À une heure de Lille et Paris, au carrefour des vallées de l’Aisne et de l’Oise, se trouve un tiers-lieu d’innovations rurales engagé pour l’agroécologie, la transition énergétique et le vivre ensemble : « l’Hermitage ». Focus sur un lieu où la ruralité s’inscrit dans une volonté de changer de paradigme. 

Crise écologique, effondrements, prise de conscience collective, remise en question individuelle, les raisons sont nombreuses pour vouloir faire un changement de cap radical… Ces dix dernières années ont été marquées par un grand retour au rural. Ce changement de paradigme a pris de l’ampleur pendant la crise sanitaire Covid-19. Pour beaucoup de personnes ce choix de revenir à la campagne est motivé par des convictions sociales et écologiques. Un nouveau cadre de vie qui est propice à créer et vivre collectivement, à l’encontre de la philosophie individualiste d’une société industrielle hors-sol. 

Pour que cet exode urbain dépasse la simple tendance des « vacances à la campagne » sans aucune considérations d’ordre écologique et sociale, il est indispensable de créer un nouveau projet de société. De repenser entièrement notre manière de vivre à l’échelle locale, à travers le prisme de l’écologie, de l’intelligence collective et de valeurs sociales. Pour cela, il faut favoriser l’échange entre personnes venues de tous horizons, décloisonner les secteurs d’activités, retisser des liens entre villes et campagnes, revaloriser les territoires ruraux et en marge. C’est le défi que s’est donné « l’Hermitage »

Aux origines de l’Hermitage 

Le projet est né en 2017 des aspirations d’un groupe de personnes hétérogènes : agriculteurs, ingénieurs, travailleurs, du village et d’ailleurs, qui souhaitaient se fédérer pour imaginer et construire concrètement le monde de demain. Suite à leur première campagne de financement participatif, ils ont pu construire le tiers-lieu baptisé « l’Hermitage ». Un tiers-lieu ? C’est l’appellation donnée aux espaces ouverts et hybrides (entre le domicile et le travail) ayant pour principale vocation de faciliter la rencontre entre de personnes d’horizons différents. En pleine croissance, les tiers-lieux répondent directement aux problématiques des collectivités locales en créant de nouvelles dynamiques économiques et sociales sur les territoires.

L’Hermitage à droite, et une partie de la microferme à gauche / Crédits photo : l’Hermitage.

Les fondateurs du projet témoignent : 

« L’époque de transitions tous azimuts dans laquelle nous vivons amène nos sociétés à réinventer leur rapport à la technologie, à l’environnement, aux échanges économiques, aux individus et groupes d’individus. Malheureusement, tout ça doit se faire en même temps. Alors pourquoi cloisonner ? »

En invitant à décloisonner les savoir-faire, l’Hermitage a pour ambition d’être un laboratoire d’initiatives et d’expérimentations citoyennes. Un espace de 30 hectares où il est possible de travailler collectivement, de rencontrer des personnes aux profils différents, de bénéficier des compétences et d’y apporter les siennes, de partager des moments conviviaux, de s’initier à à l’agroécologie et la permaculture, à la réparation d’objets, au brassage de bière ou encore de se former aux métiers du numérique.

Le café-cantine en travaux / Crédits photo : l’Hermitage

Pour mettre en œuvre ces activités, l’Hermitage a lancé un campagne de financement participatif qui a remporté un franc succès avec 88 000 euros récoltés. Grâce à cette campagne, des projets aussi essentiels qu’utiles sont imaginés, notamment : un café-cantine, une Université Citoyenne des Transitions, l’accélération du développement de la MicroFerme, le lancement d’une association réunissant consommateurs et producteurs locaux, un Fablab, une formation au numérique pour les jeunes, la sauvegarde et le partage de la forêt.

La rentrée à l’Hermitage

La campagne de financement participatif comporte plusieurs paliers. Ayant atteint la première étape, l’Hermitage va pouvoir lancer son café-cantine, l’Université Citoyenne des Transitions, un fablab ainsi que la formation au numérique.

