L’énergie est un besoin essentiel de la vie quotidienne. Alors que les prix ne cessent d’augmenter, il devient nécessaire pour beaucoup de Français de réduire leur facture. Björn Duval a dédié sa chaîne Youtube aux astuces pour vivre sans argent, et son second ouvrage s’attaque spécifiquement aux frais d’énergie qu’il propose de minimiser. Une ambitieuse démarche d’économie, couplée d’un aspect d’écologique, dont Björn a accepté de nous parler.

Björn Duval anime la chaîne Youtube Vivre sans argent depuis une dizaine d’années. En 2022, il avait réuni toute l’expérience accumulée dans un premier ouvrage Vivre sans argent. Les premiers pas vers l’autosuffisance.

Sa démarche consiste à réduire massivement les dépenses contraintes par nos besoins vitaux mais sans pour autant renoncer au confort de la vie moderne pour un mode de vie « Amish ». Au contraire même, les économies qu’il réalise lui permettent d’augmenter son niveau de vie. Un point sur lequel il insiste :

« Ces économies me permettent de dégager un revenu pour aller au restaurant ou au cinéma avec des amis, des choses qui rendent la vie plus agréable. Entendre que je vivrais comme un Amish, c’est une manière détournée de me dire que je vis comme un pauvre. C’est du mépris de classe qui m’enferme dans une fausse image, alors qu’en plus ma démarche procède du contraire. J’essaie à l’inverse d’augmenter mon confort de vie en dépensant mon argent pour des choses plus plaisantes qu’une facture EDF ou un plein d’essence. »

Un parcours vers l’autosuffisance

Si Björn a désormais supprimé ses dépenses de loyer, de chauffage et drastiquement réduit celles de transport et d’énergie, c’était loin d’être le cas en 2009 quand il habitait à Paris, où il travaillait dans la communication comme contractuel de la fonction publique. Il touchait 1 800€ nets par mois et comme beaucoup devait faire face à des dépenses contraintes énormes.

Le loyer, en premier lieu, coûte une fortune à Paris pour quelques mètres carrés. Un contraste d’autant plus saisissant pour lui qui a grandi à la campagne en Auvergne-Rhône-Alpes dans une ferme. Et de voir aussi toujours les prix augmenter sauf son salaire. S’il n’avait pas besoin de se serrer la ceinture, c’est qu’il évitait les dépenses dans ce qu’il nomme les « besoins de confort » : ainsi il allait rarement au restaurant et ne partait pas en vacances.

Mais peu à peu, les dépenses obligatoires d’électricité, de loyer lui deviennent insupportables. Pour avoir plus de moyens, il choisit de prendre le raisonnement classique à l’envers : au lieu de gagner plus d’argent, il va chercher à en dépenser moins. Des économies sur les besoins vitaux qui lui permettront de dépenser davantage pour son plaisir.

Un poêle en brique. Crédit : Björn Duval

Avec 7 000€ d’économies, il achète un terrain où il s’installe dans une caravane, ainsi le loyer, poste important de dépenses, tombe à 0. Un changement de vie qui lui est permis parce qu’il peut travailler avec une simple connexion internet. Ce mode de vie va le conduire en Franche-Comté en 2014 après un détour par le Haut-Beaujolais où il tournera d’ailleurs les premières vidéos de sa chaîne.

Les économies réalisées durant des années sur le loyer vont lui permettre d’y acquérir un terrain de 4 hectares avec une grange pour 15 000€ et une maison à 20 000€. Là, il va pouvoir restreindre ses autres dépenses au strict minimum.

Et en priorité, le transport qu’il réduit en adaptant son mode de vie pour se déplacer le moins possible. Il choisit donc de s’installer dans une maison de bourg, au centre d’un village et d’exercer une activité en télétravail pour supprimer les déplacements professionnels. Ainsi, il a réduit sa facture à 20€ de carburant pour sa voiture au GPL qu’il utilise d’ailleurs peu, se déplaçant principalement à vélo et réservant sa voiture pour un long trajet où pour transporter des charges lourdes. Puis il fait baisser sa facture EDF à 20€ maximum par mois, et ne paie plus pour son chauffage. Des progrès qu’il partage dans une série de vidéos « 0€ de facture d’énergie ».

