La banque HSBC, connue pour sa proximité avec le trafic de drogues, fait encore parler d’elle : elle serait à l’origine d’une gigantesque fraude fiscale d’un montant de 180 milliards d’euros en moins de 5 mois. Parmi les clients ayant bénéficié de ces opérations frauduleuses et fructueuses : des vedettes, des politiques, des dictateurs, des hommes d’affaires, des marchands d’armes, des trafiquants de drogue…Les révélations se basent sur les fichiers fournis par Hervé Falciani, informaticien devenu lanceur d’alerte.
Hervé Falciani : un lanceur d’alerte au parcours mouvementé
L’opération SwissLeaks, lancée par le journal Le Monde et d’autres médias internationaux, se base sur des fichiers internes de HSBC dérobés à Genève en 2008 par Hervé Falciani, ancien informaticien de HSBC devenu l’un des lanceurs d’alerte les plus connus – et les plus menacés – au monde. Ses révélations explosives ont entrainé de nombreuses enquêtes à travers le monde. La fraude fiscale permettant, outre d’échapper aux impôts de son pays de résidence, de blanchir l’argent sale du trafic d’armes et de drogues.
En 2008, il révèle publiquement les manipulations informatiques frauduleuses effectuées par la filiale suisse de HSBC afin de masquer les opérations douteuses de ses clients les plus riches. Dès lors, il devient la bête noire de HSBC et de la Suisse, qui fera tout pour le décrédibiliser et qui a même tenté de l’arrêter, en vain. Sans jamais remettre en cause les pratiques de HSBC.
Hervé Falciani se réfugie donc à Paris en 2009, où le gouvernement d’alors ne le soutint guère : Michèle Alliot-Marie, ministre de la Justice, fut à 2 doigts de satisfaire les autorités helvètes. Il faudra l’insistance d’un procureur, Eric de Montgolfier, pour que « MAM » ne rende pas à la Suisse le disque dur de l’informaticien, ainsi que ce dernier.
Depuis, Hervé Falciani a permis l’identification de 127 000 comptes et a participé à la commission d’enquête sénatoriale américaine qui a condamné HSBC à une amende de 1,9 milliard de dollars pour avoir largement blanchi l’argent du narcotrafic sud-américain.
Mais en France, dirigée à l’époque par M. Sarkozy, la coopération s’arrête, les données de M. Falciani ne semblant pas intéresser le gouvernement outre mesure. Ce dernier décide donc de rejoindre l’Espagne en 2012 et, après avoir passé 6 mois en prison près de Madrid à cause du mandat d’arrêt émis par la Suisse, est finalement libéré afin de travailler avec les juges anti-corruption espagnols.
Entre-temps, l’exécutif français a changé de camp. Falciani retourne en France et prête main forte aux juges d’instruction Van Ruymbeke et Bilger, spécialisés dans la lutte contre la corruption et la délinquance financière. Dans leur ligne de mire : HSBC, soupçonnée de démarchage illicite et de blanchiment de fraude fiscale. La banque est finalement mise en examen à Paris en novembre dernier pour « blanchiment de fraude fiscale », une semaine après l’avoir été également en Belgique. Jusqu’en 2014, Falciani travaillera également avec les magistrats belges, italiens et allemands.
Affaire SwissLeaks
Infographie réalisée par l’Hebdo © Hebdo
Puis vient début 2015 et éclate le « SwissLeaks », qualifié par Mediapart de « plus grand déballage bancaire de l’histoire » : sur base des données de Falciani, un groupement de journalistes révèle qu’en l’espace de 5 mois, HSBC Genève a fait transiter frauduleusement 180 milliards d’euros pour un total de 106 458 clients et plus de 20.000 sociétés offshore du monde entier.
Le scandale du SwissLeaks a été publié par un groupement de 55 journaux dans le mode entier, avec l’appui du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), qui fut également à l’origine du scandale du LuxLeaks.