La brasserie éco-responsable du tiers-lieu / Crédits photo : l’Hermitage

Au café-cantine, l’idée est de proposer des produits proposés bio et de saison, cultivés dans les jardins de l’Hermitage et chez les producteurs locaux; avec les bières artisanales et brassées sur place de la brasserie éco- responsable Écol’Aux Mousses :

« Le café-cantine se veut un espace de convivialité, de rencontres et d’animation pour toutes et tous : Autrêchois, voisins des villages environnants, visiteurs en séminaires et entrepreneurs en compagnonnage à l’Hermitage. »

Une autre ambition est de créer une Université Citoyenne des Transitions, programmation accessible à toute personne qui souhaite participer aux séries d’ateliers, conférences, débats, projections et formations sur la thématique des transitions. La dimension citoyenne de cette activité est primordiale pour les fondateurs du projet : elle permet de repenser la transmission des connaissances et savoir-faire, afin que toute personne qui ait envie de transmettre quelque chose puisse le faire. Experts, amateurs et passionnés seront donc réunis dans un esprit de transmission, de transversalité et de partage, pour que chacune et chacun puisse s’instruire librement, et se donner les moyens d’agir à son niveau et collectivement à la fois. Parce-que agir individuellement n’est pas suffisant face aux enjeux actuels, et qu’à plusieurs on va bien plus loin :

« À l’Hermitage, nous sommes convaincus que c’est en partageant nos connaissances, nos idées et nos envies que nous inventerons ensemble les réponses aux grands défis de notre siècle ! »

Mais l’Hermitage, c’est aussi la « Rural Hacking Factory ». Soit un Fablab, une formation et un Repair’Café à la fois ! Le Fablab est un laboratoire de fabrique numérique, dédié à gagner en autonomie face aux technologies informatiques et électroniques : programmation, graphisme, modélisation 2D et 3D, électronique et objets connectés, machines à commande numérique. Toute personne peut y venir développer son projet en fabriquant et testant ses prototypes.

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Quant au Repair’Café, il se veut être un lieu de réparations diverses, contre l’obsolescence programmée et la surconsommation. Le matériel nécessaire est mis à disposition pour que toute personne puisse venir réparer l’objet de son choix. L’objectif est d’inviter à ne plus jeter mais à réparer pour mieux réutiliser et, surtout, apprendre à faire cette réparation de ses propres mains ! 

Des projets plein la tête

Peu à peu, avec les soutiens reçus, les activités prennent une nouvelle ampleur. À commencer par la microferme. Depuis 2018, cette microferme pédagogique de culture raisonnée, sur 3 hectares, a vu le jour. L’objectif est de démontrer que l’on peut tendre vers une véritable autonomie alimentaire locale, tout en recréant de l’emploi agricole sur de faibles surfaces de production. Pour cela, l’Hermitage a fait le choix d’hybrider les méthodes de production : maraîchage traditionnel, aquaponie, agroforesterie et espaces paysagers productifs. Et pour diffuser ces produits, les fondateurs du projet ont créé une association réunissant consommateurs et producteurs voisins.

La forêt du tiers-lieu / Crédits photo : l’Hermitage

Dans cet esprit de permaculture, visant à relier tous les éléments du système les uns avec les autres, y compris les êtres humains, l’Hermitage souhaite préserver ses 21 hectares de forêt. Cette forêt n’a aucune vocation productive, elle n’a jamais été exploitée en sylviculture. Les arbres qui la peuple sont âgés pour la plupart, fragiles et très exposés au changement climatique. Le but est donc d’en faire un espace de sensibilisation et d’apprentissage au fil des saisons, d’agrément pour les voisins et leurs familles, de préservation de la biodiversité locale et de ses plantes endémiques.

Pour en savoir plus sur les activités en cours et les projets futurs de l’Hermitage, vous pouvez consulter leur site. Bien au-delà de l’exode urbain « tendance », cette initiative rurale montre que l’on peut penser et créer dès maintenant le monde de demain à l’échelle locale grâce à la force du collectif.

Camille Bouko-Levy


Photo de couverture : À la microferme, tout le monde met les mains dans la terre ! / Crédits photo : l’Hermitage

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