Le monde d’Haribo ne serait pas si rose bonbon ? Le géant des confiseries est accusé par un documentaire télévisé allemand de se procurer certains de ses ingrédients auprès de plantations au Brésil qui « exploitent » leurs travailleurs et de coopérer avec des entreprises qui élèvent leurs cochons dans des conditions épouvantables. Malgré ces révélations fracassantes, les outils juridiques pour faire cesser ces atteintes restent faibles voire inexistants…
Haribo, « icône » en Allemagne du bonbon, s’exporte dans le monde entier. Subtilement, la marque rend les consommateurs accrocs, malgré le risque désormais établi d’une consommation excessive de sucre pour leur santé. Le leader des confiseries en Europe soigne une image familiale, sympa et proche des consommateurs. Mais le marketing rodé de la multinationale ne reflète pas la réalité : la production des petites gommes de sucre n’aurait rien d’éthique. Au contraire, le documentaire paru sur la chaîne publique allemande « Das erste » (ARD) le 16 octobre dernier accuse Haribo de fermer les yeux sur l’exploitation de travailleurs brésiliens et la souffrance de cochons.
Le documentaire de 45 minutes montre comment humains et animaux sont impactés par la production de certains éléments essentiels pour la production de leurs bonbons (mais aussi des bonbons d’autres marques en général). Selon les auteurs du reportage, le manque de contrôles dans les entreprises de production de gélatine et de cire de carnauba, sous-traitants de Haribo, sont insuffisants. Une situation qui justifie des prix toujours plus compétitifs. Cette opacité conduit à des conditions de travail et de production catastrophiques.
Un petit goût d’esclavagisme dans les oursons
Les « Gummibärchen » (Oursons d’or), l’un des produits phares de Haribo et probablement le plus populaire au monde, contiennent de la cire de carnauba, qui leur donne un aspect lisse, brillant et les empêche de coller entre eux. Ce produit est extrait de palmiers qui poussent dans le nord-ouest du Brésil, où vivent les populations les plus pauvres du pays. Une aubaine pour la multinationale.
Le reportage montre qu’Haribo se fournit auprès de plantations de palmiers au sein desquelles les ouvriers sont payés 40 reals par jour, soit 10 euros. Pour ce salaire, ils coupent les feuilles des arbres à l’aide de scies, sont forcés de dormir à l’air libre ou dans des camions, n’ont pas accès à des sanitaires et boivent de l’eau non filtrée. Les ouvriers ne disposent pas de tenues de protection, bien qu’ils soient exposés de manière quotidienne à de la poussière. Ce « salaire » permet à peine de survivre (le salaire moyen au Brésil est de 830 euros/mois). Sur place, les personnes interrogées n’hésitent pas à parler « d’esclavage » et à dire qu’ « ils sont traités comme des objets ». Ces informations suggèrent une violation manifeste des Droits de l’Homme.
Pas mieux pour les animaux…
Déjà lourdes, ces accusations sont accompagnées d’autres allégations. Des défenseurs des animaux ont pu tourner des images dans une exploitation de cochons se trouvant en Allemagne qui fournit de la peau à un industriel qui la transforme pour Haribo en gélatine. C’est cette dernière substance qui donne aux bonbons une consistance de gommes. Au sein de l’exploitation en cause, les animaux « vivent » au milieu de leurs excréments, auprès de congénères morts qui ne survivent pas à ces conditions déplorables. Les animaux sont couverts de blessures qu’ils s’infligent entre eux en raison de la promiscuité. Les petits sont même attaqués par les adultes. Le consommateur, lui, a à peine conscience que les bonbons contiennent de la gélatine de porc…
Depuis la parution du reportage, Haribo, qui assure « s’engager pour des exploitations respectueuses des animaux » – le discours lissé de toutes les multinationales aujourd’hui – est sur la défensive. Ses premières réactions peines à convaincre. L’entreprise a affirmé auprès d’ARD que « conformément aux standards élevés de notre entreprise et de nos fournisseurs, nous travaillons ensemble en permanence pour identifier précocement et mettre fin à d’éventuels points faibles dans les chaînes d’approvisionnement et les processus de production. Nous nous engageons aussi en faveur du bien-être animal. » Pourtant, Haribo ne prend pas position sur les accusations mêmes et n’indique pas si la situation changera à l’avenir.
Quand les intérêts économiques priment sur les droits humains
Ces accusations interviennent alors que la responsabilité sociale et environnementale des grandes entreprises continue d’être un sujet vivement débattu, notamment grâce aux ONG et associations. Pour mettre fin aux scandales à répétition, certains plaident pour une mise en place d’outils législatifs obligeant les entreprises à contrôler les atteintes au sein de leurs filiales et de leurs sous-traitants, même à l’étranger. En France, des dispositions allant en ce sens ont été votée au printemps dernier, mais leur efficacité doit encore être mise à l’épreuve. Cette semaine, c’est à l’ONU qu’on traite de la question. Pourtant, relève Reporterre, les négociations ne sont pas suivies par les pays du Nord : « Autour de la table, 77 pays sont présents, essentiellement du Sud. Ceux du Nord ont refusé d’y participer… ».
« C’est beau la vie ».
Sources : daserste.de / Reporterre.net / dw.com
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