Apple vient de réaliser le plus grand bénéfice trimestriel d’Histoire d’Homme ! Première capitalisation boursière de la planète, championne de la stratégie marketing, adulée par les uns, détestée par les autres. Une chose est certaine, tout le monde en parle. La multinationale est une réussite, si on l’observe uniquement d’un point de vue économique. Quelle est donc la recette de ce miracle ? Suffit-il de bonnes idées ?

La multinationale californienne ne cesse de faire parler d’elle. Ses produits, commercialisés mondialement, envahissent notre quotidien. iPod, iPhone et iPad sont des produits désormais phares dans le secteur de l’électronique grand public. Apple, ce sont aussi des ordinateurs personnels (Macintosh) et des logiciels informatiques (Mac OS X, iOS, iTunes, Safari, QuickTime…). Quels sont alors les atouts de la marque à la pomme si attractive, et quelles sont ses faiblesses qui font d’elle une marque qui continue de rebuter autant de clients qu’elle en attire ?

Pomme croquée dans un garage, aujourd’hui cotée en bourse

Apple, qui s’appelait jusqu’en 2007 Apple Computer,  a été créée le 1er Avril 1976 par Steve Jobs et Steve Wozniak. La marque commercialisait surtout des ordinateurs et des logiciels jusque dans les années 2000, où elle s’est considérablement diversifiée, jusqu’à vendre 74,5 millions d’iPhone en 2014.

En 2014 justement, Apple va battre tous les records de bénéfice net tous secteurs confondus avec 18 milliards de dollars de bénéfice net pour le seul quatrième trimestre 2014. L’entreprise afficherait pour la même année un chiffre d’affaires total de 182,7 milliards de dollars. C’est 7 fois plus que son chiffre d’affaires de 2007, l’année de commercialisation de l’iPhone. La marque à la pomme aurait par ailleurs une trésorerie de plus de 150 milliards de dollars, ce qui lui permet de faire face à n’importe quel imprévu. Cependant, l’entreprise n’utiliserait que très rarement ces fonds, bien à l’abri dans des paradis fiscaux.

young-steve-jobs-1_0Steve Jobs jeune

Je possède, donc j’existe

Apple est plus qu’une entreprise et bien plus qu’une marque, c’est devenu progressivement un symbole de technologie, d’innovation, de design et d’ergonomie des appareils. L’esthétique est importante pour Apple, et rien n’est laissé au hasard afin que le consommateur s’identifie à la marque. C’est là que la fonction de consommer prend une nouvelle dimension. Utiliser du Apple, c’est aussi appartenir à un groupe social qui se démarque par là-même, et ce bien qu’une majorité consomme ce même produit.

Les points forts des produits d’Apple, outre le design et l’ergonomie, sont leur qualité de fabrication et leurs fonctionnalités. Ses ordinateurs sont particulièrement appréciés pour leur puissance et la stabilité de leurs systèmes d’exploitation (OS) surtout dans le domaine de la retouche graphique. D’après une étude de l’agence de communication Clear (M&C Saatchi) relayée par le magazine Fortune et le blog ithink.fr, Apple serait la marque la plus désirée au monde.

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Une réussite qui est donc autant due à la qualité qu’à sa pratique du marketing du désir. Mais dans cette réussite, le marketing de la rareté y est aussi pour beaucoup. Cette approche consiste à rendre les consommateurs accros à un produit concurrentiel qui arrive sur le marché en leur laissant penser que ce produit n’est pas accessible à tout le monde, qu’il appartiendrait à une certaine élite car doté d’innovations ou de caractères supérieurs.

New iPhone on sale

Dans cette quête de la séduction du consommateur où entrent en jeu stratégie d’innovation, culture du secret, marketing de la rareté et du désir, Apple maîtrise et entretient une stratégie industrielle visant entre autres à bloquer l’accès de ses concurrents aux ressources clés de chaque innovation. Dites donc adieu à l’open-source, la gratuité ou l’échange des savoirs, nous entrons ici dans des logiques dont le seul objectif final est la rentabilité, quoi qu’en disent les consommateurs. C’est justement dans sa stratégie industrielle que commence à se révéler la face cachée d’Apple.

