« Il faut laisser du temps au nouveau président et lui donner une majorité pour appliquer son programme. » Le discours se fait dominant chez les leaders d’opinion ces derniers jours. Après le chantage affectif opéré auprès des électeurs à l’occasion du second tour de la présidentielle, il faudrait désormais offrir les pleins pouvoirs au nouveau Président. Non, répondront ceux qui crient l’urgence d’agir en matière d’environnement et le danger que représentent les futures réforment sociales d’Emmanuel Macron. D’autant que son projet ne fait certainement pas l’unanimité. Mais que doit-on attendre de lui exactement ?

Chez Emmanuel Macron, en matière environnementale, les grandes déclarations, agrémentées de formulations théâtrales pour suggérer un dynamisme volontaire, cachent malheureusement une coquille vide. Peut-être pire, un leurre ? Les moyens concrets pour entamer une transition énergétique tant attendue ne sont que très rarement évoqués et l’absence de chiffres laisse plein de suspicion : comment et par quel moyens va-t-il rendre la France plus vertueuse d’un point de vue écologique ?

Pour la société civile, il ne s’agit pas du seul point de préoccupation : le nouveau président a d’ores et déjà annoncé une nouvelle réforme du code de travail immédiate, à coup d’ordonnances, qui devrait être dans la continuité de celle du printemps 2016, finalement imposée par le 49.3 tant celle-ci était déjà impopulaire, sans vote parlementaire, et dans un contexte de tensions sociales importantes. Une chose est certaine, ce quinquennat ne sera pas celui de la transition écologique.

« L’écologie est le cadet des soucis du nouveau président »

Il suffit de se référer aux déclarations ou au programme de Macron pour s’en convaincre : sur bon nombre de sujets, comme sur le nucléaire ou les énergies renouvelables, on ne trouve aucune proposition concrète, si ce n’est celle de maintenir des objectifs déjà fixés par la loi de transition énergétique (LTECV) sous Hollande. Déjà à l’époque, nombre d’écologistes dénonçaient le coup de com de cette loi, plus proche d’un écoblanchiment légalisé que d’une véritable intention de changer les choses. Bien qu’avec des objectifs positifs, « la loi […] présentée comme une « révolution culturelle » n’est en fait qu’une loi « poudre de perlimpinpin » exprimait Michèle Rivasi, députée européenne, en 2014. Dans le même temps, le nouveau Président reste dans le flou quand il s’agit d’évoquer l’avenir du nucléaire français – dont on comprend bien qu’on n’en sortira pas de si tôt – ou le dossier de Notre-Dame des Landes, sur lequel ses propos restent ambiguës.

D’autant que les faits sont têtus. Encore au gouvernement, Emmanuel Macron soutenait sans ciller un projet minier géant en Guyane, dont les dégâts environnementaux sont pourtant certains. Dans le même temps, il se faisait remarquer pour son soutien au projet contesté de centrale nucléaire de Hinkley Point et pour son feu vert donné à l’extraction de sable au large de Lannion. Globalement Macron soutient les grands traités internationaux de libre échange avec l’ensemble de leurs conséquences sur l’environnement. Rappelons que l’UE vient d’ouvrir ses portes, suite au CETA, au pétrole de sable bitumineux, le plus polluant au monde, en provenance du Canada. Macron était d’ailleurs le seul candidat sur 11 ouvertement favorable au CETA.

Dans l’éditorial du 9 mai 2017 de Reporterre, le journaliste Hervé Kempf se montre tout autant pessimiste : comme le suggérait déjà l’analyse de Greenpeace, le programme environnemental du nouveau Président est bien léger. Le mieux qu’on puisse espérer, selon cette lecture, c’est que rien ne soit fait…. Au pire, ce sera un retour un arrière. Pour Hervé Kempf, selon qui « béton, croissance et finance » sont « le terreau idéologique sur lequel M. Macron s’est épanoui », il ne s’agit pas juste d’une hypothèse : « l’écologie est le cadet des soucis du nouveau président ».

carac3 / Flickr

Résistance et actes concrets

Dès le 8 mai, de nombreuses organisations issues de la société civile ont mis en garde le nouveau Président contre un excès de confiance : sa victoire au second tour face à Marine Le Pen ne doit pas lui faire oublier les circonstances particulières de son élection, obtenue en grande partie non par adhésion, mais par rejet du Front national et de son idéologie. Notons qu’il est assez sidérant de voir ceux qui appelaient hier à faire barrage au FN utiliser les chiffres du second tour – favorables en apparence à Emmanuel Macron – pour défendre la légitimité du nouveau président et donc, son programme. En tout état de cause, son projet néo-libéral ne rencontre que peu d’enthousiasme au sein de la population et sa mise en application risque de faire le jeu du FN. Il appartient à Emmanuel Macron d’écouter les voix contestataires et de prendre en compte les fractures et divisions du pays, particulièrement visibles au soir du premier tour.

Aussi, l’association Attac appelle au pragmatisme des mouvements sociaux pour qu’ils s’organisent et empêchent « la concurrence fiscale, les délocalisations, la dérégulation du marché du travail qui ont des conséquences dramatiques sur la vie de millions de gens et servent de fond de commerce à l’extrême droite ». Dans une lettre ouverte à Emmanuel Macron, huit associations de protection de l’environnement réclament pour leur part un Ministère de l’environnement digne de ce nom, numéro deux dans l’ordre protocolaire, afin que l’écologie soit vraiment mise à la tête des priorités, et qu’elle devienne une composante structurelle de la politique française et non plus une simple variable d’ajustement.

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À l’heure où tous les curseurs environnementaux sont au rouge, la terre attend des actes forts et concrets. Voilà ce que réclament sans attendre, de la part d’Emmanuel Macron, les organisations engagées de France, alors qu’elles annoncent déjà une large résistance au cas où le nouveau Président n’entendrait pas cette colère qui gronde et ferait fi du dialogue social et de la démocratie en imposant son projet par ordonnance, comme il l’a envisagé. Le voilà prévenu.

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