Au Brésil, dans un pays où l’on compterait à peu près un viol toutes les onze minutes (2014), et dans une société toujours fortement patriarcale, la solidarité entre femmes devient essentielle, si ce n’est vitale. Lancée en mars 2016, une campagne débutée sur Twitter s’est aujourd’hui transformée en plateforme solidaire d’échange de savoirs, de bénévolat et de don. La « banque du temps » au doux nom de « Mais Amor entre Nos » (« Plus d’amour entre nous ») aide à l’échange de compétences, mais pas que, entre femmes du Brésil.

Une initiative personnelle qui prend de l’ampleur

Lorsqu’elle poste un premier message sur Facebook début 2016, la journaliste brésilienne Sueide Kintê ne se doute pas des répercussions que celui-ci aura six mois plus tard. L’idée apparaît au départ comme une bouteille jetée à la mer — une bouteille qui nous voudrait du bien. « Si vous êtes une femme et que vous avez besoin d’aide pour les choses listées ci-dessous, je le ferai gratuitement pour vous, les filles ! Je suis disponible une heure par jour. Retrouvez moi sur WhatsApp ou [envoyez moi un message] par messagerie. » La liste qui suit comprend des tâches variées : tâches ménagères, administratives, aide à la toilette, garde d’enfants, simple besoin d’être écoutée. La liste est éclectique. À la fin de son message, Sueide inscrit un hashtag qui lancera le mouvement : #MaisAmorEntreNos.

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Six mois après que le message fut posté, l’initiative va prendre une ampleur inespérée. D’abord sujet de la création d’un réseau social, le mouvement « Mais Amor Entre Nos » s’est aujourd’hui transformé en un site et une plateforme web qui centralisent les demandes et les offres similaires de plusieurs milliers de femmes. Né dans la ville de Salvador, le projet rassemble aujourd’hui des femmes de plusieurs villes, et même de plusieurs pays à travers le monde. La plateforme regroupe en effet des membres de Sao Paulo, Rio, Brasilia, mais aussi de Londres, d’Argentine, et d’Espagne. Chaque jour, ce sont plusieurs propositions d’échange de services et de compétences qui sont publiées via l’interface au profit du tissu social local.

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Échanger ses compétences, donner de son temps, mais pas que

Le mouvement lancé par Sueide Kintê revêt également une part politique au sens citoyen du terme. Il s’agit d’instaurer une culture de l’entraide entre des femmes parfois discriminées, vulnérables ou isolées, là ou l’État ne les prend pas en charge. « Ce n’est que pour les femmes parce que nous sommes un sujet ”marchandisé”, s’il y a un groupe de personnes au sein de la société brésilienne qui est le plus vulnérable, ce sont les femmes, et plus particulièrement les femmes noire », confie-t-elle à un magazine brésilien. Et pour cause, en dehors des viols collectifs de jeunes femmes (le viol en groupe d’une adolescente de 16 ans ayant alerté l’opinion début 2016), les agressions sexuelles sont courantes et rarement punies. En 2014, on dénombrait quelque 48 000 viols dans tout le pays. À l’école, toute question sur les rapports entre sexes se voit censurée et le Parlement est dominé par les lobbys religieux.

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L’idée de cette association où les femmes sont libres et protégée n’est pas seulement de réaliser des actions bénévoles, il s’agit aussi d’assister, d’écouter et d’aider. C’est pourquoi, sur leur site, on trouve aussi bien des propositions d’aide au ménage, que des services moins traditionnels. Certaines femmes proposent à d’autres de leur apprendre à se maquiller, ou encore de les conseiller dans un coming-out homosexuel, de parler de sexualité là où c’est interdit dans « la bonne société ». Sur ce forum, on trouve aussi certaines offres destinées aux femmes touchées par le virus Zika. À côté de cela, une boutique en ligne a été lancée, permettant à chacune de publier ce qu’elle souhaite donner. Une sorte de vide-grenier communautaire et solidaire.

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Lancée il y a six mois, la page Mais Amor Entre Nos réunit aujourd’hui pas moins de 22 500 personnes qui échangent tous les jours compétences, services et bienveillance. Le site internet, dont l’identité visuelle est le fruit des échanges permis par cette « banque du temps », devrait quant à lui donner naissance prochainement à une application mobile pour gagner en efficacité. En attendant, l’idée continue de faire son chemin, au plus grand plaisir de Sueide Kintê, pour qui ces femmes ont confirmé l’idée que « l’argent ne remplacera jamais les liens tissés. »

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Sources : GlobalVoices.org / Revistatrip.uol.com.br / MaisAmorEntreNosBrasil.com.br / Photographie à la discrétion de Mais Amor Entre Nos

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