Depuis le début de son mandat, Emmanuel Macron exerce le pouvoir de manière individuelle et autoritaire. Et pourtant, en bon communicant, avec l’aide des médias alliés, il a fait, à multiples reprises, mine de discuter avec l’opposition ou avec le peuple pour, en définitive, n’en faire qu’à sa tête.

À chaque crise politique (dont il est lui-même à l’origine), le chef de l’État rejoue la même pièce de théâtre. Une grande consultation sera lancée auprès d’intervenants extérieurs au pouvoir afin d’opter pour la meilleure décision de manière démocratique.

Toutefois, dans les faits, ces moments se sont toujours révélés être des moyens de gagner du temps et de se faire oublier pour continuer à faire ce qui lui plaisait. Mr Mondialisation revient sur cinq exemples de ces épisodes aussi répétitifs que prévisibles.

1. Le grand débat national

À l’automne 2018, de gigantesques manifestations fleurissent dans toute la France à l’initiative des Gilets Jaunes. Toutes les colères bouillant dans le pays depuis des années ressurgissent alors dans le débat public, notamment d’un point de vue social et démocratique.

Dépassé par les évènements et l’ampleur des protestations, Emmanuel Macron se lance dans la stratégie du pourrissement. En plus d’une répression policière sévère, il prétend surtout ne pas comprendre les revendications du mouvement, comme le RIC qu’il considère comme une menace pour le système représentatif.

Le chef de l’État tente alors d’endormir des millions de personnes avec son « grand débat national ». Il lance donc une vaste opération de propagande où on le voit controverser avec des salles bondées de Français triés sur le volet. Au centre d’une arène pendant des heures, ce qui devait être une discussion se transforme bien souvent en monologue où le président cherche à imposer son point de vue, le tout devant les caméras de toutes les télévisions qui retransmettent ces images pendant des après-midi entiers.

Dans la même séquence, Emmanuel Macron propose aux Français de remplir « des cahiers de doléances » dans leur mairie pour que le gouvernement puisse les examiner et en tenir compte dans son exercice du pouvoir.

Bien que ces milliers de pages noircies, conservées aux archives, représenteront sans doute une source intéressante pour les historiens et les sociologues, elles n’auront cependant eu aucun impact sur les décisions du locataire de l’Élysée puisqu’aucune mesure concrète n’en débouchera. Peu importe, le procédé aura permis au gouvernement de gagner du temps et d’user la révolte populaire tout en s’offrant un magnifique coup de communication.

2. La convention citoyenne sur le climat

En avril 2019, sous pression d’une mobilisation citoyenne, Emmanuel Macron accepte un concept novateur et moderne : la convention citoyenne sur le climat. Cette assemblée, représentative du peuple français et entièrement tirée au sort, devait statuer sur les solutions à proposer pour lutter contre le dérèglement climatique.

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Le président entend ainsi faire d’une pierre deux coups. D’une part, il montre qu’il a compris la volonté des Français de se voir accorder plus de pouvoir dans la vie du pays. De l’autre, il prouve qu’il se sent concerné par l’écologie, l’un des enjeux les plus importants de notre temps.

Et pourtant, deux ans plus tard, lorsque cette convention rend les conclusions de ces travaux et met sur la table 149 propositions, la Macronie choisit d’en balayer l’immense majorité. Ainsi seules quinze d’entre elles sont reprises par l’assemblée. Un camouflet pour la démocratie et l’environnement, mais un beau coup de pub pour le fondateur d’En Marche.

3. Le Covid-19 et le Ségur de la santé

Lorsque la crise du covid-19 éclate, le chef de l’État prend plusieurs décisions en urgence de manière assez autoritaire notamment avec les couvre-feux, confinements et autres vaccinations obligatoires.

Pour faire diversion, il fait alors mine de consulter un « conseil scientifique » composé d’une dizaine de spécialistes. Plus de 300 réunions et 90 avis seront effectués par ce petit comité d’experts. Or, le président est loin d’avoir suivi à la lettre ses recommandations.

Au-delà de cette question, la crise du Covid-19 aura surtout été un puissant révélateur de l’état désastreux de nos hôpitaux publics et des conséquences de la gestion néolibérale et marchande de notre système de santé.

Pour enterrer ces critiques, quelques mois plus tard, Emmanuel Macron lance une nouvelle consultation, cette fois-ci des soignants, pour prétendument améliorer la situation. Appelée Ségur de la santé, du nom de la rue de Ségur où se trouve le ministère de la Santé, cette négociation n’aboutit pourtant pas à grand-chose.

