En Afghanistan, les femmes subissent la maltraitance grandissante des talibans. Privées de droits fondamentaux, elles protestent pour une petite partie d’entre elles dans les rues d’Afghanistan. Très peu de femmes ont pu s’expatrier. Ce sont souvent des activistes et des journalistes, comme Aisha Ahmad et Nafisa Bahar que nous avons interviewées. Ce reportage clôture notre série sur l’Afghanistan.

Des activistes afghanes luttent avec acharnement depuis la prise de Kaboul. Crystal Bayat, Palwasha Ackeckzai ou encore Nafisa Amini dont nous avons récemment publié l’interview, sont quelques une des activistes qui protestent contre les talibans, au péril de leurs vies. Certaines sont même portées disparues. Il y a aussi Mahbouba Seraj, journaliste connue pour ses actions qui ont mis en lumière les crises successives à l’origine des pertes importantes en matière de droits humains. Elle a créé plusieurs organisations comme le Réseau des femmes Afghanes engagé dans la défense du droit des femmes et des enfants. Dans cette article, nous dressons le portrait d’Aisha Ahmad et de Nafisa Bahar, activistes et journalistes. 

Des activistes afghanes qui luttent pour les droits humains.

Aisha Ahmad, journaliste et militante pour les droits des femmes

Aisha Ahmad, militante féministe et journaliste indépendante originaire d’Afghanistan a pu informer largement sur les exactions des talibans : « Avant la chute de Kaboul, j’étais étudiante en troisième année d’informatique à l’Université de Kaboul. Pendant la chute de Kaboul, j’étais coincée à l’aéroport de Kaboul et c’est à ce moment là que j’ai couvert l’actualité au sein même de l’aéroport. Mes vidéos et reportages ont été regardés par des millions de personnes et publiés dans des grands médias comme CNN, Yahoo News, ABC, VICE, Mirror UK, Dailymail ».

À présent en Allemagne, elle avait d’abord déménagé au Portugal en novembre 2021. Sa situation ne s’arrange pas car elle attend encore que sa demande d’asile soit traitée.

Nafisa Bahar, journaliste et activiste

Nafisa Bahar, 29 ans, est de la communauté Hazara de la province de Ghazni, en Afghanistan. Elle s’est expatriée en France ce 29 septembre et habite maintenant à Metz. Née dans un petit village du district de Jaghuri qui a souffert des talibans lors de leur précédent règne, c’est très tôt qu’elle décide de défendre les droits humains :

« Quand j’étais enfant dans notre village affecté par l’ancien régime des talibans, nous n’avions pas d’école. Les filles n’allaient pas à l’école. Dès 2002, des professeurs sont venus enseigner mais tout le monde n’était pas d’accord et la plupart des filles n’ont pas eu la chance comme moi d’aller à l’école. À cette époque, je ne supportais pas cette injustice ».

Journaliste et activiste en Afghanistan, elle a travaillé à Zan TV, une télévision afghane dédiée à la cause des femmes : « J’ai collaboré avec de nombreux médias sur des questions telles que les femmes protégeant leurs maisons ou fuyant leurs familles violentes. J’ai toujours élevé la voix contre l’injustice et la discrimination dans mon pays. J’ai protesté en écrivant au sujet des talibans pour des journaux et sur les réseaux sociaux. J’étais membre du Conseil de direction du Mouvement des femmes afghanes pour la Justice et la Liberté et je préparais du matériel journalistique pour le quotidien Iran Sharq. » affirme t’elle. 

Nafisa Bahar

Zahra Joya est une activiste inspirante pour Nafisa Bahar. Dans Rukhshana, le site web de Zahra Joya, elle a fait résonner la voix des femmes dans le monde. Elle a également beaucoup voyagé pour faire prendre conscience de cette problématique.

Protester au péril de sa vie

Nafisa Bahar et Aisha Ahmad font partie de ces femmes activistes qui ont pris de grands risques en protestant dans les rues d’Afghanistan. Nafisa Bahar avoue avoir vécu dans la peur quand elle habitait encore en Afghanistan.

Menacée à plusieurs reprises par les talibans, elle devait prendre d’extrêmes précautions : « Nous nous rencontrions dans un endroit secret. Nous avons été directement confrontés à la violence des talibans qui nous ont battus avec des bâtons et nous ont menacés à plusieurs reprises lors de nos manifestations ».

