Peut-on réduire le réchauffement climatique en créant une économie autour des émissions de CO² ? En Suisse, on attend plus. Une entreprise vient de faire passer cette idée du domaine de l’utopie à celui du concret en démontrant au monde entier qu’elle est bel et bien réalisable. Climeworks vient en effet d’installer la première usine de capture et de valorisation du CO² à Zurich. À l’heure où les accords de Paris semblent mis à mal par l’administration Trump, cette nouvelle pourrait offrir un nouveau tournant dans la lutte contre le réchauffement climatique. Explications.
Une technologie qui a le vent en poupe
À elle seule, cette initiative vient déconstruire l’idée reçue selon laquelle la protection de l’environnement est un gouffre financier qui ferait peser davantage de dette sur les peuples. Le principe de cette nouvelle technologie ? Capturer le CO² s’échappant d’une usine d’incinération des déchets pour l’affecter à une autre utilité. Par un procédé assez simple, l’usine récupère le CO², le stocke et le conditionne pour la distribution à ceux qui en ont besoin. Celui-ci est filtré et absorbé par des éponges, puis chauffé à 100° afin qu’il soit solidifié pour être exporté.
Grâce à son procédé, cette technologie offre la possibilité de transformer le CO² en carburant à faible teneur en carbone, en engrais végétal ou en composant pour les boissons gazeuses, tout en limitant la pollution de l’usine dont elle capture les émissions. Cette technologie de récupération du CO² n’a cependant rien d’unique. Elle est déjà utilisée dans d’autres pays, notamment au Canada dans l’usine Carbon Engineering qui créé des boulettes de combustible synthétique avec le dioxyde de carbone.
Après l’avoir stocké, à ce jour, les machines Climeworks valorisent le C0² en le distribuant aux serres des alentours, car le dioxyde de carbone aide les légumes à pousser plus vite. L’entreprise est également en discussion avec des marques de boissons gazeuses potentiellement intéressées pour utiliser ce CO². Mais Jan Wurzbacher, fondateur et directeur de la société, à l’honnêteté d’expliquer que dans ces deux cas le CO² sera finalement relâché de nouveau dans l’atmosphère. Pour Climeworks, l’enjeu de ces prochaines années serait de pouvoir enterrer le dioxyde de carbone récolté (un peu à l’image de la nature qui le stock à travers les âges). Une pratique qui, selon les dernières études, ne serait pas nocive pour les sols, même si elle suscite des méfiances logiques, aucun recul n’étant encore possible.
Une technologie qui paraît donc primordiale dans la lutte contre le réchauffement climatique et qui pourrait permettre une réelle avancée en captant les gaz à effet de serre des principaux pollueurs de l’industrie thermique et chimique. Les gouvernements pourraient-ils à terme envisager d’imposer pareils filtres aux industries les plus polluantes ? À titre d’exemple, l’usine de Climeworks serait capable de capter 900 tonnes de gaz à effet de serre, c’est à dire environ une année de rejets de CO² pour 200 voitures. L’entreprise se fixe comme objectif d’être capable de capter 1% des émissions mondiales en CO² d’ici 2025. Selon IPCC, Intergovernmental Panel on Climate Change, il serait indispensable de capturer en moyenne 10 millions de tonnes de CO² de l’atmosphère chaque année pour ne pas aggraver le réchauffement climatique.
Un tournant décisif ?
Si la meilleure des solutions contre le réchauffement climatique reste tout de même de protéger coûte que coûte les forêts existantes, d’en planter de nouvelles et de transformer nos modes de vie et de production, cette nouvelle initiative représente tout de même un véritable tournant. S’il est assez difficile de quantifier l’impact que peut avoir la reforestation, et donc d’avoir des objectifs mesurables, Wurzbacher nous explique c’est que tout à fait l’inverse pour la technologie de captation du dioxde de carbone. Des filtres-usines comme celle de Climeworks peuvent permettre un véritable plan d’action quantifiable et mesurable. Si une entreprise ou un gouvernement leur commande de capter 10 000 tonnes de CO² de l’atmosphère, ils pourront être capables de penser un plan et de le mettre en place pour que l’objectif soit atteint. Comme tout ce qui touche à l’écologie, cette solution semble donc complémentaire à d’autres dans une vision holistique plus large de la transition.
De plus, toujours selon Fast Company, l’exploitation de l’usine serait mille fois plus efficace que la photosynthèse. En plus d’être économiquement viable, cette initiative dans la lutte contre le réchauffement climatique serait donc également particulièrement nécessaire pour arriver à se maintenir en dessous des 2° de réchauffement climatique, limite souhaitée par les accords de Paris de 2015. Une initiative qui doit donc impérativement venir s’ajouter aux autres, et en aucun cas se substituer à la reforestation et au développement des énergies hydrauliques, solaires, et éoliennes. Car, si capturer le CO² est une technologie efficace, elle ne peut, à elle seule, régler les problèmes liés au réchauffement climatique tellement ceux-ci sont importants. Combien d’installations comme celle de Zurich nous faudrait-il dans le monde pour pouvoir capturer ne serait-ce que les 1% des émissions mondiales que l’entreprise veut atteindre d’ici 2025 ? D’autant plus que ces installations ont leur propre coût énergétique, et leur propre impact sur l’environnement qu’il convient de ne pas négliger.
De plus, il semble important de rappeler que de telles avancées technologiques ne doivent pas nous dispenser de nos efforts personnels de réduction des émissions de CO² en premier lieu, et qu’un changement de paradigme à échelle de notre société concernant notre rapport à l’environnement reste inévitable. Elles ne doivent en aucun cas devenir des autorisations à polluer avec une perte de responsabilité des grands pollueurs qui auront bien vite fait de nous convaincre que polluer n’est pas si grave si l’on peut réparer ensuite.
Si chacun peut se réjouir que de telles solutions existent aujourd’hui et que le progrès technologique offre de telles avancées, il nous faut cependant repenser le problème environnemental dans sa globalité en sortant de la logique de « croissance perpétuelle » en imaginant des solutions en dehors de notre paradigme économique. Comme le disait A. Einstein : « On ne résout pas un problème avec les modes de pensée qui l’ont engendré. »
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