Pour lutter contre les exigences de la grande distribution qui réduisent les prix des producteurs et augmentent leurs propres marges, 35 paysans d’Alsace ont décidé de racheter un supermarché pour vendre eux-mêmes leurs produits où la qualité rime avec les prix bas. Cette initiative permet de nombreux avantages écologiques, nutritionnels et sur le pouvoir d’achat. Un supermarché à taille humaine dans lequel le contact entre producteurs et consommateurs est privilégié. Rencontre.

Cœur Paysan : un marché des producteurs locaux

Le 11 mai 2017 avait lieu l’inauguration officielle du supermarché Cœur Paysan, 5 mois après son ouverture. Cœur Paysan c’est un magasin particulier occupé par 35 paysans d’Alsace qui se sont regroupés pour racheter un ancien Lild de quelque 400 m² à Colmar pour vendre directement leurs produits de producteurs à consommateurs. On y retrouve des agriculteurs bovins ou ovins, des producteurs laitiers, des maraîchers, des arboriculteurs, des viticulteurs, pisciculteurs, apiculteurs etc. Dans le supermarché les paysans font des permanences régulières et vendent eux-mêmes des produits divers que les grandes surfaces n’acceptent parfois pas. Denis Digel, maraîcher de Sélestat, représente le Collectif des 35 paysans, il explique qu’il cultive une trentaine de sorte de tomates mais que les grandes surfaces ne veulent lui en acheter que deux. Les ventes dans les grandes surfaces sont calibrées, standardisées, ce qui amène à de nombreuses pertes et gâchis alimentaire.

Photographie : www.coeur-paysan.com

Dans ce supermarché, les producteurs peuvent eux-mêmes valoriser leurs produits, leur savoir-faire. On redécouvre des produits oubliés par la grande distribution, et qui suivent le court des saisons. Sur leur site internet www.coeur-paysans.com, on découvre une grande variété de fruits et légumes frais, de pains, de fromages, de viandes, de bières, de vins, de poissons, d’œufs, de farines, d’épices, de confitures, de miels, de thés etc. Cœur Paysan met en avant les valeurs du local, des saveurs de saison, des produits frais cueillis et commercialisés à maturité pour un maximum de qualités nutritionnelles, et enfin d’une commercialisation écologique, locale avec des emballages réduits. Ceci ne devrait-il pas être la norme dans un monde serein ?

Qualité, transparence et échanges : les avantages des circuits-courts

Les mots d’ordre de l’initiative sont la qualité des produits et la transparence de fabrication. Des affiches placardent les murs du magasin avec le descriptif des différents domaines ou fermes et le mode de fabrication des produits. Sur le site internet, un onglet est entièrement dédié à l’actualité sur les différentes fermes et domaines. Denis Digel parle de « la fin de l’anonymat alimentaire », les consommateurs savent ce qu’ils mangent, ils peuvent échanger avec les producteurs, et même leur demander des recettes inédites. Une logique totalement opposée aux produits industriels des grandes surfaces où le consommateur est totalement déconnecté de l’origine des choses. Ici, les producteurs tiennent deux demi-journées de permanences obligatoire par mois, pour créer des liens avec les acheteurs. Ils sont responsables de leurs produits face aux clients et fixent eux-mêmes leurs prix. Les paysans veulent montrer qu’ils ne sont pas seulement des machines à produire, mais qu’ils sont aussi responsables de la qualité et variété de l’alimentation.

Photographie : www.coeur-paysan.com

Aujourd’hui, face à la crise écologique, les personnes cherchent de plus en plus à consommer mieux et notamment en passant par des circuit-courts, affirme Denis Digel, la demande des produits artisanaux est en hausse, c’est un point positif pour les projets du genre. L’objectif est une écoute des consommateurs, une offre qui répond à une demande et pas l’inverse. Le retour des consommateurs est également très apprécié, cela permet d’améliorer les produits, de voir ce qui plaît le plus. Les prix sont moins élevés, les marges des producteurs plus grandes : tout le monde s’y retrouve. C’est une des réponses que les producteurs locaux ont trouvé face aux exigences de la grande distribution, et à la pauvreté de plus en plus grande des paysans sous-rémunérés.

Dénoncer les abus et aberrations de la grande distribution

Les circuits-courts permettent non seulement une empreinte écologique dans les parcours des produits de consommation, de découvrir des saveurs ou produits non-standardisés que la grande distribution filtre, mais également une meilleure alimentation et meilleure rétribution du travail des paysans locaux. Comme le soulignent les 35 paysans d’Alsace, consommer des produits locaux c’est du bon sens au niveau environnemental, écologique, de la qualité et des prix. Le préjugé que les produits des petits producteurs seraient plus chers qu’en grande surface persiste pourtant. Une idée qui repose sur les promotions, sur la publicité omniprésente des grandes surfaces et sur l’achat de masse via grossistes, mais si quelques produits artisanaux sont plus chers qu’en grande surface, bien souvent pour leur meilleure qualité, la plupart des fruits, légumes, viandes, et autres produits alimentaires sont moins chers sans l’intermédiaire des grandes surfaces.

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Photographie : www.coeur-paysan.com

Ces 35 paysans veulent montrer les aberrations des services et exigences de la grande distribution : des produits commercialisés avant maturité, une exigence de productivité sur la qualité, des normes standardisées pour les produits, le gâchis alimentaires etc. Pour éviter une telle dépendance à la grande distribution, ils ont dû trouver le moyen de vendre par eux-mêmes leurs produits. Dans l’habitude des personnes, et pour des raisons pratiques (avoir tous les produits alimentaires à un même endroit où faire ses courses), ils ont décidé d’acheter un supermarché plutôt que de vendre chacun dans leur propre ferme ou domaine leur produit. Cette mise en commun des moyens a généré un très bon accueil de la part des consommateurs des alentours de Colmar.

Ces initiatives sont en hausse dans le pays, seulement il n’est pas simple de faire concurrence à la grande distribution. Vendre soi-même ses produits demande du temps que les paysans n’ont pas forcément, et il peut leur être difficile de trouver des financements supplémentaires pour leur projet alors que nombre d’entre eux sont endettés. À l’origine des supermarchés, c’est d’ailleurs la pauvreté des paysans qui poussera naturellement ceux-ci à céder leurs marchandises à des centrales centralisant de plus en plus l’offre. Depuis, les crises écologiques et économiques sont passées par ici. Il convient donc aux consommateurs de prendre de nouvelles habitudes alimentaires, plus saines et respectueuses de environnement et d’encourager ces projets locaux pour que ceux-ci perdurent, afin que l’effort soit partagé par toutes et tous.

Photographie : www.coeur-paysan.com

Sources : coeur-paysan.com / mieux-vivre-autrement.com

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