Privatisations : Datagueule ne fait aucun cadeau au gouvernement « En Marché »

« Pourquoi céder aux intérêts privés ce qui appartient à la collectivité ? », s’interroge les membres de #Datagueule dans sa dernière vidéo. L’équipe y illustre comment pendant ces trente dernières années l’État a progressivement abandonné des secteurs clés de l’économie, souvent au détriment de la population. Le gouvernement n’a pas fait exception à la règle. La fuite en avant vers une privatisation totale est même largement assumée.

Le processus de privatisation du groupe Aéroport de Paris (ADP) a relancé de vives controverses à propos de l’intérêt de transformer une entreprise fonctionnelle relevant du secteur public en une entreprise privée. L’État possède 50,6 % de cette entreprise qui exploite les aéroports de Roissy, Orly et Le Bourget. Face à la levée de boucliers, le gouvernement a finalement opté pour une concession qui limite à 70 ans la licence d’exploitation des aéroports parisiens. Mais les critiques continuent d’y voir un geste en faveur du secteur privé qui ampute le pays d’importantes entrées financières tout en mettant en cause ses fonctions régaliennes (sécurité, douanes, frontières). La focalisation sur le sort d’ADP éluderait presque que d’autres privatisations sont sur la table, à savoir celle de la Française des jeux et celle de 150 barrages hydroélectriques. La question est posée : que restera-t-il de la France après Macron ?

Crédit image : Datagueule

« Privatiser les profits, nationaliser les pertes »

Ces privatisations n’ont rien de nouveau, rappelle Datagueule dans sa dernière vidéo intitulée Privatisations : la République en marché. Depuis la fin des années 1980 et François Mitterrand, le recours à ces transferts du capital d’une entreprise publique vers une entreprise privée a été employé par toutes les majorités successives, de gauche comme de droite. Les défenseurs de la privatisation présentent généralement le procédé comme un moyen pour alléger la dette des États, mais aussi comme un facteur d’efficacité. Il s’agit ici d’une position idéologique selon laquelle un service fonctionnerait mieux et de manière plus régulière si on le soumet à l’obligation d’être rentable.

Pourtant, comme le soulignent les auteurs de la vidéo, de nombreux exemples de privatisation en France et chez ses voisins ont conduit à des résultats désastreux. En Angleterre, la privatisation de la gestion de la distribution de l’eau a conduit à une explosion de la facture des ménages alors que le réseau ne cesse de se dégrader. Les critiques fustigent que 95 % du profit des entreprises du secteur ont été reversés à leurs actionnaires. En France, la concession de la gestion des autoroutes à des opérateurs privés a été accompagnée d’une hausse spectaculaire des prix aux péages. Entre 2009 et 2012, les tarifs ont augmenté de 2,2 % par an. Mais comment se perpétue alors cette folle idée que la privation est nécessairement bénéfique ? Peut-être faut-il se demander : bénéfique pour qui ?

Crédit image : Datagueule

Quand les services aux publics s’érodent

Les logiques de privatisation accompagnent les logiques de mise en concurrence. Mais ces mécanismes au profit du privé éludent entièrement que si certains services sont protégés du marché, c’est justement pour assurer des services particuliers aux citoyens. Ainsi de la gestion de l’eau ou des services publics de transport, pour lesquels on peut considérer que chacun doit avoir un égal accès. « Prétendant défendre l’intérêt général, l’État gestionnaire se retrouve à privilégier les géants privés au nom de la pseudo performance des marchés. Une fois les biens communs bradés, il ne reste plus qu’à l’État de servir de garantie en cas de défaillance », résume Datagueule. Car la collectivité sera toujours là, grâce aux mêmes décideurs, pour éponger la dette privée en cas d’échec.

Interrogé, le sociologue François-Xavier Dudouet, chercheur au CNRS, estime que les privatisations les plus récentes répondent « à un motif idéologique » et à la volonté « d’enrichir les acteurs financiers ». Sa thèse selon laquelle ce mouvement de privatisation masquerait une logique de soumission à des intérêts étrangers – États-Unis – n’est pas très convaincante. Néanmoins, porter les regards outre-Atlantique permet de rappeler à quel point la gestion privée de certains besoins essentiels, comme l’éducation et la santé, conduit à des inégalités profondes entre les citoyens. Or, à l’heure où les logiques de concurrence s’immiscent peu à peu dans l’enseignement supérieur ou le domaine des soins, il n’est certainement pas inutile de se le rappeler.

Crédit image : Datagueule

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