Si de multiples rencontres ont bien lieu, notamment avec les syndicats du domaine, de nombreux professionnels dénoncent un manque d’écoute de la part du gouvernement. Le résultat de ces concertations est d’ailleurs sans appel, puisqu’elles auront débouché sur quelques petites mesures très éloignées des besoins réels du secteur.

4. Les retraites

Emmanuel Macron a dû s’y reprendre à deux fois pour massacrer notre système de retraite. Il avait en effet fait une première tentative pour une « retraite à points » début 2020. Seulement, grâce à des manifestations importantes et surtout la crise du Covid-19, il avait alors décidé d’abandonner. Entre temps, il avait toutefois bien reçu les partenaires sociaux pour faire semblant de négocier. À l’époque, il organise même un remake du grand débat en discutant (ou plutôt en monologuant) devant 500 citoyens à propos de ce projet. Un coup d’épée dans l’eau.

Pourtant, en 2022, à peine réinvesti à l’Élysée, le président n’a que cette réforme des retraites en tête et il compte bien réussir à passer l’âge de départ à 64 ans, malgré sa minorité à l’assemblée et dans le pays.

Pour atténuer cette image autoritaire, il avait d’ailleurs lancé le « Conseil national de la refondation » (qui reprend, toute honte bue, le sigle du Conseil national de la résistance dont Macron s’acharne à détruire l’héritage depuis son arrivée au pouvoir), censé faire dialoguer les élus et les représentants de la société civile.

Évidemment, il s’agit là encore d’une vaste escroquerie, comme en témoigne la réforme des retraites adoptée contre l’avis de tous. Plus de deux ans après sa création, cette institution n’a d’ailleurs toujours pas débouché sur la moindre mesure concrète.

5. Les remaniements

Depuis la dissolution de l’Assemblée nationale en 2024, Emmanuel Macron a perdu sa majorité au parlement au profit du Nouveau Front Populaire. Pour autant, le chef de l’état a tout fait pour éviter de céder les clefs du pouvoir à la gauche.


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Ainsi, après avoir déclaré que « personne n’avait gagné » il a entamé des négociations en recevant les organisations politiques à l’Élysée. Un procédé habituel qu’il a d’ailleurs déjà employé à maintes reprises ; il l’avait fait en 2022 lorsqu’il avait perdu la majorité absolue ou en 2023 pour discuter de la situation.

Avant de choisir Michel Barnier, il avait à nouveau réuni les dirigeants de partis pour se vanter de les consulter. Il s’agissait en réalité d’une belle occasion de parlementer avec certains d’entre eux tout en se donnant une image de démocrate. Dans les faits, il a pourtant pris sa décision tout seul, à l’opposé du résultat des urnes du dernier scrutin. Après la censure du Républicain, le chef de l’État a d’ailleurs procédé de la même manière pour nommer François Bayrou.

Des circonstances parfaites, aussi, pour distribuer des brevets de républicanisme en imposant lui-même qui entrerait dans ce champ ou non, tout en mettant sur un pied d’égalité la gauche et l’extrême-droite. L’opposition se retrouve alors piégée entre deux mauvais choix : y participer et cautionner l’opération de communication, ne pas y aller et être perçu comme un parti incapable de discuter.

Du mauvais marketing

On l’aura compris, Emmanuel Macron n’a jamais brillé par ses aspirations démocratiques. À l’inverse, il appartient plutôt à cette classe politique qui méprise le peuple et qui pense qu’il doit être dirigé par une élite prétendument intellectuellement supérieure. En témoignent ses nombreuses déclarations où il insinue que les Français sont trop stupides pour décrypter ses actions.

Il a pourtant bien constaté, notamment grâce aux Gilets Jaunes, que les citoyens souhaitaient avoir plus de pouvoir dans la vie du pays. Une volonté qu’il n’a bien sûr jamais eu l’intention d’entendre tant elle risquerait d’aller à l’encontre des intérêts qu’il défend, ceux des plus riches. Toutefois, le chef de l’État ferait sans doute bien de se méfier des répercussions que pourraient avoir ses actes ; et pour cause, l’écran de fumée de ses opérations de communication se fait de moins en moins épais.

– Simon Verdière


Photo de couverture : Le lieutenant-colonel Matthew Kelley de l’armée américaine s’entretient avec le président français Emmanuel Macron et le président roumain Klaus Iohannis à la base aérienne Mihail Kogalniceanu, en Roumanie, le 15 juin 2022. Wikimedia.

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