Nafisa Bahar critique la situation actuelle de dégradation de la cause des femmes en Afghanistan : « Une de mes amies a été battue par les talibans. Elle traverse une période très difficile en Afghanistan. Ces femmes ont protesté contre le décret des talibans d’interdire l’accès aux universités pour filles. Je ne sais pas combien de femmes sont maintenant en prison. La plupart des familles ne disent rien par peur de briser leur honneur ou par peur des représailles. Les talibans n’annoncent rien de leurs actions ! ».

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Renforcement de la violence terroriste

Concernant la situation globale des Afghans et des Hazaras, elle ne fait que s’aggraver d’après Nafisa Bahar : « Même avant la prise de Kaboul, de nombreux Hazara sont morts dans les centres éducatifs, les mosquées, les centres culturels à cause d’attentats suicides des talibans et de Daesh. Les Hazara sont encore et toujours persécutés à cause de leur physique différent car plus typé asiatique et le fait qu’ils ne soient pas des musulmans dans leur grande majorité ».

« L’Afghanistan est en guerre depuis près de 50 ans maintenant. À l’exception de Karzaï et Ghani, le transfert de pouvoir a toujours été sanglant auparavant. Nous avons un dicton en Afghanistan qui est que les Afghans sont au moins d’accord sur une chose : c’est qu’ils ne sont pas d’accord. Les 30 langues parlées en Afghanistan montrent cet état de fait. L’une des raisons principales de la guerre est que les pachtounes, qui sont majoritairement des terroristes, ont toujours voulu être au pouvoir avec leurs idées nationalistes. Ces talibans sont plus dangereux que les talibans de 2001 ! Maintenant, ils ont plus de 100 milliards de dollars d’armes modernes américaines en leur possession » s’insurge Aisha Ahmad.

Aisha Ahmad revient davantage sur l’historique des génocides perpétrés en Afghanistan : « Abdul Khaleq, un jeune étudiant, a assassiné le roi Nader Khan pour se venger. Ils ont torturé Abdul Khaleq, ses amis et sa famille et les ont tous pendus. Très vite, les Pachtounes et les Hazara se sont détestés mutuellement. Les talibans ont capturé des milliers de civils massacrés à Mazar-i-Shariff en 1998. Ils ont aussi tué des diplomates iraniens lors de ce génocide de Mazar. »

Nafisa Bahar assure que « quand les talibans sont arrivés, j’ai vu à quel point ils étaient contre les femmes. J’ai écrit beaucoup d’articles sur les femmes. Je poste régulièrement sur les réseaux sociaux. Je pensais qu’on pouvait changer la situation mais rien n’y fait ! Elles sont constamment victimes d’intimidation. Pourtant les femmes représentent la moitié de la société. Si les femmes ne peuvent pas étudier, l’Afghanistan n’aura pas un bon avenir. Les femmes sans instruction n’élèveront pas d’enfants instruits. ».

Nafisa Bahar

Des personnes en dehors des frontières du pays se demandent pourquoi les hommes ne soutiennent pas les manifestations afghanes. Aisha Ahmad en explique la raison : « Culturellement, les hommes ont le dernier mot en Afghanistan. Les talibans sont également durs contre eux en battant à mort les hommes, des scènes dont j’ai été témoin. Ces hommes ont un souvenir angoissant des talibans de 1995 à 2001. En Iran, je suis sûre que, même si le régime n’a pas changé, les choses ne seront plus comme avant en faveur des mollahs en Iran ».

Des femmes talibans assistent aux manifestations et capturent des manifestantes. Elles prennent, ces femmes militantes, en otage pendant des semaines et les torturent pour qu’elles n’assistent plus aux manifestations. Les enfants sont aussi la cible des talibans.

Pour Nafisa Bahar, les solutions restent minimes : « Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme devrait protester et joindre sa voix aux femmes afghanes. Les organisations de femmes en Afghanistan, si elles se réunissent, ce serait déjà un très grand pas, mais je crains que ce ne soit pas suffisant car en Afghanistan, aucune organisation puissante ne peut agir. Il n’y a pas de ministère des femmes ! Protéger les femmes est presque impossible en Afghanistan ».

– Propos recueillis par Audrey Poussines et Hans Schauer


Photo de couverture : Des activistes afghanes qui luttent pour les droits humains. Transmise par Nafisa Bahar et Aisha Ahmad.

Sources complémentaires : 

https://mobile.twitter.com/AishaTaIks/status/1618266144321998849

https://mobile.twitter.com/nafisbahar1/media

https://mobile.twitter.com/AishaTaIks/status/1605782562219216898

https://mobile.twitter.com/AishaTaIks/status/1602787528720977920

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