contribuable), pour un coût global estimé de 1,2 milliards d’euros, (1,8 milliards si on intègre les coûts de raccordement). Une aubaine pour la multinationale. Mais ce n’est pas tout, Malgré l’importante participation publique, l’autoroute sera payante pour ses usagers, au profit du secteur privé…
Les collectivités, pour leur part, ne parlent pas d’une seule voix. Si la Ville de Saint-Etienne pousse son soutien jusqu’à lancer une campagne d’affichage publique intitulée « je la veux », la ville de Lyon se montre plus réticente, alors que le Département du Rhône affiche clairement son opposition. Face aux nombreuses controverses, le gouvernement retarde la signature du décret d’autorisation. L’instant semble donc décisif et beaucoup craignent une issue type « Notre-Dame-des-Landes ». Dans ce contexte, les voix citoyennes pourraient être la clé de l’avenir du projet.
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Sources : nona45.fr / facebook.com