Dans sa dernière enquête publiée ce jeudi 22 avril, L214 dénonce une nouvelle fois les dérives du modèle industriel de l’élevage en plein cœur de la France. Une vidéo intitulée « 7 choses (brutales) à savoir sur les œufs “code 2” » décrypte la dangereuse tendance qui se dessine au sein de l’élevage des poules pondeuses et l’abominable maltraitance qui en découle. Alors, si vous pensiez faire mieux en achetant des oeufs de poules « élevées au sol » plutôt qu’en cage, c’est le moment de remettre en question vos habitudes de consommation. Explications.

Mettre fin aux élevages en cage… pour un mieux ?

Ces dernières années, l’opposition des citoyens face à l’élevage de poules en cage s’est généralisée. Selon le dernier rapport de l’ISPO à ce sujet, 82% des personnes interrogées se déclarent ainsi en faveur d’une interdiction des élevages en cage d’ici 5 ans. Cette évolution positive de nos habitudes de consommation est notamment le fruit du long travail militant d’associations comme L214 et de médias engagés qui révèlent au travers de leurs enquêtes les pratiques dysfonctionnelles et pourtant tristement routinière d’une industrie qui considère et traite les animaux comme des marchandises.

De nombreux cadavres de volailles jonchent le « sol » de l’élevage – L214

Les enseignes de la grande distribution, désireuses de se conformer aux attentes du consommateur, ont également fait évoluer leurs pratiques. Ainsi, l’ensemble de la grande distribution s’est engagée à éliminer les œufs de poules en cage (code 3) de ses rayons et de ses produits transformés au plus tard en 2025, alors que plusieurs enseignes ont banni les œufs de poules en cage de leur marque propre dès 2020. C’est grâce à ces engagements que la part de poules françaises élevées en cage est passée de 68% en 2016 à 47 % en 2020. Une diminution significative qui laissait percevoir un avenir plus radieux et plus vert pour les 42,6 millions de poulettes élevées en France et destinées à la ponte.

D’un modèle intensif et maltraitant à un autre

Mais la suite de l’histoire se gâte, puisqu’au lieu de privilégier l’élevage plein-air tant plébiscité par les consommateurs ces dernières années, de nombreux producteurs se sont tournés vers des élevages en bâtiments de style industriel. Ainsi, une nouvelle tendance se dessine : des élevages qui élevaient auparavant leurs poules en cage effectuent aujourd’hui une transition vers des systèmes de production au sol, appelés aussi présomptueusement « alternatifs » . Ceux-ci n’ont pourtant rien à envier aux cages.

Alors que l’élevage au sol était quasiment inexistant il y a une dizaine d’années, sa production représente aujourd’hui 12% des poules élevées en France, soit le double par rapport à 2015. Cette transition d’un mode de production a un autre peut sembler salutaire, mais il n’en est rien. La dernière enquête de L214 révèle les failles de ce modèle qui émerge notamment grâce à la confusion qu’il crée dans l’esprit du consommateur sur certains termes et notions. En effet, pour Brigitte Gothière, porte-parole de L214 « l’élevage au sol doit son développement à la méconnaissance du public concernant ce système d’élevage intensif. Notre enquête montre qu’il s’agit malheureusement d’une illusion d’alternative à l’élevage en cage » .

Une alternative aux cages bien loin des promesses marketing

Et pour cause : à l’appui d’images filmées dans deux élevages situés dans les Côtes-d’Armor et en Vendée, la vidéo publiée par l’association dépeint la réalité de ces élevages présentés comme des alternatives aux cages : poules entassées sur des étages à perte de vue, claustration totale sans accès extérieur, poules malades ou déplumées laissées sans soins, absence de litière, cannibalisme… Ces images semblent bien loin des promesses de qualité que l’on peut distinguer sur certains emballages en rayons, qui s’accompagnent souvent de mentions valorisantes de type “bien de chez nous” ou “terroir” , évoquant le “bien-être” des poules ou encore de “bonnes pratiques d’élevage” sur fond de lit de paille.

Les poules blessées ne sont pas soignées et ne peuvent plus se déplacer. – L214

La réalité est malheureusement tout autre et les images le prouvent : des bâtiments de plusieurs dizaines de mètres de long, remplis de structures métalliques de plusieurs étages, sans paille ni litière et sans aucun accès à l’extérieur accueillent plusieurs dizaines de milliers de poules qui y vivent entassées, les pattes à même le grillage, avec pour nid de simple tapis en plastique. Le stress dû à ces conditions de vie déclenche chez les poules des comportements anormaux comme le picage des plumes de leurs congénères. Certaines poules se retrouvent alors presque entièrement déplumées, tandis que le picage évolue pour d’autres jusqu’au cannibalisme.

Changer de voie tant qu’il est encore temps

À travers cette nouvelle enquête, L214 adresse à l’Interprofession de l’œuf (CNPO) et à la Fédération du commerce et de la distribution (FCD) une pétition demandant l’abandon de l’élevage sans accès à l’extérieur. Ainsi, « nous en appelons aujourd’hui à la responsabilité des producteurs et de la grande distribution, afin d’éviter la construction de nouveaux élevages qui seront demain aussi réprouvés que les cages le sont aujourd’hui » , explique Brigitte Gothière.

Alors qu’en 2020, un sondage IFOP révélait que 91 % des Français souhaitent rendre obligatoire un accès extérieur pour tous les animaux d’élevage dans un délai de 10 ans, il semble plus que jamais urgent de réagir bien avant 2030 afin de prendre le contre-pied de cette nouvelle tendance au sein de l’élevage de volailles qui concerne aujourd’hui plus de 6 millions d’animaux en France.

- Cet article gratuit et indépendant existe grâce à vous -
Donation