L’obsolescence programmée des appareils et de leurs accessoires

En matière d’obsolescence, Apple n’est pas en reste. La marque apparait régulièrement dans diverses affaires et critiques à ce sujet. Le plus gros scandale réside dans les batteries de ces appareils, le plus souvent impossibles à remplacer. Plusieurs groupes de consommateurs ont d’ailleurs attaqué la marque en justice, sans résultat. En effet, la marque annonce la durée de vie limitée sur sa boîte. La faute revient au consommateur. Tout est soigneusement étudié pour que la réparation soit évitée, sauf via le centre de la marque à un prix décourageant. Enfin, ce sont surtout les accessoires non réutilisables sur des appareils plus récents qui posent problème. Les consommateurs se voient obligés de racheter chargeurs, câbles et autres accessoires. Bien sûr le changement de connectique ne s’avère pas toujours techniquement nécessaire. Il s’agit donc le plus souvent d’une manœuvre commerciale d’Apple.

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Au-delà de l’obsolescence classique qui touche la grande majorité de nos produits électroniques, Apple innove dans le domaine en développant l’obsolescence matérielle. C’est-à-dire que même lorsque l’appareil est encore fonctionnel, il ne sera, au bout de 2 à 3 ans, plus compatible avec les mises à jour des systèmes d’exploitations, obligeant les clients désirant bénéficier des nouvelles fonctionnalités à acquérir un nouveau téléphone alors que, techniquement, le téléphone supporterait la nouvelle version de l’OS.

Si la question environnementale n’était pas à l’ordre du jour, ces tentatives de manipulation du consommateur seraient de l’ordre de l’anecdotique. Après tout, chacun est libre de consommer ce qu’il veut. Malheureusement, la crise environnementale majeure fait de l’obsolescence un problème désormais fondamental, pour Apple qui en est le principal symbole, comme pour l’ensemble des marques.

Des batailles juridiques aux vols de brevets en passant par la concurrence déloyale

L’idée originelle de l’iPod appartient au Britannique Kane Kramer qui développa le concept en 1979 à l’âge de 23 ans et en déposa le brevet. Mais en 1988, son conseil d’administration refusa de renouveler le brevet jugé trop couteux (90 000 euros environ pour les 120 pays concernés) et il tomba alors dans le domaine public. Apple aurait aimé taire ce secret, mais lors d’un procès l’opposant à l’entreprise burst.com, la marque à la pomme s’est vue contrainte de révéler l’identité du vrai concepteur de l’iPod. L’homme ne touchera pas un centime d’une idée qui a engrangé plus de 89 milliards de dollars de bénéfices au profit d’Apple.

Apple est aussi impliqué dans de nombreux procès avec Samsung dans le monde entier, l’entreprise Sud-Coréenne accusant l’entreprise Californienne de vols de brevets, et réciproquement. Pourtant, il semble qu’Apple ait déjà usé de manière frauduleuse des brevets de Samsung. La Commission du Commerce extérieur des USA (USITC) l’ayant condamné en 2011 et interdit d’exporter certains modèles vers les USA. Mais en 2013, la Maison-Blanche décide d’annuler la décision afin de protéger la société Californienne et ses intérêts juteux.

Apple a aussi été impliqué dans un procès d’abus de monopole où les plaignants, un collectif de consommateurs, l’accusaient d’empêcher le consommateur de mettre de la musique en utilisant un autre logiciel que iTunes. Apple a gagné le procès en mettant en avant la sécurité pour ses clients, qui évitaient les logiciels malveillants en téléchargeant la musique depuis iTunes.

Ce qui transparait de ces affaires, c’est la logique de la domination. Apple n’a pas d’autre ambition que de contrôler le marché global. A nouveau, elle symbolise la toute puissance d’une multinationale tentaculaire dont la richesse dépasse désormais celle de plus d’un état. Le seul moyen de rétablir un statut-quo serait un changement majeur dans la consommation citoyenne vers des marques équitables.

Google_vs_Apple

Stratégies d’optimisation fiscale

Comme de nombreuses multinationales, Apple ne fait pas exception. La société est mise en cause dans de nombreuses affaires de contournement fiscal, processus usant d’un vide juridique qui permet aux entreprises de payer moins de taxes (ou aucune) dans le pays où elle vend ses produits. Cette pratique exploite les vides juridiques des différentes législations ou des cadeaux exceptionnels offerts par des états. Ce n’est donc pas vraiment illégal. Tout juste immoral.

