De Manuel Valls à Éric Zemmour, en passant par Emmanuel Macron, les Républicains et Marine Le Pen, l’argument de l’assistanat est devenu un véritable étendard pour la droite politique. Largement reprise par les médias, cette rhétorique remporte, il faut le reconnaître, un succès croissant au sein de la population qui se perd à accuser plus pauvre que lui, pendant que les plus riches se réjouissent. À tel point que certains à gauche, comme Fabien Roussel, ont même flirté avec. Mais, en s’y penchant de plus près, on se rend compte que cet argument repose sur une série de poncifs et qu’il sert à masquer d’autres problèmes plus profonds. Quelques rappels.

#1 : La solidarité nationale est un droit et non un privilège 

On entend souvent que quiconque toucherait des aides devrait rendre des comptes à la société et aurait des devoirs moraux envers elle, que ce serait un cadeau dont il ne faudrait pas abuser tant il est généreux. Emmanuel Macron projette d’ailleurs d’obliger les attributaires du RSA à travailler gratuitement une quinzaine d’heures par semaine.

Pourtant, la solidarité nationale est fermement ancrée dans les principes fondamentaux de la République française, comme le rappelle sa devise « liberté, égalité, fraternité »… C’est aussi dans cet esprit que s’inscrit l’assurance maladie, l’un des fleurons du pays des lumières. 

Du reste, les prestations sociales sont un droit, et non un privilège. Il ne s’agit pas d’une faveur faite par un bon prince à son sujet. Et pour cause, notre constitution consacre que la République « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction ».

Par conséquent, chaque bénéficiaire ne vole d’argent à personne, il exerce simplement un droit limité à être aidé face à des difficultés de parcours et/ou de vie. Et ne sous-estimons pas les mille et unes complications qui peuvent advenir dans la vie de quelqu’un, en passant par la nôtre. Ces réalités peuvent paraître « insuffisantes » à prétendre à la moindre aide pour certaines et certains qui ont été convaincus qu’une vie à la dure était la seule qui vaille, mais pour celles et ceux qui estiment encore avoir le droit de vivre décemment sans devoir s’en flageller, c’est une compensation légitime à l’inégalité systémique de nos sociétés.   

Peu le conscientisent d’ailleurs, mais les prestations sociales sont en effet destinées à compenser un manque initial, à répondre à des marqueurs d’inégalité fondamentale, en soulageant la charge financière dans six grandes situations de vulnérabilité desquelles tout le monde ou presque est, a été, ou sera concerné, peu importe la prétention à ne pas s’y sentir assimilé : 

la vieillesse et la survie (pensions de retraite, de réversion, garantie dépendance) ; la santé (assurance maladie, pension d’invalidité, allocation supplémentaire d’invalidité, allocation aux adultes handicapés, accidents du travail, maladies professionnelles) ; la famille (prestations familiales liées à la maternité, aux allocations familiales, à la garde d’enfant à domicile) ; le chômage (perte d’emploi, retour à l’emploi, reconversion, l’insertion professionnelle) ; le logement (allocations logement) ; la pauvreté (minimum vieillesse, minima sociaux).

#2 Tout le monde est « assisté », même vous

La solidarité nationale s’applique à tous les citoyens et citoyennes, en premier lieu par le biais de la sécurité sociale. N’importe qui peut se retrouver très rapidement dans une situation de précarité. Et c’est bien notre régime d’entraide qui peut nous empêcher de tout perdre.  

On le constate d’ailleurs dans d’autres pays où il n’existe presque aucune couverture sociale. En 2009, un Américain mourrait toutes les trente minutes,
faute d’assurance médicale, selon une étude de la Harvard Medical School et de la Cambridge Health Alliance. La situation est même si grave que l’on organisait il y a quelques années des loteries de soins humanitaires pour les pauvres. Un épisode de 66 Minutes (M6) « USA : la vie à la loterie » , en retranscrivait alors les tristes images : 

Certains rétorqueraient que notre système de solidarité n’est légitime que pour ceux qui exercent un emploi. Mais c’est bien précisément lorsque l’on ne dispose plus d’activité rémunérée que l’on a le plus besoin de soutien. De plus, contrairement aux idées reçues, tous les résidants français paient des impôts (notamment par la TVA) ; il est donc absurde de conditionner les aides sociales à la seule occupation professionnelle ou l’identité nationale. 

