Confronté à d’importants problèmes de réhabilitation sur des centrales vieillissantes, l’horizon du programme nucléaire français s’assombrit de jour en jour. Face à ces difficultés, l’énergie renouvelable apparaît désormais une option sérieuse pour concurrencer les grands de l’énergie. C’est le pari d’Enercoop depuis 2006, seul fournisseur d’électricité en France capable de s’approvisionner à 100% auprès de producteurs d’énergies vertes.
« Un mix à 100% d’énergies renouvelables d’ici 2050 » ! En avril dernier, cette conclusion du rapport de l’Ademe, l’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, avait été des plus tranchantes dans un contexte national convaincu de l’avenir florissant du nucléaire. Mais voilà, la chute spectaculaire dernièrement des prix de l’éolien et du photovoltaïque bouleverse un peu toutes les projections. Désormais, selon l’Ademe, une électricité 100% renouvelable en 2050 coûterait chaque année à l’État français 50, 7 milliards d’euros contre 49,5 milliards dans la configuration énergétique actuelle, qui prévoit 40% de renouvelables et 50% de nucléaire.
En effet, le nucléaire pourrait s’avérer bien moins compétitif que lors de ses plus belles années : au moins 80 euros du mégawattheure (MWh) produits par des réacteurs EPR soit la même somme que ce que coûte actuellement l’éolien terrestre, lequel passerait à 65 euros, ou selon les scénarios, à 50 euros d’ici 2050 ! L’Ademe fait d’ailleurs de l’éolien une priorité économique et énergétique avec 63% prévu dans son bouquet optimal.
Un fournisseur d’accès d’électricité 100% renouvelable
Le grand pas vers une transition énergétique durable, c’est bien la société Enercoop qui l’a réalisé, première en France à garantir un accès total à de l’énergie renouvelable. Né en 2005 suite à l’ouverture du marché à la concurrence l’année précédente, Enercoop compte aujourd’hui 23 000 clients au sein de sa société coopérative d’intérêt collectif (SCIC). Désirant rapprocher les producteurs d’énergies des consommateurs, la structure entend promouvoir les énergies renouvelables tout en défendant une maîtrise de la consommation. Elle a ainsi développé, à cet effet, la plateforme d’auto-diagnostique énergétique Dr Watt, qui permet à ses clients d’évaluer en direct leur consommation.
La firme propose de l’énergie issue de quatre sources d’énergies renouvelables différentes : l’hydraulique, l’éolien, le photovoltaïque et le biogaz. Sa force et son aspect novateur sont de créer un lien direct entre les producteurs et les consommateurs.
Ainsi, elle garantie, sous forme de contrat direct, que l’énergie n’est pas achetée sur un marché mais bien auprès de producteurs membres de l’une des dix coopératives qui maillent le territoire, auxquels la société promet des prix équitables.
Si Enercoop assure l’intégralité de son approvisionnement en énergie renouvelable, la société appartient aussi à des sociétaires dans un modèle 100% coopératif : « chaque euro versé ne sert pas à rémunérer des actionnaires ou des intérêts éloignés du projet », assure Emmanuel Soulias, directeur général d’Enercoop. L’idée est également de contribuer à créer de la valeur sur les territoires avec à la clé des emplois locaux non délocalisables. Aujourd’hui, le surcoût lié à l’utilisation d’Enercoop comme fournisseur d’électricité est évalué à 8 euros par mois pour un foyer moyen. De quoi bousculer nos habitudes ?
Entretien avec Cécile Gatineau, service communication d’Enercoop, 7 juillet 2015
Vous êtes une Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC). Qu’apporte ce statut dans le développement de vos actions ?
