Suite à la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron, des élections législatives sont prévues le 30 juin (1er tour) et le 7 juillet (2e tour) 2024. Mr Mondialisation a analysé pour vous les programmes des trois forces principales qui pourraient bien gouverner la France dès cet été.

Considérablement affaibli, le camp présidentiel a de très grandes chances de perdre le pouvoir à l’issue du prochain scrutin. Face à lui, le Rassemblement national et le Nouveau Front Populaire proposent deux projets radicalement opposés.

Cure d’amaigrissement

Avec la campagne électorale extrêmement courte imposée par le président, les forces politiques ont dû s’arranger très rapidement. Contre toute attente, La France Insoumise, les Écologistes, le Parti Socialiste et le Parti Communiste (soutenus par pas moins de 45 organisations) ont réussi à se mettre d’accord autour de la bannière du Nouveau Front Populaire.

Les programmes ayant été composés en très peu de temps, ils ont été largement réduits, d’autant plus qu’ils ne portent plus que sur trois ans au lieu de cinq habituellement. Ainsi le projet du Nouveau Front Populaire ne contient plus que 150 points alors que celui de la NUPES, précédente alliance de gauche, en comportait 650. Parmi les trois programmes principaux de cette élection, il reste malgré tout le seul à avoir été chiffré, aspect analysé en détails par Bon Pote.

Du côté d’Emmanuel Macron, les 118 mesures de 2022 ont fait place à uniquement 52 propositions. Côté RN, le mot d’ordre semble à la panique puisque les promesses n’ont cessé d’évoluer tout au long de la campagne. Après avoir laissé pendant longtemps simplement huit indications peu détaillées, et après avoir renoncé à beaucoup d’annonces passées, il a fini par mettre en ligne au dernier moment un document englobant 92 points ; ce dernier adoptant une construction en deux phases qui rappelle étrangement celui du plan de la gauche publié deux semaines plus tôt.

Tour d’horizon par Mr Mondialisation des idées majeures des trois grandes forces autour de dix thèmes essentiels :

1. Le pouvoir d’achat

Préoccupation numéro un des Français, le pouvoir d’achat a été pris très au sérieux par le Nouveau Front Populaire. On retrouve ainsi de nombreuses mesures comme l’augmentation du SMIC à 1600 €, la hausse de 10 % des APL, le blocage des prix des produits de première nécessité, le gel des loyers, l’indexation des salaires sur l’inflation, l’école vraiment gratuite (cantine, périscolaire, fournitures, transports, etc.), ou encore la diminution des tarifs de l’eau et de l’énergie (notamment en quittant le marché européen de l’électricité). Enfin, une garantie autonomie sera créée pour que plus personne ne soit sous le seuil de pauvreté en France.

Les soutiens d’Emmanuel Macron promettent quant à eux de baisser les montants des factures EDF de 15 %, mais sans sortir du marché européen de l’électricité, même s’il est amplement démontré qu’il est responsable des envolées connues ces dernières années. Le camp présidentiel veut, de plus, donner une illusion de faire progresser les revenus en rognant sur les cotisations, notamment des patrons. Or ce système n’est pas une augmentation de salaire, mais surtout un manque à gagner pour la sécurité sociale.

Dans ce domaine, le programme du RN s’inscrit exactement dans la même veine. Le parti de Jordan Bardella a en effet mis sous le tapis la plupart de ses mesures de pouvoir d’achat pour n’en conserver que quelques-unes. Il est notamment évoqué la baisse de la TVA sur l’énergie et la réduction des cotisations patronales. Là encore des propositions qui videront les caisses de l’État et notre système social, au profit des entreprises et en particulier des multinationales.

2. Les retraites

Si le NFP arrive au pouvoir, la suppression de la réforme des retraites d’Emmanuel Macron fera partie des premières mesures mises en place. Par la suite, des négociations seront rouvertes avec les partenaires sociaux avec comme objectif la retraite à 60 ans. Toutes les pensions dues à une carrière complète seront par ailleurs alignées au minimum sur le niveau du nouveau SMIC (1600 €).