Björn met à profit le fait de perdre son emploi à l’automne 2022 pour écrire son second livre 0 € de facture d’énergie, Le guide pratique de l’autosuffisance. Il y détaille comment il est parvenu à ce résultat, à force de lectures, de discussions avec des membres âgés de sa famille pour redécouvrir comment les gens se débrouillaient avant l’opulence  (et le gaspillage) de la société de consommation.

Aussi, après avoir décortiqué le domaine de l’énergie, Björn compte attaquer celui de la consommation de nourriture sans production pour répondre au besoin des personnes n’ayant pas de terrain. Il abordera donc la pêche, la cueillette sauvage, le glanage mais aussi la transformation avec des propositions de recettes pour mieux susciter l’intérêt et donner envie de consommer des plantes comestibles oubliées.

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Réduire ses dépenses

Le guide est disponible sur le site de l’éditeur ou chez votre libraire préféré.

Son ouvrage s’organise autour des cinq principaux pôles des dépenses d’énergie : le chauffage du foyer et de l’eau, la cuisson des aliments, l’éclairage, l’usage des appareils électriques et le transport. Il s’agira autant de réduire les consommations inutiles d’énergie que de produire cette dernière, ce que Björn montre être possible même avec un petit budget.

Ces cinq problématiques, Björn va les creuser à fond l’une après l’autre en démarrant par des données chiffrées et des aspects historiques tout en récapitulant les contraintes à dépasser, pour aboutir à un détail scrupuleux des alternatives possibles avec leurs avantages et défauts, leur coût et les économies qu’elles permettent. Le tout à l’aide de tutoriels, de fiches, de dessins et de photos qui rendent l’ouvrage aussi instructif qu’agréable à parcourir. Et s’il vous prend l’envie d’aller plus loin dans l’un des thèmes abordés, une bibliographie complémentaire conclut chaque chapitre.

Crédit : Björn Duval

Concrètement, dans le chapitre consacré au transport, Björn commence par rappeler les dépenses induites par ce poste (4 700€/an dont 1 645€ en énergie seulement). Puis il détaillera les différents moyens de transport possibles du plus simple au plus complexe : la traction humaine, la traction animale, le vélo, la voiture. Pour chacun, il reviendra sur leur histoire, leurs bénéfices et leurs inconvénients.

Ainsi, de nombreuses explications sont livrées sur les différents carburants à même de faire rouler une voiture que ce soit l’électricité, le GPL, le gaz de bois, le bioéthanol… Cela permet aux lecteurs et lectrices de choisir la méthode qui leur convient le mieux selon leurs disponibilités matérielles et financières. Avec du temps et un peu d’huile de coude, il est aussi possible de suivre le tuto pour transformer un vélo solex en solex électrique.

Björn détaille aussi l’évolution de ses propres installations, le choix de ses équipements. Témoignages et expériences personnelles agrémentent l’ensemble de son livre : il décrit avec précision comment il se passe de frigo pour conserver son beurre ou comment il a monté une société d’import-export pour acheter des batteries nickel-fer qu’il a ensuite reliées à ses panneaux solaires.

Des solutions à nuancer

Il convient de préciser que les astuces données par Björn ne conviendront pas à tout le monde : familles monoparentales, personnes âgées, etc. Aussi l’autosuffisance n’est pas synonyme de rentabilité, surtout en terme de temps. Björn cite en exemple la culture du blé pour produire sa farine : en autosuffisance, il convient de faire pousser son blé, mais en prenant en compte le travail et le temps nécessaires, il est plus économique, même en étant au smic, d’aller directement acheter sa farine. Dans une démarche d’autonomie par contre, il est préférable de savoir cuire son pain plutôt que de l’acheter. 