Cécile Gatineau : Un fonctionnement démocratique selon le principe 1 personne = 1 voix, et une lucrativité limitée : la rémunération des parts sociales est plafonnée. Pour le cas d’Enercoop, les critères du statut SCIC permettent aux acteurs (consommateurs, producteurs, partenaires, fondateurs, salariés et collectivités) d’être impliqués et de porter collectivement un projet d’utilité sociale et environnementale. Chaque citoyen peut souscrire à des parts de capital social pour devenir sociétaire et participer au projet Enercoop.
Enercoop s’approvisionne auprès de producteurs qui utilisent des sources d’énergies renouvelables différentes. Quelles sont les plus utilisées ? Comment faites- vous le lien avec ces producteurs ?
C. G. : En effet, Enercoop s’approvisionne uniquement et directement auprès de producteurs d’énergies renouvelables : l’hydraulique, l’éolien, le photovoltaïque et le biogaz. A l’heure actuelle nous comptons 85 producteurs d’électricité indépendants. La part la plus importante de l’approvisionnement est composée par l’énergie hydraulique (95 %) et la répartition en nombre de producteurs est la suivante : 25 éoliens, 48 hydrauliques, 11 photovoltaïques, 1 biogaz. La production sur l’année 2014 s’élève à 100 Gwh. Toute l’électricité consommée par les clients d’Enercoop est injectée par les producteurs d’énergies renouvelables sur le réseau.
Enercoop assure le lien entre producteurs et consommateurs : plus il y aura de clients Enercoop, plus la part des énergies renouvelables sera importante dans la production totale d’électricité en France.
Vous indiquez attribuer une partie de vos bénéfices à des investissements autour des énergies renouvelables. Pouvez-vous nous donner un exemple concret de projet en cours ?
C. G. : En effet, nous réinvestissons 57,5% des bénéfices au profit du développement des énergies renouvelables. Par exemple, Enercoop finance actuellement 240k€ de ses bénéfices sur l’installation d’une centrale photovoltaïque (300kWc) en autoconsommation sur la toiture de la plate-forme Biocoop Grand Ouest, à Melesse (35). Celle-ci, financée par les citoyens via Énergie Partagée, produira une électricité 100% renouvelable. Plus d’informations ici.
Ce projet est un parfait exemple de raccourcissement du circuit de distribution de l’énergie.
Il y a cinq ans, Enercoop était 30% plus cher qu’EDF, il ne l’est aujourd’hui plus que de 10%. La tendance va t-elle se poursuivre ?
C. G. : Les tarifs d’EDF ont augmenté de 20% ces cinq dernières années. L’augmentation des coûts de production et notamment l’investissement dans le parc nucléaire vieillissant en est l’une des causes. Cette tendance devrait se poursuivre dans les années à venir. Du côté d’Enercoop, les prix sont stables depuis sa création. Seules les taxes (communes à tous les fournisseurs) ont fait évoluer nos tarifs.
Au fil du temps, on constate ainsi que les tarifs d’EDF et ceux d’Enercoop sont de plus en plus proches.
Vous comptez actuellement 8 coopératives dans 8 régions différentes. Quels sont vos objectifs et vos projets de développement à l’horizon 2020 ?
C. G. : Depuis le 6 juin dernier Enercoop compte 9 coopératives régionales : Aquitaine, Bretagne, Champagne-Ardenne, Languedoc-Roussillon, Nord-Pas de Calais – Picardie, Provence-Alpes- Côte d’Azur, Rhône-Alpes, Midi-Pyrénées et récemment la création d’Enercoop Normandie. Nous aspirons à passer de 23000 clients aujourd’hui, à 150000 en 2020. Nous souhaitons promouvoir et développer une maîtrise de la consommation, une décentralisation de la production et une réappropriation citoyenne des moyens de production. Le nombre de coopératives régionales est ainsi amené à croître afin de proposer aux sociétaires d’investir dans de nouveaux moyens de production, et donc de consommer leur propre production. L’ancrage territorial de l’activité est un enjeu important du projet Enercoop car les coopératives régionales permettent de raccourcir la chaîne qui relie producteurs et consommateurs.
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