- Pour une information libre ! -Soutenir Mr Japanization sur Tipeee

Renaissance ne reviendra bien sûr pas sur sa propre loi qui avait poussé l’âge de départ à 64 ans. Ils ont néanmoins inscrit dans leur programme une volonté d’indexer les retraites sur l’inflation. Un processus qui existe déjà dans la législation.

Côté RN enfin, il a été très difficile de s’y retrouver tant les revirements ont été nombreux. Après avoir renoncé à la retraite à 60 ans pour tous en 2022, l’extrême droite a ensuite déclaré qu’abroger la réforme d’Emmanuel Macron ne serait plus une priorité. Et pourtant, elle a finalement inscrit cette mesure dans son programme. Éric Ciotti, le nouvel allié du parti, défendait quant à lui un départ à 65 ans.

3. La sécurité

Pour améliorer la sécurité des Français, le NFP appelle d’abord à combattre toute forme de discrimination (racisme, antisémitisme, islamophobie, etc.), notamment en protégeant les lieux cultuels. Il aspire aussi à l’augmentation des effectifs de police, au rétablissement de la police de proximité, et à l’abrogation des lois de sécurité globale et sur le séparatisme. De plus, 2,6 milliards d’euros de budget seront alloués spécialement à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, comme le réclament les associations. Enfin pour endiguer les abus des forces de l’ordre, l’alliance préconise le remplacement de l’IGPN par une instance indépendante et la mise en place de récépissés de contrôle d’identité.

Du côté d’Emmanuel Macron, le thème de la sécurité semble avoir été largement oublié puisque le programme ne contient pas grand-chose à ce sujet. Une seule proposition punitive est tout de même présente : une loi contre la délinquance des mineurs qui pourrait permettre de les juger comme des adultes dès 16 ans.

Cette dernière mesure apparaît d’ailleurs également dans le projet du Rassemblement National. En outre, on y trouve aussi la mise en place de peine plancher pour les récidivistes, la suspension des allocations sociales pour les parents de mineurs délinquants, ou l’obligation d’une police municipale pour les villes de plus de dix mille habitants. Enfin, on notera particulièrement la volonté d’instaurer une « présomption de légitime défense pour les forces de l’ordre » qui pourrait conférer à la police une sorte d’immunité.

4. La santé

Le NFP entend lutter contre les déserts médicaux en embauchant massivement des soignants. Pour faire revenir dans la profession ceux qui l’ont quittée, elle souhaite améliorer les conditions de travail et de salaire. Mais il interdira aussi aux nouveaux médecins de s’installer dans des zones déjà suffisamment pourvues et favorisera l’établissement de maisons de santé. Enfin, il mettra en place un pôle public du médicament pour retrouver une certaine indépendance dans la production de nos articles sanitaires. Le remboursement à 100 % par la sécurité sociale de tous les frais médicaux, présent dans le programme de la NUPES de 2022, n’a cependant pas été repris ici.

La Macronie promet de doubler le nombre de médecins en formation d’ici 2027 et de créer une mutuelle d’État à un euro par jour pour les plus précaires qui ne pourraient se le permettre. A savoir qu’il existe déjà de multiples assurances privées qui coûtent bien moins cher que trente euros par mois.

Pour le RN, il est nécessaire d’augmenter le cumul emploi-retraite pour les infirmiers et les médecins et les dispenser d’impôt sur le revenu. Autrement dit, cela impliquerait de solliciter des soignants retraités d’une carrière difficile pour leur confier de hautes responsabilités. D’autre part, le parti de Marine Le Pen veut supprimer des postes dans l’administration des hôpitaux, et mettre fin aux agences régionales de santé ainsi qu’à l’aide médicale d’état.

5. L’immigration

En matière d’immigration, le Nouveau Front Populaire mise sur la rupture avec les politiques précédentes en prônant un accueil digne des exilés. Il préconise ainsi d’abroger la loi immigration votée récemment, de créer un statut de déplacé climatique, d’assurer un accompagnement social des demandeurs d’asile, de régulariser les travailleurs sans-papiers et d’établir des voies légales et sécurisées d’immigration pour en finir avec les morts en mer et le déni.

Dans le domaine, la majorité ne prévoit pas spécialement de mesures nouvelles. Elle table simplement sur la continuité avec les politiques précédentes plutôt réfractaires à l’immigration et démissionnaire sur la question de l’accueil et de l’intégration.

