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Boîtes à vélo : comment un groupe d’artisans français révolutionne les centres-villes

Ils sont plombiers, laveurs de vitres, électriciens, brasseurs, masseurs, livreurs, et ont choisi le vélo comme support de travail. Sans passer inaperçus, ces artisans d’un nouveau genre déambulent depuis quelques années en ville, à bord de bi ou tri-porteurs. À Nantes, le premier collectif de travailleurs à vélo a vu le jour en 2013. Leur nom n’a pas changé depuis : Les Boîtes à vélo, qui ont essaimé partout en France, au point de fonder la première fédération des travailleurs à vélo. Rencontre inspirante.

Et ils n’ont rien inventé. Travailler avec son vélo en ville était plutôt courant à une époque (au début du XXème siècle) où l’automobile n’était qu’un luxe peu accessible. Maintenant que tout le monde a adopté la voiture, on redécouvre que le vélo n’est pas si mal pour circuler en ville rapidement. Plus rapide, plus pratique, moins coûteux, moins polluant, il fait l’unanimité chez ces entrepreneurs locaux qui ont monté leur boîte avec cet ingénieux moyen de locomotion.

Dans ces curieuses boîtes montées sur deux ou trois roues, on trouve de tout : du nettoyage de vitres, de la petite restauration, de la livraison, du yoga et du massage à domicile, de l’assistance informatique, des sorties touristiques, de la collecte de déchets, etc. Celui qui répare les vélos à domicile en venant lui-même à vélo fait finalement preuve d’une grande cohérence. Un plombier ou une diététicienne à vélo ? Rien n’est impossible à la petite reine. Et pour cause : elle se faufile partout dans les centres urbains, là où les autres véhicules à moteur peinent à se trouver une place.

Tout service, tout métier, est en principe adaptable au vélo. Ici des triporteurs. Crédit : Martin Dronne.

Un vivier important se trouve tout spécialement à Nantes où l’aménagement et le relief sont propices à la circulation cycliste. Un nom original les rassemble : Les boîtes à vélo.

En 2012, ils étaient quatre entrepreneurs à vélo, à se connaître et à se côtoyer de temps en temps. « En se croisant on a décidé un jour d’aller boire un coup… Il y avait un cafetier, un peintre, une bricoleuse, et nous », se rappelle Sonia Boury, présidente des Boîtes à vélo Nantes. « Nous », c’est elle et son conjoint, Pierre-Olivier Clerc, plombier de métier. Après avoir dépanné un copain à vélo, lors d’une grève des raffineries en 2010, il prend alors conscience de la praticité de ce moyen de locomotion tout simple. Il investit alors dans un triporteur pour embarquer suffisamment de matériel. Chauffe-eau sur une remorque attelée à l’arrière, caisse à outils dans la boîte, désormais ce n’est qu’à bicyclette qu’il dépanne les gens.

« Quand un plombier en camion s’occupe de trois clients, nous en faisons six alors que nous sommes à vélo. »

« Pierre-Olivier a été le tout premier cycliste plombier-chauffagiste en France. On se moquait de nous à l’époque », raconte sa compagne, qui l’assistait dans ses déplacements. Sur un marché où la concurrence ne roule qu’en fourgon, ils ne faisaient pas peur. « Mais la demande a augmenté ! Le genre de petites demandes situées en hyper-centre-ville qui n’intéressaient pas les autres. La petite mamie qui a le robinet qui fuit, par exemple, dont tout le monde se fiche. » Aujourd’hui, ils sont cogérants de Ze plombier, une SARL qui emploie cinq plombiers-cyclistes. Un projet à taille humaine qui fonctionne bien.

