« Non à l’industrialisation de la bio ! Pas de tomate bio en hiver » – La Fédération nationale de l’agriculture biologique adresse cette semaine une pétition au Ministre de l’Agriculture pour dénoncer la culture sur le sol français de légumes « bio » dans des serres chauffées au fioul.
Les critiques à l’encontre du bio industriel déraisonné se multiplient. En cause, une empreinte écologique parfois spectaculaire. Cette semaine, c’est la Fédération nationale de l’agriculture biologique (Fnab) qui hausse le ton en lançant une pétition contre les tomates et autres légumes bio produits dans des serres chauffées. Les agriculteurs, soutenus par plusieurs ONG, dont le Réseau Action Climat et Greenpeace, ainsi que des chefs cuisiniers, dénoncent une pratique incompatible avec les prétentions écologiques.
Leur alerte, « Non à l’industrialisation de la Bio ! », a été lancée ce 28 mai sur le site de Libération et a été accompagnée de la mise en ligne d’une pétition. Son objet : « convaincre le ministre de l’Agriculture de lutter contre l’industrialisation de la bio en limitant le recours au chauffage des serres à la production de plants et au maintien hors gel, garantissant ainsi que la production reste de saison ».
Pratique autorisée en bio mais particulièrement polluante
En effet, jusqu’à ce jour, rien n’empêche à ce que tomates, fraises ou concombres labellisés bio poussent dans des serres dont les températures sont maîtrisées en hiver et au printemps via des systèmes de chauffage, le plus souvent au fioul. Le cahier des charges du bio, établi en 2007, le permet. Les consommateurs le savent-ils ? Car la pratique va à l’encontre du principe selon lequel il faudrait réduire au maximum l’usage d’énergies fossiles. Une aberration, pour une agriculture qui se dit « biologique ». Une pratique qui « discrédite » le bio, selon la FNAB, et risque donc de porter préjudice à l’ensemble du secteur. Réduire l’utilisation des pesticides reste pourtant un enjeu majeur de notre siècle.
Pour cause, le bilan carbone des fruits et légumes produits dans ces conditions est particulièrement mauvais. Se fondant sur des chiffres publiés par l’ADEME, la FNAB explique : « une tomate produite sous serre chauffée émet 7,3 fois plus de gaz à effet de serre qu’une tomate produite en France en saison et même 4 fois plus qu’une tomate importée d’Espagne ! » L’organisation dénonce également des pratiques intensives de monoculture, à rebours de la volonté de voir se développer une agriculture diversifiée. Selon les auteurs de la tribune, « pour rentabiliser leurs serres chauffées, les industriels se spécialisent sur un ou deux légumes à forte valeur ajoutée. En diminuant la diversité des cultures, ils appauvrissent leurs sols et ainsi contreviennent encore aux principes de l’agriculture biologique ». En d’autres termes, un développement à l’opposé de ce que réclame pourtant l’urgence écologique.
Des méthodes industrielles qui se banalisent
Si les agriculteurs montent au créneau, c’est qu’ils observent une multiplication des exploitations de grande envergure avec le label « bio » ayant recours à ces serres chauffées. « Depuis quelques mois on voit se développer des projets de conversion biologique de serres chauffées pour la production de fruits et légumes hors saison (Pays de la Loire, Bretagne…). Ces projets en gestation vont permettre de retrouver sur les étals de la tomate bio française en plein mois de mars. Une aberration gustative, agronomique et environnementale ! », s’inquiète la FNAB dans sa tribune. Les agriculteurs bio déjà installés pourront-ils résister à cette nouvelle concurrence ?
Mais d’autres voient la question d’un autre œil : selon un agriculteur cité par « France Inter », si l’on ne permet pas aux agriculteurs d’allonger artificiellement la saison grâce au chauffage, le risque est de voir les tomates espagnoles arriver en masse. Est-il alors nécessaire de faire évoluer les normes au niveau supranational ? Et développer activement des alternatives peu énergivores ? Comment développer une agriculture raisonnée et fonctionnelle qui ne se fasse pas avaler par la concurrence européenne et mondiale ?
Le comité technique de la filière bio (CNAB) doit décider de la pertinence de faire évoluer la réglementation. Mais faute d’avoir pu se mettre d’accord sur la question, son vote a déjà été reporté deux fois. Son avis définitif est désormais attendu pour le 13 juillet prochain.
Pour accéder à la pétition, ici.