Mais Apple souhaite payer encore moins que rien en imposition. Par deux fois, la commission Européenne accusera Apple d’avoir bénéficié d’aides d’État illégales de plusieurs pays Européens, permettant à la célèbre entreprise de bénéficier d’un taux d’imposition sur bénéfices inférieur à 2%, hors USA. 2% d’impôts pour participer à la collectivité pour une société dont le poids environnemental est astronomique ? C’est évidemment le citoyen lambda et les petites entreprises qui supportent l’essentiel du poids de la dette, qui sont lésés. Ces montages financiers ont permis à Apple en 2012 (hors USA) de ne payer que 713 millions de dollars d’impôts pour 36 milliards de bénéfices.

Conditions de travail et impacts environnementaux

On en vient forcément au point le plus trouble de la société. On ne dénombre plus les scandales quant aux conditions de travail inqualifiables dans les usines asiatiques des sous-traitants d’Apple, comme Foxconn et Wintek. Un rapport de 2011, publié par 34 associations de défense de l’environnement, dont des ONG chinoises, reproche à Apple de ne pas surveiller ses fournisseurs et de négliger l’impact environnemental et la pollution engendrée par les usines. Les nappes phréatiques étant extrêmement polluées et la santé des habitants menacée. Ce rapport fait état de la semaine de 60 heures, ce temps de travail étant lui-même au-dessus de la loi Chinoise qui interdit de travailler plus de 44 heures par semaine.

Plusieurs anecdotes viennent assombrir encore le tableau comme les suicides anormalement élevés obligeant la société à placer des filets de sécurité sous les fenêtres. Mais aussi les intoxications ponctuelles des ouvriers en contact avec des produits chimiques dangereux et des métaux lourds, indispensables à nos Smartphones. Ou bien encore ces étudiants en médecine obligés de se rendre en stage dans les usines Foxconn pour maintenir le flux de production avant la sortie d’un iPhone ou d’une Playstation. Fournissant également Nokia et Sony, l’usine admet avoir employé des enfants. En 2011, 47 ouvriers travaillant pour Lianjian Technology, un autre sous-traitant d’Apple, auraient reçu une indemnité de 10 000 euros, contre l’abandon des poursuites. La liste est encore longue.

foxconn15n-2-webFilets anti-suicides chez Foxxconn. Source.

Usage des minerais de sang

Plus on remonte en amont, plus l’horreur de ce symbole de la consommation apparait clair. Prenons le cas du Tantale, un métal indispensable au bon fonctionnement des téléphones. 80% des réserves mondiales de ce minerai se concentrent dans les sous-sols de la République Démocratique du Congo. Ce minerai très rare et très cher suscite beaucoup de convoitises. Des groupes armés et violents s’affrontent constamment pour permettre l’extraction du minerai par des sociétés privées en liaison avec la Chine et les usines de fabrication. L’instabilité perpétuelle dans la région permet une exploitation à moindre coût de métaux rares qui finiront dans nos téléphones portables.

China National Mon Ferrous, un des fournisseurs d’Apple, se fournit en tantale à travers des sociétés écrans pour, semble-t-il, brouiller les pistes. Apple assure ne plus travailler avec ce fournisseur depuis 2010, mais cela n’empêche pas les mines de RDC de tourner à plein régime, en tuant chaque mois de nombreux travailleurs, dont énormément d’enfants, dans des éboulements.

girl congo miningImage : pbworks

La consommateur détient le pouvoir

Plus que jamais, chaque acte de consommation est un bulletin de vote pour le monde de demain. Plus des multinationales comme Apple sont puissantes, plus nous évoluons vers une corpocratie à la sauce TAFTA. La technologie n’est évidemment pas le problème ici. C’est bien la recherche du profit au détriment de l’humain, de la vérité et du vivant qui pose problème. De ce fait, les pratiques énoncées ici ne sont pas l’apanage d’Apple. La plupart des fabricants de smartphones ou d’électronique se comportent de cette manière. Tous ? Pas vraiment.

Grâce au travail des ONG, il n’est désormais plus possible de nier ces réalités. De plus en plus de consommateurs veulent construire un monde en transition. Pour répondre à ce besoin de changement, de nouvelles marques apparaissent. Comme le Fairphone, elles se veulent respectueuses des normes, de l’humain et de l’environnement. Malheureusement, ces alternatives sont peu connues, peu médiatisées et peu accessibles. Il est temps de voir le modèle d’économie collaborative s’emparer des technologies. Cette transition dépendra avant tout du nombre de consommateurs prêts à changer leur fusil d’épaule.

https://www.youtube.com/watch?v=HoQtErxn6jo


Sources : liberation.fr / marketing-strategie.fr / forbes.com / bfmbusiness / humanie.fr / rfi.fr

 

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