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Les mêmes indignés contre « l’assistanat » ne semblent par ailleurs pas s’émouvoir des  propriétaires qui vivent de leurs rentes ou des héritiers qui n’ont jamais travaillé pour obtenir la fortune de leurs parents. Pas plus qu’on ne les entend sur les subventions publiques aux très grosses entreprises, qui n’en ont pas besoin, mais savent comment en bénéficier par des détours juridiques d’un autre monde sans aucune contrepartie. Le cas du CICE est par exemple très parlant. Autant de dépenses gratuites et d’argent facile non critiqué – parce qu’envié ? -, dont l’échelle est autrement conséquente.

En outre, les allocations constituent un filet de sécurité pour épauler tous les salariés à améliorer leur situation professionnelle. En effet, sans minima sociaux ou sans chômage, on se retrouverait très vite obligé d’accepter n’importe quelles conditions de travail. Dans ce sens, les pensions permettent aussi d’exercer un moyen de pression sur le patronat et de pouvoir négocier plus efficacement des conditions dignes et vivables. De la même façon, elles favorisent l’émancipation de l’individu par rapport à un cercle de dépendance plus traditionnel, comme celui de la famille. 

#3 : Toucher des aides ne fait pas de vous un paresseux ni un profiteur 

Conditionner les aides à l’activité professionnelle est d’autant plus inepte que, contrairement à ce que pensent certains, qui aiment comparer leurs propres facilités à l’ensemble d’une population hétérogène et traversée par des parcours très différents, il n’est pas toujours simple de décrocher un contrat. La réalité mathématique se situe très loin du mythe selon lequel les chômeurs seraient tous paresseux sans aucune envie de se mettre à l’œuvre. 

En vérité, en regardant les chiffres de l’État lui-même, il y avait environ 5,6 millions de  demandeurs d’emploi fin 2021. Et ce chiffre ne prend pas en compte toutes les personnes radiées des listes.  D’autre part, à la même époque, il y avait 286 100 places vacantes non pourvues sur le marché du travail…  

Et si ces postes ne sont pas toujours occupés, c’est souvent parce qu’ils sont très mal payés, situés très loin des demandeurs d’emploi, ou encore en raison des compétences dont ne disposent pas les candidats. En outre, 88 % des embauches se font en CDD, et 83 % portent sur une durée inférieure à un mois. Rien de surprenant, dès lors, à ce que certaines de ces propositions ne trouvent aucun preneur.  

Mais même en partant du principe que ces offres sont délaissées uniquement par paresse,  imaginons qu’elles soient pourvues en un instant. Une simple soustraction permet de constater qu’il resterait malgré tout environ 5,3 millions de demandeurs d’emploi. Par conséquent, le problème est structurel, et non dû à l’indolence de certains.

Et soulignons de nouveau que même avec tous les efforts du monde, si les offres sont situées dans des zones géographiques et que les demandeurs d’emploi correspondants sont concentrés (de par leur vie, leur famille, leurs proches, leurs projets) dans d’autres zones, l’incompatibilité reste indépassable. Les flux et mouvements de besoins et de recherches dépassent tout le monde, même celles et ceux supposant qu’il suffit « traverser la rue » pour y arriver. 

Plus globalement, la solution pour réduire le chômage consisterait à partager les tâches en écourtant la durée de travail. Mais pour cela, il faudrait consentir à rehausser les salaires et donc diminuer les profits des plus riches. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les grands promoteurs de la théorie de l’assistanat sont souvent partisans de l’augmentation du temps d’activité, par semaine, et dans la vie. 

P. Timsit & D. Flamand in C. Serreau 1996: La Belle Verte. @Elena Regina/Flickr

C’est également dans ce but qu’est entretenu le concept de « méritocratie » qui laisse penser que chacun ne récolte, au fond, que ce qu’il a semé. Or, si l’on accepte d’un côté que les pauvres soient entièrement responsables de leur existence, alors on approuve de même l’idée que les privilèges des riches seraient justifiés.

Seulement, comme décrypté dans un précédent article, le sort des individus reste extrêmement lié à des facteurs sur lesquels, qu’on le veuille ou non, ils n’ont aucune prise (environnementaux, sociaux, génétique…).  Croire le contraire parce que « nous, on a réussi malgré tout », c’est ne pas prendre conscience d’atouts, même infimes, qui ont été les nôtres et qui ne sont pas universels. Et c’est faire d’une expérience personnelle particulière une généralité pleine de raccourcis ou une vérité sociologique pourtant infondée sur le plan scientifique. 

Évidemment, on rencontrera toujours des exemples de véritables fraudeurs ; il existe  nécessairement des profiteurs dans chaque système, mais ce n’est pas un phénomène inhérent à la solidarité nationale. À l’autre bout de l’échiquier, on trouve d’ailleurs des gens pour tirer parti de la misère et réaliser des superprofits.  

