Découvrez l’histoire de la jeune orque Morgan capturée et envoyée dans un bassin pour une vie de captivité, à travers une courte vidéo percutante … Retour sur son histoire.
« Secourir une orque ne donne pas le droit de l’enfermer dans un cirque pour le reste de sa vie. En révélant ce que doit être le quotidien de Morgan à l’état sauvage puis en captivité, nous souhaitions retranscrire ses sentiments et son traumatisme à travers son point de vue. Dénoncer la captivité d’une orque à la première personne est un procédé unique en son genre, c’est peut-être ce qui fait de I AM MORGAN un film poignant auquel les gens peuvent s’identifier. » expriment les producteurs.
La Vidéo (visible sur la chaîne du Dr Ingrid Visser, spécialiste des orques.
Des eaux sauvages au bassin de béton, de la quiétude au bruit incessant
Tout comme Lolita, Morgane est une orque femelle ayant été capturée dans son milieu naturel afin d’être exportée dans un bassin clos de delphinarium. À la différence près que Morgan est bien plus jeune que Lolita (on estime son âge à environ 3-4 ans au moment de sa capture) et qu’elle a été prélevée il y a beaucoup moins longtemps, puisque son transfert vers le delphinarium Harderwijk (Pays-Bas) a eu lieu au printemps 2010, soit il y a 5 ans et demi de ça. Il est donc encore totalement possible de rendre sa liberté à Morgan, ce qui motive les activistes à s’attarder sur son cas. Cette toute jeune orque dont l’espérance de vie peut atteindre plus de 100 ans en milieu naturel (la moyenne d’âge étant d’environ 50 – 60 ans) devrait vivre trois fois moins longtemps en captivité.
Le 23 juin 2010, Morgan a été observée pour la première fois dans les eaux néerlandaises, le long des côtes de la mer des Wadden, au nord-ouest des Pays-Bas. Selon le delphinarium de Harderwijk, l’orque était mal en point et très amaigrie quand elle a été trouvée, et sa mise en captivité devait être une remise en forme et un bon moyen pour lui donner les soins adéquats. Sauf que le delphinarium n’a jamais rendu Morgan à la mer, transformant l’animal en bête de foire depuis plus de 5 ans. Les agents vétérinaires du delphinarium se sont donc chargés de l’extraire de son milieu et de l’envoyer dans sa nouvelle maison : une minuscule piscine aux faibles profondeurs inappropriée aux besoins physiologiques d’un tel mammifère.
L’orque Morgan au delphinarium de Harderwijk / Capture d’écran
L’orque Morgan au delphinarium de Harderwijk / Capture d’écran
Après 1 an et demi passé au delphinarium de Harderwijk, une décision venant du ministre de l’environnement, M. Henk Bleker, mais aussi de la CITES, envoya la jeune Morgan au delphinarium Loro Parque à Tenerife dans les îles Canaries. Cette dernière quitte donc sa minuscule piscine pour un autre bassin, tout en devant partager cet espace restreint avec d’autres orques. Rappelons que les « familles » recréées en bassin posent de nombreux problèmes de violence, de stress, mais aussi de consanguinité. Des individus n’appartenant pas à la même sous-espèce d’orques (en fonction des zones géographiques) sont parfois mélangés, ce qui crée des tensions parfois meurtrières. De nombreuses naissances consanguines ont aussi eu lieu en bassin et Morgan apparaît comme une excellente candidate pour l’insémination artificielle afin de créer de nouvelles « familles » factices, et par la-même, un nouveau patrimoine génétique.
Des procès et un plan de réhabilitation
Depuis 2010, le cas de Morgan n’a cessé d’interpeller un nombre de militants. L’affaire a même été menée devant les tribunaux à trois reprises. De nombreuses personnes se mobilisent et une fondation du nom de Free Morgan (Morgan libre) est même née. La Fondation se bat pour faire connaître le sort de cette orque au plus grand nombre, mais travaille également à faire connaître un plan de réhabilitation valide qui existe pour sa libération. La Free Morgan Fondation est constituée de nombreux scientifiques et spécialistes de ces questions.
Parmi les nombreux arguments s’opposant à la captivité de Morgan, on citera :
• Le manque d’espace;
• La très grande intelligence de ces mammifères sociaux;
• Leurs besoins physiologiques de nager sur de nombreux kilomètres chaque jour;
• Leur besoin de plonger en grandes profondeurs;
• La nécessité d’être avec leur pod originel (groupe);
• Leur besoin de richesse environnementale;
• Leur besoin indispensable de chasser et d’utiliser leur sonar.
On retiendra aussi le fait que Morgan est dans une situation particulière que les observateurs jugent scandaleuse et intolérable. En effet, cette dernière serait souvent attaquée par les autres orques avec lesquels elle partage son bassin. Un bassin dans lequel évolue également l’orque mâle Keto, connu pour avoir tué son dresseur Alexis Martinez quelques mois avant l’incident où Tilikum emporta Dawn Brancheau (voir le documentaire BLACKFISH – L’orque tueuse). D’après les observations du Dr. Ingrid Visser, l’une des plus grandes spécialistes des orques au monde, Morgan subirait des violences à répétition de la part des autres femelles également. La spécialiste, connue pour ses nombreuses plongées avec les épaulards, s’est rendue à Loro Parque et a documenté la condition de Morgan à travers une série de photographies pour le moins bouleversante. On y voit la jeune orque malmenée et agressée par ses congénères que la captivité semblent rendre fous (les orques vivent en grands groupes soudés dans la nature, et l’immensité de l’océan leur permet de s’isoler en cas de tensions, ce qui est impossible en bassins cloisonnés).
