Niort, chef-lieu du département des Deux-Sèvres. Au chômage depuis 3 ans, Sébastien Guillon a voulu alerter sur sa situation et la difficulté qu’il rencontre à trouver un nouvel emploi à 49 ans. Par une grève de la faim entamée le jeudi 1er juin, et qui semble être son dernier moyen de s’exprimer, l’ancien chef d’entreprise dans le bâtiment espère pouvoir sensibiliser l’opinion publique ainsi que les acteurs économiques et politiques locaux sur sa situation et celle de tant d’autres. Jusqu’à présent, l’homme est bien déterminé à ne recommencer à s’alimenter que lorsqu’il aura reçu deux propositions de CDI.

« C’était la dernière façon de me faire entendre, il fallait trouver un acte fort pour alerter les élus, les gens, les patrons, et tous les citoyens. » Derrière cette phrase se cache toute la déception et le dépit de Sébastien Guillon, qui est en chômage longue durée. Pour lui, cette situation qui ne peut plus durer à des effets « ultra-concrets » « J’ai un gosse à nourrir, j’ai une dignité », s’exclame-t-il. En dépit de ses nombreux efforts, à l’approche des 50 ans, le marché du travail ne lui a ouvert aucune porte en trois ans de recherche.

« J’ai besoin de bosser et j’ai envie de bosser »

 Nous ne sommes pas uniquement des chiffres

Ce dernier ne manque pas d’expérience. Ayant fait des études de sciences économiques à Poitiers, il possède également un diplôme d’État aux fonctions de l’animation. Au cours de sa vie, il a expérimenté des « petits boulots » variés, notamment dans une écurie et dans une poissonnerie. Il a surtout été directeur d’un centre socioculturel ainsi que chef d’entreprise dans le bâtiment, avec jusqu’à 14 salariés à ses côtés. Il y a trois ans, lorsqu’il est obligé de mettre les clés sous la porte suite à une faillite, il découvre que la recherche d’un nouvel emploi reste veine : « Entretien d’embauche après entretien d’embauche, lettres de candidature après lettres de candidature, rien.. ».

Pour alerter sur sa situation, il a décidé il y a peu d’entamer une grève de la faim. Depuis le jeudi 1er juin, il mène son action devant l’Hôtel de ville de Niort où il reste jours et nuits, accompagné d’un matelas et de quelques bouteilles d’eau. De nombreux habitant.e.s lui manifestent leur soutien et différents médias ont rapporté son initiative. Le gréviste a également eu l’occasion de rencontrer quelques candidats aux législatives. Mais pour le moment, sa démarche reste sans réels effets.

Crédit photo : Sébastien Guillon

« On n’est plus bon à rien à 49 ans ? On peut plus travailler ? »

La grève de la faim de Sébastien, résonne comme un cri de désespoir, individuel et social. Sa démarche est motivée par le souhait de « [s]’élever contre l’indifférence et le mépris qui rongent notre société ». D’ailleurs, derrière le caractère personnel de sa requête, se trouve aussi une critique du monde du travail : « Il s’agit de rendre visible la misère sociale, de rendre visible le chômage. Nous ne sommes pas uniquement des chiffres, mais il y a des vies derrière les statistiques et c’est primordial de mettre des visages sur tous ces éléments abstraits ». Mais une fois le cercle vicieux du chômage enclenché, difficile de s’en sortir. En effet, comme pour beaucoup de personnes de son âge, la recherche d’emploi est difficile, faute d’opportunités.

« C’était la dernière façon de me faire entendre, il fallait trouver un acte fort pour alerter les élus, les gens, les patrons, et tous les citoyens.

Si après 10 jours de grève de la faim Sébastien Guillon conserve toujours l’espoir « que les éventuels employeurs se mobilisent un peu plus », il regrette le manque de réactivité de la part des pouvoirs publics. « Les institutionnels veulent le jouer à l’usure », estime-t-il. Malgré la fatigue, sa détermination reste intacte jusqu’à présent : « Mon objectif est d’obtenir deux propositions de CDI, je me réalimenterai seulement lorsque cela aura été le cas ». Pour lui venir en aide, certains Niortais ont désormais décidé de constituer un comité de soutien.

Le culte du travail a-t-il un avenir ?

D’un point de vue structurel, l’existence même du chômage de masse, dans un contexte de recul des droits sociaux et d’un déséquilibre réel entre l’offre et la demande d’emplois place les travailleurs dans une situation intenable de soumission aux grands détenteurs de capitaux. Bénéficiant d’une situation qui leur est favorable, ceux-ci peuvent faire fonctionner l’offre et la demande pour tirer les salaires vers le bas et bénéficier d’une main d’œuvre abondante et remplaçable à souhait. Avec la volonté de l’actuel gouvernement de réformer à nouveau le code du travail dans le but affiché de fluidifier le marché, ouvrant la porte à des accords décentralisés au niveau de l’entreprise, le risque est réel de voir les plus grands groupes tenter d’imposer des conditions de travail encore plus difficiles sur base du chantage à l’emploi.

Cette vision de court terme survivra-t-elle au poids de l’histoire ? Selon la Banque Mondiale, l’automatisation pourrait faire disparaître près de 70 % des emplois dans les pays en voie de développement. En occident, la robotisation risque de diamétralement modifier notre rapport au travail dans les prochaines décennies. Alors, faut-il partager l’activité restante ? ou céder à l’exclusion généralisée des moins chanceux ? Jusqu’où le culte du travail peut-il nous pousser à sacrifier ceux qui n’en ont pas ?

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Source : Propos recueillis par l’équipe de Mr Mondialisation

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