Rappelons, ensuite, qu’énormément de personnes ayant droit à des aides n’y ont pas recours.  Enfin, une étude d’Attac démontre que la fraude aux prestations sociales s’élèverait à peine à 3 milliards d’euros, soit moins que ce que rapportait l’impôt sur la fortune supprimé par Emmanuel Macron. Dans le même temps, l’évasion fiscale dépasserait largement les 80 milliards d’euros par an et la fraude aux cotisations (c’est-à-dire les patrons qui ne paient pas leurs dus)  atteindrait près de 20 milliards. Les profiteurs ne sont donc sans doute pas ceux que l’on croit. 

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#4 : Confusion entre travail et emploi 

Pour perpétuer le mythe des chômeurs paresseux, les défenseurs du capitalisme entretiennent également une confusion tenace entre le travail et l’emploi. De fait, ce n’est pas parce que quelqu’un n’a pas de métier qu’il n’a aucune occupation, ni ne contribue à la vie de la cité.  

Dans nos sociétés, une même activité peut d’ailleurs être rémunérée ou non. Prenons une  personne qui prendrait soin d’un enfant ; si c’est le sien, elle ne touchera aucun revenu. En  revanche, s’il appartient à quelqu’un d’autre, cette personne sera rétribuée. Pareillement pour quelqu’un qui tondrait sa propre pelouse ou celle d’un stade municipal. Et pourtant, dans les deux cas, il s’agit bien d’un travail réel. 

Examinons maintenant l’exemple de bénévoles qui s’investiraient dans le milieu associatif.  Ceux-ci fourniraient un travail, qui peut très bien être acharné, sans pour autant percevoir de paie. Il existe ainsi des dizaines de missions, utiles à la société, qui demandent un fort labeur, et qui ne sont toutefois pas du tout valorisées financièrement.  

C’est d’ailleurs dans cette optique que l’essayiste Bernard Friot a imaginé son système de  « salaire à vie » dans lequel la rémunération ne serait plus basée sur un emploi, mais sur une qualification. Le concept de chômage n’aurait alors plus lieu d’être et chacun serait libre d’exercer l’activité de son choix dans le pays. 

#5 On ne gagne pas plus avec les minima sociaux qu’avec le SMIC !

On a tous entendu quelqu’un déblatérer sur ces « parasites de la société » qui gagneraient plus d’argent que des travailleurs acharnés. Avec leur armée d’enfants, conçus uniquement pour toucher des aides, les « assistés » dépenseraient leurs allocations dans des écrans plats et des smartphones, comme le suggérait Jean-Michel Blanquer en 2021. Pourtant : il a été prouvé avec certitude qu’au moins 95 % des bénéficiaires l’utilisent bien pour des fournitures scolaires, et que les ventes d’écran plat n’augmentaient pas particulièrement à cette période de l’année…

Ces affirmations, largement véhiculées par une certaine classe politique, et crues par un  nombre croissant de Français, n’ont en effet rien d’exact. À l’inverse de ce qu’assurent  certains commentateurs, il est en effet impossible de gagner plus d’argent avec les minima sociaux qu’avec un travail. 

A titre d’exemple, et selon les simulations officielles de la CAF, une personne célibataire, sans handicap et résidant en location avec un loyer, prenons, de 500 €, pourrait espérer, dans le meilleur des cas et si tout se passe bien – et tout le monde sait que selon les profils, ce n’est pas toujours le cas – 520 euros de RSA et 265 euros d’aide au logement. Un total de 785 euros. Cette somme est incomparable au cumul touché par une même personne travaillant pour un SMIC de 1329 euros et une prime d’activité de 228 euros, donc un revenu mensuel total de 1557€. Soit quasiment le double.

Concernant celles et ceux qui souhaiteraient comparer l’incomparable, en invoquant le mythe des pauvres qui font des enfants pour engranger des aides au lieu de travailler, touchant ainsi autant qu’un travailleur sans enfant : leur logique n’a pas non plus lieu d’être puisque qu’élever sa progéniture coûte en moyenne 9000 € par an jusqu’à ses vingt ans. Faire des enfants ne génère pas de bénéfices magiques, c’est une charge supplémentaire financière pour la vie, autant qu’un engagement humain de tous les jours, s’il fallait le rappeler.