Enquête photographique menée par Ingrid Visser
1. Morgan (la tête hors de l’eau) poussée et « éperonnée » par deux femelles Skyla and Kohana (à noter la quantité d’eau déplacée)
2. Durant une session d’entraînement, on peut observer Morgane s’expulser hors de l’eau afin d’éviter la morsure d’une des deux orques femelles (Skyla and Kohana). Cette photo fait partie d’une séquence entière d’autres photographies où l’on peut observer la bouche ouverte et les dents d’une des deux orques s’attaquant à Morgan.
3. Ci-dessous, la marque sur le corps de Morgan, 5H, 39 minutes et 37 secondes après l’attaque.
4. Toujours par le biais des observations du Dr. Visseur, on apprend que Morgan souffrirait aussi de troubles stéréotypiques et se blesserait volontairement. Les comportements stéréotypés sont un ensemble de gestes et mouvements répétitifs qui indiquent un comportement compulsif (wikipedia.org). Ils sont fréquemment observés chez les animaux captifs, que ce soit dans les parcs zoologiques ou dans les cirques.
Ci-dessous une blessure sur le rostre de Morgan que cette dernière s’est infligée en se tapant répétitivement la tête contre les parois de son bassin.
5. Ci-dessous, encore une photographie illustrant Morgan dans un mouvement stéréotypé. Le résultat d’un manque de richesse environnementale selon le Dr Ingrid Visser.
Toutes les photographies ont été prises au parc zoologique aquatique Loro Parque et appartiennent à la chercheuse Ingrid Visseur. Les commentaires sont une brève traduction des propos de cette dernière. SOURCE (Photo © Dr Ingrid N. Visser)
La chercheuse intervient également dans le documentaire Au plus près des orques, où on peut l’observer étudier les épaulards de Nouvelle Zélande et établir les résultats de toxicité des mers et océans par les métaux lourds, les PCB ou encore les DDT, des produits chimiques polluants qui menaceraient la survie des orques à long terme et à plus grande échelle de tous les mammifères marins et poissons. Malgré cette situation, leur espérance de vie en pleine mer reste largement supérieure (de deux à trois fois).
La possible réhabilitation de Morgan
Un plan concret de réhabilitation existe pour Morgan et cela même si tous les procès pour sa libération ont été perdus jusqu’à présent. Il s’agirait donc de la transférer en baie protégée dans les eaux où elle fut capturée (un cétacé doit impérativement retourner dans la même sphère géographique que là où il a été prélevé), de lui réapprendre les us et coutumes de la vie sauvage (dont principalement la chasse), de créer petit à petit une dissociation entre l’Homme et la nourriture, et de lui donner un nombre limité d’ordres afin de réapprendre à Morgan le sens de l’initiative pour sa survie. Le plan de réhabilitation s’effectuerait « step by step » (pas à pas). Un tel plan semble tout à fait envisageable d’autant qu’il est établi par des spécialistes et que Morgan appartiendrait apparemment à un Pod connu, le Pod P. Il serait hypothétiquement possible de la remettre en mer près des siens.
Keiko, l’orque vedette de Sauvez Willy a connu un plan de réhabilitation similaire après des années de bons et loyaux services pour l’industrie du spectacle. Les effets ont tout de suite été étonnants : au bout d’un certain temps, ce dernier (connu pour son bon caractère) a guéri de sa maladie de peau qui lui causait de terribles plaies sur le corps. Keiko a vécu en liberté pendant un temps avant de décéder d’une pneumonie, les retrouvailles d’avec les magnifiques mais glacials fjords lui auront certainement été fatales. On ignore encore toutes les causes de sa perte (les longues années de captivité auraient également nuit à ses poumons). La réhabilitation reste donc une expérimentation au cas par cas, l’idéal serait qu’il n’y ait plus du tout de capture, ni d’insémination artificielle. Les captures d’orques sont interdites dans de nombreux pays mais continuent de se pratiquer.
Keiko, connu pour son bon caractère et sa complicité avec l’Homme (credit photo : orcapod.wikia.com)
Keiko en liberté (credit photo : Terry Hardie)
Le documentaire sur l’histoire et la réhabilitation de Keiko
https://www.youtube.com/watch?v=YYyU3USJ-8E
Pour Morgan, la réhabilitation reste possible, mais qui voudrait rendre sa liberté à une manne financière aussi considérable que cette jeune orque ? Les activistes opposés à la captivité des cétacés bien évidemment, mais du côté de la direction des delphinariums, l’option n’est pas au gout du jour. Les parcs marins aquatiques se sont érigés en véritable industrie depuis la création de Seaworld dans les années 70, et se sont étendus dans le monde entier ces dernières décennies. Une prise de conscience a clairement vu le jour depuis quelques années et les delphinariums ainsi que la captivité des cétacés sont à ce jour vivement critiqués par la population. Cependant le chemin semble encore extrêmement long avant que les dauphins et les orques puissent bénéficier d’une meilleure vie loin du brouhaha clownesque de la société de consommation.
Sources : freedolphinsbelgium.wordpress.com : 1 – 2 / www.dauphinlibre.be : 1 – 2 / blog-les-dauphins.com / www.freemorgan.org / Free Morgan Foundation (Facebook)
Plan de réhabilitation complet (anglais) : LIEN
Vidéo I AM MORGAN – Écrit et dirigé par Heiko Grimm Carlos Godó Borrás Irene Buesa García.