Comme l’explique Mediapart : « Cette enquête planétaire enfonce encore le clou sur les pratiques déjà largement documentées de cette machine à frauder le fisc qu’était HSBC Private Bank, la filiale genevoise de ce géant de la finance basé à Londres (lire par exemple nos enquêtes ici et ici). Mais bien plus, elle permet une plongée inédite dans des contrées inexplorées, en révélant comment la banque genevoise accueillait l’argent de narcotrafiquants, de présumés financiers du terrorisme, de trafiquants de diamants, de grands délinquants économiques, et de proches de potentats. Au mépris total des pseudo-procédures de contrôle interne (compliance) et de l’arsenal anti-blanchiment mis en place en Suisse depuis la fin des années 1990. »
HSBC : une proximité avec le crime organisé…
Un bref rappel historique : HSBC, qui signifie « Hong Kong and Shanghai Banking Corporation », fut fondée par l’empire britannique à Hong Kong en 1865 afin de gérer le trafic d’opium imposé par les britanniques à la Chine…Aujourd’hui basé à Londres, le géant de la finance est considéré par beaucoup comme la banque la plus criminelle au monde, ou tout du moins la plus proche du crime organisé international.
Parmi les clients de HSBC impliqués dans le SwissLeaks : Arturo del Tiempo, trafiquant de drogue, Carlos Hank Rhon, milliardaire mexicain et baron de la drogue – Entre 2007 et 2008, la filiale mexicaine de HSBC avait transféré 7 milliards de dollars vers les États-Unis, des fonds appartenant en partie à des narcotrafiquants mexicains – Emmanuel Shallop, trafiquant de diamants, Erez Daleyot, trafiquant de « diamants du sang » israélo-belge, visé par une enquête belge pour blanchiment d’argent et évasion fiscale…la liste est encore très longue : « L’examen des listes HSBC a permis d’identifier quelque 2 000 professionnels du diamant qui ont des partenaires ou une réputation troubles ou sont sous enquête. » explique Mediapart.
Caricature signée Wingz. A suivre sur http://www.wingz.fr/
D’après le Matin Dimanche : « En 2009, peu après avoir obtenu les données d’Hervé Falciani, les autorités françaises ont cherché à savoir combien il y avait de comptes liés à des criminels présumés chez HSBC Private Bank à Genève. Rien que sur les 2 956 noms de Français dans les fichiers, 120 correspondances avaient été trouvées avec les différentes bases de données de la police nationale et d’Europol »
Sans oublier les financiers du terrorisme : on trouve dans le fichier de riches Saoudiens soupçonnés d’avoir financé Al-Qaeda. Sans oublier non plus les PEP – « personnes politiquement exposées » – largement représentées dans les comptes de HSBC Genève : Le roi du Maroc, Li Xiaolin, la fille de l’ancien premier ministre chinois Li Peng, Rachid Mohamed Rachid, ancien ministre égyptien du commerce et de l’industrie condamné en juin 2011 pour abus de biens sociaux, Ramy Makhlouf, le cousin du président syrien Bashar al-Assad ou encore Belhassen Trabelsi, le frère de Leïla Ben Ali, l’épouse du dictateur…
Bref, vous l’aurez compris, tout ce que le monde compte de millionnaires, de milliardaires, de trafiquants et de criminels en tous genres est accueilli à bras ouverts chez HSBC, dans le plus grand secret et la plus grande opacité, sur fond de trusts et de sociétés écrans. Des gens qui font partie des 1% les plus riches de notre planète et participent à creuser les dettes de leurs pays respectifs. Au final, ce sont les collectivités, les services publics et 99% des citoyens qui sont victimes de ces pratiques et supportent le poids de la dette. Mais le problème est général et ne se limite pas au cas HSBC et encore moins aux quelques stars du show-biz concernées. C’est bien la mondialisation financière qui est au centre du problème : ses outils frauduleux, ses banques, ses structures dirigeantes, sa corruption, son lobbying, sa spéculation et sa délinquance.
Affaire à suivre.
Sources : L’Obs / Swissleaks.net / Mediapart / Blog Mediapart