Nombre d’alternatives décrites par Björn nécessitent d’être propriétaire et d’habiter en milieu rural. Pour autant, les citadins peuvent aussi faire beaucoup de choses comme il nous le confirme :

« Le chauffage de l’eau reste une dépense importante du foyer, même après la mise en place d’alternatives. Les chauffe-eau thermodynamiques utilisant une petite pompe à chaleur sont une solution vite amortie pour utiliser moins d’électricité. »

Il reste aussi possible pour un locataire d’adopter certaines de ses techniques comme pour la cuisson de la nourriture pour laquelle l’astuce de la marmite norvégienne est envisageable pour tout le monde. De même pour les déperditions thermiques qui sont de l’ordre de 15% la nuit beaucoup de personnes n’ont pas le réflexe de fermer les volets autres que ceux de leur chambre. Avoir un vélo permet aussi des économies substantielles sur le transport quand on habite en ville et cette dépense est vite amortie. À moins encore une fois, que nos capacités physiques et temporelles ne le permettent pas.

Chaque situation personnelle appelle donc des solutions différentes, d’où le détail systématique de plusieurs alternatives. Par exemple, le bois est l’énergie renouvelable idéale pour se chauffer et cuisiner. Mais tout le monde n’a évidemment pas une forêt à côté de chez soi pour s’approvisionner. Il faudra alors plutôt s’orienter vers une pompe à chaleur, le biogaz, le solaire…

L’éventail d’alternatives présentées dans son livre permettra donc à chacun de s‘adapter et d’avancer pas à pas vers le but qu’il se sera fixé selon son temps et ses ressources disponibles :

« C’est la somme de toutes ces petites choses qui fait qu’à la fin on se retrouve à faire des économies d’énergie. N’imaginez pas que je suis moi-même 100% autonome sur tout ! »

Quand économie et écologie vont de pair

Björn le reconnait, l’aspect écologique de sa démarche ne lui est venue que dans un second temps. C’est lorsqu’il s’est penché sur la réduction des différents postes de dépenses qu’il a réalisé à l’importance de la consommation. Surtout de la part des plus aisés qui disposent de moyens financiers pour gaspiller outre-mesure.

Il a également remarqué qu’être autonome en électricité n’était pas forcément une bonne idée. Cela coûterait déjà plus cher que d’être raccordé au réseau en plus que ne pas être écologique du tout : « Être réellement 100% autonome en électricité demande d’utiliser des batteries. Et les batteries, c’est ce qui coûte le plus cher sur le long terme dans une installation électrique, car il faut les renouveler. Si les panneaux solaires gardent 80% de leur capacité après 25 ans, les batteries doivent être changées au bout de 10 ans ce qui demande des ressources énormes en lithium. S’il est possible d’être autonome en électricité, je ne suis pas sûr que ce soit une bonne chose, ni pour la planète, ni pour le porte-monnaie. »

La cuisine. Crédit : Björn Duval

Et c’est parfois contre-intuitif comme pour les batteries nickel-fer qu’il a importées de Chine dont les frais de transport sont plus élevés que leur prix même. Mais d’une part, leur transport s’est fait en bateau pour réduire leur empreinte carbone et surtout elles dureront facilement 100 ans. Björn détaille son raisonnement : « Le coté écologique, je le mesure sur le ratio entre le CO2 qui a été dépensé pour amener le produit et le temps d’usage. Globalement, on ne se pose pas assez de questions sur notre consommation alors qu’en s’y penchant on réalise vite qu’on ne paie pas cher des choses qui ne durent pas longtemps. J’utilise l’argent comme un outil de mesure et l’exemple de ces batteries nous montre que ce qui coûte cher ce n’est pas la production d’un objet mais de le faire venir de l’autre bout du monde. » 

D’un point de vue sociétal justement, Björn prône la vertu des « petits gestes » trop souvent tournés en dérision : « On passe à côté de la solution lorsque l’on oppose les actions individuelles et collectives. Il faut faire les deux en même temps. Beaucoup de gens critiquent les petits gestes en disant qu’ils n’amènent rien mais en fait ils prennent le problème à l’envers. Le plus typiquement tourné en ridicule, c’est d’uriner sous la douche. Mais je m’étais amusé à faire les calculs et si la totalité des Français le faisait, cela équivaudrait à la consommation d’eau totale d’une grande ville française. Ce n’est pas du tout négligeable ! »

À bon entendeur envers les tenants des discours du type « ce n’est pas à nous de faire des efforts, demandez aux Chinois et aux Indiens »

– S. Barret


Photo de couverture : Vidéo Youtube Björn Duval

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