Quant à ceux qui songeraient à blâmer les allocations chômage, il existe deux arguments simples face à cette objection. Le premier c’est qu’il faut nécessairement avoir travaillé pour être indemnisé et le deuxième que chaque concerné a préalablement cotisé pour financer ce droit.  Rappelons enfin que près de la moitié d’entre eux n’encaisse aucune indemnité. Rien d’étonnant puisque Emmanuel Macron a récemment fait durcir les conditions d’accès à l’assurance chômage. S’appuyant sur les poncifs que relate cet article, il a d’ailleurs prévu de prochainement aller encore plus loin.

#6 : La France n’est pas exceptionnellement plus généreuse que les autres 

À en écouter certains, la France jetterait l’argent par les fenêtres et serait au bord du précipice économique à cause de sa trop grande charité. Souvenons-nous à ce sujet de l’épisode du « pognon de dingue » lancé par Emmanuel Macron. À longueur d’année, nous avons d’ailleurs des « experts » et des éditorialistes qui nous expliquent que la France serait « trop généreuse ».  

On nous serine même que la France serait la « championne du monde des prestations  sociales ». Mais ce genre de commentaires est très malhonnête puisqu’il prend en compte les systèmes de retraite, du chômage et de la sécurité sociale. Or, les Français cotisent (le fameux salaire brut) pour jouir de ces prestations.  

À l’étranger, les habitants dépensent sans doute bien plus d’argent par mois dans ces domaines  puisqu’ils sont souvent obligés de passer par des assureurs privés. Or, contrairement au service public, ces derniers cherchent à faire des bénéfices et ils doivent, de plus, faire de la publicité. Autant de contraintes qui les rendront nécessairement plus chers pour les citoyens qu’un système de cotisations d’État. 

À vrai dire, peu de gens osent attaquer ces prestations de manière frontale. Tout le monde est, en effet, plutôt satisfait de pouvoir disposer d’une retraite et d’une assurance maladie.  D’ailleurs, quand des néolibéraux mal intentionnés s’insurgent contre le « coût exorbitant »  des dépenses sociales, ils se servent surtout des minima sociaux et des « assistés » comme exemple : un grand méchant loup facile à agiter pour faire oublier les véritables problèmes, chiffrés comme tels. Évidemment, lorsqu’ils s’attaquent au système des retraites, ils sont beaucoup moins suivis.   

Dans le secteur strict des minima sociaux, l’altruisme de la France n’a par ailleurs rien  d’extraordinaire. Sachant que «les 4/5èmes des dépenses de protection sociale dans leur ensemble correspondent à la couverture des grands risques que sont la maladie, les retraites et le chômage, financés par les cotisations des employeurs, des salariés, des indépendants et des retraités », et ne sont donc pas imputables aux minima sociaux. Dans ce domaine, l’hexagone ne dépense en revanche que 1 % de son PIB. C’est moins que le Danemark, les Pays Bas ou encore la Suède. Et c’est surtout à peine plus que la moyenne européenne (0,6 %). 

Certes la France dispose de l’un des systèmes sociaux les plus dispendieux du monde, en  grande partie grâce aux luttes des travailleurs et au mouvement ouvrier. Mais elle devrait plutôt s’en féliciter au lieu d’écouter une minorité de privilégiés qui ne cherchent qu’à le détruire. Et pour cause, ceux-ci n’ont pas à se soucier d’un système social basé sur le collectif, puisque leurs grandes ressources individuelles leur permettent de passer outre.

 

#7 : La solidarité est le fondement des sociétés humaines 

D’un point de vue plus philosophique, même en admettant que certaines personnes soient  paresseuses et refuseraient d’avoir un emploi, ne s’est-on jamais demandés pourquoi nous nommions fainéantise la paresse du pauvre, mais oisiveté, à connotation méliorative, celle des riches ? Ni pourquoi notre modèle prétend lutter contre le moindre assoupissement des précaires tout en aiguisant leur convoitise pour la merveilleuse liberté de flâner des riches ? 

Et plus largement, peut-on pour autant condamner décemment ces personnes à la misère pour cela ? Accepter d’abandonner une partie de la population contreviendrait directement à la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 qui consacre la dignité comme un principe fondamental. De même, si quelqu’un décide de s’automutiler, il sera malgré tout soigné gratuitement.

Pour aller plus loin, on peut rappeler que l’entraide demeure complètement indispensable au bon fonctionnement d’une société humaine. Chacun d’entre nous dépend en réalité des autres pour s’assurer une vie convenable. Ainsi, comme le souligne Nicolas Duvoux, professeur en sociologie, « la solidarité n’est pas une valeur, mais un fait » [A écouter].