Sur son thème favori, le RN articule en revanche plusieurs propositions toutes plus répressives les unes que les autres. Au menu, on a par exemple la fin du droit du sol, la restriction du regroupement familial, la mise en place la préférence nationale ou la suppression des aides financières pour les étrangers. Certaines de ces mesures étant contraires à la constitution, ils entendent les soumettre au référendum.

6. La fiscalité

Le NFP l’a affirmé avec force, avec lui au pouvoir, 92 % des Français paieront moins d’impôts (ISR et CSG). Cela concerne toutes les personnes gagnant moins de 4000 € par mois et par individu. En revanche, les plus aisés verront leur contribution augmenter. Pour les mieux lotis et pour les grandes entreprises, plusieurs prélèvements feront aussi leurs apparitions comme l’impôt sur la fortune, la taxe sur les superprofits, ou l’héritage maximum plafonné à 12 millions d’euros. Seront en outre supprimées des niches fiscales inutiles et polluantes ainsi que l’exit tax et la flat tax. Une mise à contribution des grandes fortunes qui doit permettre à la gauche de financer son projet.

Du côté du camp présidentiel, l’heure n’est évidemment pas à revenir sur tous les cadeaux fiscaux faits aux plus riches au cours des trois dernières années. La ritournelle reprise dans le programme consiste toujours à considérer les impôts comme un bloc qui devrait être augmenté pour tout le monde ou pour personne, comme s’il était impossible de traiter différemment les plus aisés et les plus modestes.

Pour être accepté de la bourgeoisie et disposer d’un certain appui médiatique (notamment du groupe Bolloré), le RN se garde aussi bien de s’attaquer aux plus grandes fortunes. Dans son projet, on trouve à ce sujet un nouvel impôt sur la fortune financière qui remplacera celui sur la fortune immobilière, sans précision de contour. Pour autant, sa politique fiscale consiste globalement à augmenter les inégalités, par exemple en exonérant les moins de trente ans (sans tenir compte de leur patrimoine) d’impôt sur le revenu et sur les sociétés. Ainsi, les héritiers de milliardaires, les acteurs ou les footballeurs de 29 ans ne paieront plus tandis qu’un ouvrier de 31 ans pourra, lui, y être soumis.

7. Les services publics

Le NFP fait également des services publics l’une de ses priorités avec le souhait d’une embauche massive de fonctionnaires dans tous les domaines, en particulier dans les hôpitaux et les écoles. Il prévoit ainsi que chaque service public devrait se trouver à moins de trente minutes de chaque Français. Il compte notamment augmenter les lits de soin, diminuer le nombre d’élèves par classe à 19 maximum, relancer le rail et les petites lignes ou encore créer 500 000 places en crèche.

Le camp Macroniste paraît lui se satisfaire de la situation actuelle des services publics. On retrouve simplement la volonté d’ouvrir 300 nouvelles maisons « France service » supplémentaires dans le pays.

Pas grand-chose non plus à se mettre sous la dent du côté de l’extrême droite au niveau des services publics. Seule une revalorisation des salaires et des moyens (sans précision) des professeurs semble être à l’ordre du jour, ainsi qu’une « réduction de la bureaucratie ».

8. L’écologie

Thème crucial dans le plan du Nouveau Front Populaire, l’écologie revient avec insistance dans les pages du programme. On y prône ainsi : un moratoire sur les projets autoroutiers et sur les megabassines, un partage de l’eau, une loi énergie climat, et l’inscription du principe de la règle verte.

Mais l’union vise aussi la neutralité carbone pour 2050, des aides massives pour l’isolation des logements, la rénovation des bâtiments publics, le renforcement de la filière des énergies renouvelables, le refus de la privatisation des barrages, le développement des transports publics, et la préservation des zones de biodiversité (naturelles, agricoles, forestières).

Elle entend également favoriser la paysannerie à reprendre une taille plus humaine dans le respect du bien-être animal et encourager l’agriculture biologique. Un processus qui passera notamment par la lutte contre libre-échange et contre les pesticides.

