Ce lundi 2 mai, à 11 heure, Greenpeace frappe un grand coup contre le traité transatlantique qui s’approche à grand pas. L’ONG vient tout de juste de dévoiler 248 pages de documents décrivant les tenants et aboutissants des négociations secrètes (jusqu’ici) qui s’opèrent en haute sphère.
L’information a été lancée par la branche néerlandaise de Greenpeace ce 1 mai 2016. Les deux tiers du traité de libre-échange Europe/Etats-Unis sont tombé dans les mains de l’ONG, dans sa forme en cours de négociation. Treize chapitres du fameux TAFTA (ou TTIP pour ses partisans) dont tout le monde parle mais dont personne ne connait véritablement les détails, les négociations étant supposément secrètes. Aujourd’hui, nous savons !
À l’image de la récente affaire #PanamaPapers, la nouvelle fuite va permettre d’exposer et confirmer « les menaces sur la santé, l’environnement et le climat » estime l’organisation environnementale. C’est la première fois qu’il sera publiquement possible de comparer les différentes positions entre l’Union Européenne et les États-Unis en matière de législation. On rappelle que le TAFTA a pour ambition de faciliter les règles du jeu économique entre les deux mastodontes pour, prétendument, faciliter les échanges commerciaux.
Un bras de fer remporté par les USA
Le souci, c’est que le modèle à l’américaine n’est pas des plus apprécié sur le vieux continent, notamment pour son manque de considération pour le droit du travail où la protection de l’environnement. De plus, le texte prévoirait l’adoption d’un tribunal d’arbitrage qui permettrait aux multinationales d’attaquer un pays en cas d’entrave à leur activité (notamment par un règlement environnemental contraignant). L’heure est particulièrement grave alors qu’une version définitive approche à grands pas dans la plus grande opacité et que les citoyens n’ont pas réellement leur mot à dire sur ce qui régira leur vie future (800 millions de personnes concernées).
« Il est temps de faire la lumière sur ces négociations. Les progrès durement gagnés en matière d’environnement sont vendus derrière des portes closes. Ces documents révèlent que la société civile avait raison d’être préoccupée par le TTIP. Nous devrions arrêter les négociations et ouvrir le débat. » affirme Faiza Oulahsen, activiste chez Greenpeace Pays-Bas. Et pour cause, le document laisse perplexe sur la vision de la société qu’entretiennent les puissants chargés de négocier le traité.
L’environnement passe à la trappe
Parmi les grandes inquiétudes que soulève le document, on trouve notamment un abaissement généralisé des règlementations environnementales, permettant davantage de libertés pour les entreprises et industries. Par ailleurs, la lutte contre le changement climatique se verrait plus difficile sous le traité. Greenpeace indique qu’il n’y a aucune considération de l’impact climatique des activités dans le texte obtenu. Le bilan est pire encore, le texte prévoirait des limitations légales des mesures d’action contre le changement climatique notamment dans le chapitre concernant les biens industriels. À titre d’exemple, ces propositions permettent de protéger les combustibles à forte intensité de CO2 comme le pétrole des sables bitumineux de toutes réglementations pouvant limiter sa consommation (comme des taxes ciblées).
Le traité annoncerait, toujours selon la lecture de Greenpeace, la fin du principe de précaution pourtant fondamental dans le fonctionnement actuel de l’Union Européenne (sans être irréprochable). Les États-Unis réclament de leur côté un nouveau système moins contraignant pour le marché. Une approche «fondée sur le risque» qui vise à gérer les substances dangereuses plutôt que de les faire interdire. Cette approche sape la capacité des régulateurs à prendre des mesures préventives, notamment en matière de substances controversées comme perturbateurs hormonaux. Ce sera donc probablement aux consommateurs à faire le choix de l’empoisonnement volontaire…
La démocratie mise entre parenthèse (un peu plus)
Enfin, ce que révèle avant tout cette fuite tout au long du document, c’est la victoire des multinationales sur la société civile. Alors que les propositions du traité menacent concrètement la protection de l’environnement et des consommateurs, les multinationales obtiennent ce qu’elles veulent. Alors que les citoyens, associations et représentants des collectivités n’ont pas leur mot à dire, les grands groupes détenteurs de capitaux ont eu la possibilité d’intervenir dès les premières étapes du processus de prise de décision et tout au long des négociations. Ces documents « confirment les fortes objections exprimées par la société civile et des millions de personnes travers le monde. Le TTIP (TAFTA) apparait comme un énorme transfert du pouvoir démocratique des peuples vers les grandes entreprises. Nous appelons tous les représentants élus et toutes autres parties concernées à lire ces documents afin de s’engager dans le débat. » conclut Greenpeace.
Le document complet est disponible dès maintenant sur le site de Greenpeace.
Sources : courrierinternational.com / greenpeace.org / Documents dévoilés