Les boîtes à vélo, première fédération de travailleurs à vélo

Cette « nouvelle » formule pour pratiquer son métier connaît un vif succès. À Nantes, en 2013, ce ne sont plus quatre, mais une dizaine d’entrepreneurs et d’associations qui font chauffer le bitume des pistes cyclables. Un bond qui marque le début du collectif des Boîtes à vélo. Un prix leur est décerné en 2015, au congrès international Vélocity, qui se tenait à Nantes cette année-là. Dans cet événement annuel qui encourage l’usage du vélo dans le monde entier, ils sont même reconnus comme étant le premier collectif de travailleurs à vélo. À la sortie du congrès, ce collectif informel se structure en association. Depuis, leur nombre ne cesse d’augmenter.

« Nous sommes convaincus que l’avenir des centres-villes, c’est nous. »

Ailleurs en France, d’autres entrepreneurs veulent suivre la trace des Boîtes à vélo nantaises. « Ce sont les Grenoblois qui nous ont contacté les premiers, relate Sonia Boury, Nous ne voulions pas vendre le concept, nous cherchions simplement à essaimer et à le répandre un peu partout. » A Paris, puis à Angers, à Lille et à Lyon, Bordeaux, Rennes, Tours, Strasbourg, des noyaux locaux sont désormais estampillés Boîte à vélo. Ce large mouvement national a lancé son propre congrès national le 19 janvier dernier, à Angers. Le premier congrès de France des travailleurs à vélo, qui aboutit à la création d’une fédération. « Le but étant de défendre les intérêts communs des Boîtes à vélo locales, des entrepreneurs-cyclistes en général, de nos intérêts politiques », présente Sonia Boury. Des enjeux, il y en a, comme l’augmentation de la puissance du moteur électrique, bridé à 250 watts, « insuffisant pour transporter du gros matériel ».

Maintenant, la première fédération des travailleurs à vélo rassemble 200 structures, entrepreneurs et fabricants, dont une trentaine à Nantes. « Il y en a beaucoup d’autres qui ne nous ont pas rejoints pour l’instant, par manque de temps ou d’énergie », avance la présidente de l’association nantaise. Pas moins de 500 entreprises à vélo ont été recensées à ce jour.

Le premier congrès des Boîtes à vélo France à Angers, en janvier 2019. Crédit : Martin Dronne.
LA solution pour les centres-villes

La voiture serait-elle en voie de disparition dans les paysages urbains ? « Nous sommes convaincus que l’avenir des centres-villes, c’est nous, c’est le vélo », assure Sonia Boury. Non-polluants, peu encombrants, silencieux, rapides, proposant un service de proximité, les artisans en cycle ont tout pour plaire. « Quand un plombier en camion s’occupe de trois clients, nous en faisons six alors que nous sommes à vélo. On est plus rapide, donc plus rentable », argumente-t-elle. Aussi, le stationnement devient impossible en camion dans les centres urbains. Démotivés, les artisans à moteur délaissent les habitants de ces secteurs trop encombrés. « Les travailleurs à vélo sont la solution des centres-villes, je n’en vois pas d’autres. Toutes les grandes entreprises, comme La Poste, savent bien que demain ils n’auront plus d’autre choix que de passer par là. »

Crédit : Martin Dronne.

L’artisan qui pédale brasse ainsi une large clientèle, intriguée, admirative et consciente de faire un geste écologique. En plus, il fait du sport quotidiennement. « Ça me détend », témoigne un cycliste entre deux clients. La pluie ? « On n’est pas en sucre ! Et puis ça fait partie de la nature : c’est un faux problème ! » Les Boîtes à vélo démontrent aussi que tout service, tout métier, est adaptable au deux-roues. « On peut tout faire avec un vélo aujourd’hui !, défend la présidente de Nantes. On peut proposer de multiples services, et il y en a plein à inventer ! Nous, on transporte bien des baignoires. »

Seule difficulté : le recrutement. « Je refuse des clients tous les jours, regrette la cogérante de Ze plombier. Pourtant notre secteur d’activité ne se développe que dans un rayon de cinq kilomètres ! » Les deux ou trois salariés supplémentaires que l’entreprise pourrait embaucher ne pointent pas le bout de leur mollet. « C’est bien d’être en avance sur les autres, le plus dur maintenant c’est d’emmener les autres avec soi. »

L.R


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