Dans la continuité de sa maigre action pour la cause environnementale, le camp présidentiel, à l’image de toute la droite, se focalise encore sur le nucléaire, avec huit réacteurs supplémentaires dans les cartons. Elle souhaite également développer les véhicules électriques et rénover les logements du CROUS.

Le RN s’érige quant à lui contre « l’écologie punitive », une rhétorique bien connue à droite qui s’avère cependant peu crédible. Pour le mouvement d’extrême droite, il ne s’agit donc pas de mettre en place de nouvelles mesures écologiques, mais bien d’en supprimer. C’est par exemple le cas de la fin des voitures thermiques en 2035, de l’existence des zones à faibles émissions, ou de l’interdiction de louer des passoires thermiques. Le parti entend empêcher la privatisation des barrages et développer l’énergie nucléaire. Il prône aussi les circuits courts, notamment dans le domaine de l’alimentation, ce qui est en soi une bonne chose, mais au prétexte de la « priorité nationale » que dans un souci de la préservation de la planète.

9. La démocratie

En matière de démocratie, le NFP souhaite la création du Référendum d’Initiative Citoyenne, la suppression du 49.3, l’instauration de la proportionnelle aux législatives, et enfin la convocation d’une assemblée constituante afin de faire réécrire la constitution par le peuple et de passer à la sixième république. Des démarches qui seront cependant extrêmement difficiles à mettre en place puisqu’il faudrait l’appui du sénat (dominé par la droite) ou du président pour modifier notre texte suprême.

Dans le domaine, Emmanuel Macron ne suggère aucun changement marquant, après avoir pourtant assuré pendant des années qu’il était favorable à une dose de proportionnelle à l’assemblée nationale. De même, il est fervent partisan de la 5e république qui offre beaucoup de pouvoirs au chef de l’État, ainsi que du 49.3, massivement utilisé pour faire passer ses réformes depuis 2022.

Côté RN, le Référendum d’Initiative Citoyenne est également à l’ordre du jour, ainsi que l’impossibilité de modifier la constitution sans consulter le peuple. Plusieurs de ses propositions anticonstitutionnelles pourraient d’ailleurs faire l’objet d’un vote. Mais là encore, il sera difficile de les appliquer sans l’aval du président ou du sénat.

10. L’international

Thème majeur de campagne des Européennes, la question israélo-palestinienne reste présente dans le programme du NFP. Il propose notamment de reconnaître l’état palestinien, œuvrer pour la libération des otages israéliens, sanctionner économiquement le gouvernement de Netanyahu, en particulier par un embargo sur les armes. Un soutien à l’Ukraine sera également maintenu. Enfin, pour des raisons environnementales et sociales, elle luttera au niveau européen contre le libre-échange.

Pas question en revanche pour le camp présidentiel de reconnaître l’État palestinien. À l’inverse, l’aide à l’Ukraine se poursuivra. Enthousiaste pour réduire les budgets des services publics, la Macronie souhaite cependant doubler le budget de l’armée française d’ici 2030.

Au RN le projet n’est guère différent, même si le soutien à l’Ukraine est évidemment beaucoup plus timide tant le parti nationaliste est proche de la Russie de Vladimir Poutine. Pas question non plus de soutenir la reconnaissance de la Palestine, le conflit au Proche-Orient n’est d’ailleurs pas évoqué par le mouvement d’extrême droite.

Conclusion

Mr Mondialisation, apartisan, mais pas apolitique, ne vous dira pas pour qui voter. Cependant, nous suivons une ligne éditoriale ouvertement humaniste et écologiste. Nous le rappelons ici et sans cesse en toute transparence, en opposition à une presse pseudo-objective qui oriente insidieusement l’opinion sans jamais échapper, en réalité, à la subjectivité de son prisme : le journalisme neutre n’existe pas, mais le journalisme honnête résiste encore.

De fait, notre prisme étant celui d’horizons respirables, solidaires et dignes, il va de soi que notre analyse déplore les impensés et le repli, ainsi que l’aggravation des inégalités, et souligne davantage les mesures de fond sociales et viables qui envisagent un avenir serein et juste pour toutes et tous. 

– Simon Verdière


Image d’entête @TF1/Capture

- Cet article gratuit et indépendant existe grâce à vous -
Donation