C’est l’interdépendance elle-même qui permet à un peuple de faire corps. L’État social offre à  chacun un filet de sécurité semblable. Diverses études démontrent d’ailleurs que les gens ont plus tendance à se serrer les coudes en période de crise.  

Darwin lui-même évoquait l’importance de l’entraide dans la subsistance de l’espèce humaine.  Contrairement aux idées véhiculées par les néolibéraux, ce ne sont pas les meilleurs qui ont perduré, mais ceux qui se sont montrés les plus solidaires. Le philosophe Kropotkine fait remarquer la valeur de l’empathie en tant que facteur évolutif et affirme que :

« les animaux qui savent le mieux s’unir ont les plus grandes chances de survivance et d’évolution plus complète ». 

Dans un groupe social, certains individus se sentiront toujours inadaptés ; or, ils n’ont pas  choisi notre modèle de vie. Partant de cette observation, il apparaît absurde de les sanctionner,  alors qu’il faudrait au contraire les accompagner pour les aider à trouver une place. Dans une société prospère, ne pourrait-on pas d’ailleurs se féliciter de pouvoir « assister » des personnes en difficulté ? D’autant que la France n’a jamais produit autant de richesses, ni autant de gaspillage… On peut présupposer aisément que si cette valeur était plus équitablement répartie, personne ne se soucierait de tels problèmes.  

#8 : Personne n’est heureux d’être pauvre 

Pour beaucoup, une personne au RSA mènerait simplement la belle vie aux frais du  contribuable, à siroter des cocktails tout en profitant de l’existence. Mais dans la réalité, loin de ces clichés, vivre (ou plutôt survivre) au RSA est surtout une souffrance. 

C’est d’abord un calvaire financier, car admettons-le, le RSA se situe très loin en dessous du seuil de pauvreté, placé aux alentours de 1100 €. Si l’on prend le cas d’un célibataire, il doit subvenir à ses moyens avec en moyenne 598,54€. En déduisant 500 € de loyer et 50€ d’énergie, il reste moins de 50 euros pour manger, payer ses assurances, internet, téléphone, etc. Inutile de préciser que dans une telle vie, il n’existe plus aucune possibilité de loisir, de culture, de respiration…

C’est ensuite une souffrance sociale. D’une part parce que les plus précaires sont pointés du doigt par une bonne partie de la population. Et d’autre part parce que les institutions, les  médias et les politiciens n’ont de cesse de les culpabiliser. Plus d’un tiers d’entre eux sont même atteints de dépression. En outre, un pauvre a 13 ans d’espérance de vie en moins par  rapport à un individu aisé. 

C’est enfin une souffrance personnelle, puisqu’il est très compliqué pour un citoyen de ne pas  réussir à trouver sa place dans la société, surtout lorsqu’il est constamment dénigré par ses  pairs. Dans ces conditions, il devient bien évidemment impossible de s’épanouir, donc de rebondir.

#9 : Diviser pour mieux régner 

Le problème fondamental réside dans la mauvaise rémunération des travailleurs. Ce  stratagème de la « guerre à l’assistanat » est largement mis en avant par les classes  bourgeoises. Il joue sur un mécanisme démagogique et flatte les vils instincts. Si la classe moyenne gagnait mieux sa vie, elle n’aurait pas besoin de chercher des noises aux plus pauvres qu’eux. 

En durcissant toujours plus le travail, on crée une frustration et une colère envers les sans emploi. D’autant plus, lorsque l’on entretient le mythe des inactifs fainéants qui toucheraient autant d’argent que les braves travailleurs.  

Car il existe une volonté chez une partie de la classe populaire de ne simplement pas se  trouver au bas de l’échelle. Pour eux, il faudrait donc sanctionner toujours plus les pauvres. Et pour cause, la classe moyenne suit généralement la trajectoire des classes les plus précaires : si ces dernières s’appauvrissent, les premières chutent avec elles. Rien d’étonnant puisque les classes populaires font largement tourner l’économie globale en dépensant massivement leur argent, contrairement aux plus riches qui placent la majorité de leur capital dans la bulle spéculative.  

Si le chômage est entretenu (notamment en augmentant le temps de travail), c’est d’une part pour maximiser les profits au sein de chaque entreprise, mais aussi pour diviser la classe moyenne et la classe populaire. Et pour cause, si celles-ci s’unissaient, elles pourraient renverser la bourgeoisie et remettre en question les privilèges des plus aisés. Le mythe de l’assistanat est donc essentiel pour que les plus pauvres s’entredéchirent. Charge au peuple de s’en émanciper le plus vite possible pour sortir de l’impasse.

– Simon Verdière

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