Ce mercredi 7 décembre, l’association ActionAid France publie une enquête édifiante sur les conditions de travail des employées des grandes usines chinoises de jouets dont le fruit du labeur couvre les magasins du monde entier.  Sous-traitées par des multinationales bien connues par chez nous, ces structures sont le lieu d’une exploitation et de discriminations sans nom. Dans quelles conditions les jouets qui se retrouvent sous les sapins occidentaux sont-ils produits à l’autre bout du monde ? ActionAid lève une nouvelle fois le voile, et demande à ces grandes marques de faire respecter les droits fondamentaux de ces travailleuses.

Quatre usines chinoises infiltrées

En relation avec le Labor Watch China, l’association ActionAid France révèle cette semaine une enquête qui expose les conditions déplorables dans lesquelles les ouvrières chinoises travaillent dans quatre usines spécialisées dans la confection de jouets. Très présentes dans ce secteur particulier, les ouvrières y subissent des discriminations quotidiennes, l’obligation de travailler des heures anormalement longues, mais aussi du harcèlement et une négligence absolue de leurs droits élémentaires qui porte atteinte à leur santé et à leur vie familiale.

Afin de réaliser cette enquête, l’Association a infiltré sous couverture quatre usines chinoises : FNMD, une usine située à Foshan, qui emploie 3 000 personnes et travaille en outre pour Fisher-Price; Chang’an Mattel Toy Erchang à Dongguan qui emploie près de 6 000 travailleuses ; Combine Will, située à Dongguan et forte de 1 700 ouvriers ; et le quartier général de Weilifeng à Hong Kong, ainsi que sa plateforme de production à Shenzhen. Cette dernière emploie près de 6 000 personnes et produit des jouets bien connus des petits occidentaux. Selon le rapport, Hello Kitty, les Princesses Disney, les Hot Wheels ou encore les « traditionnelles » Barbie sont produits là-bas.

photo-p7Travailleuses de l’usine Shenzhen Weilifeng Plastic Products Co., Ltd.

Un secteur inégalitaire, lieu de dérives et de discriminations

L’enquête révèle ainsi que la sur-représentation des femmes dans le secteur incombe en partie à des assomptions directement liées au genre. Les femmes seraient en effet préférées aux hommes dans ces usines aux conditions très dures pour la simple et bonne raison qu’elles sont jugées moins à même d’entrer en conflit avec le management, donc bien plus corvéables. Il s’agit là d’une première discrimination à l’embauche, qui s’inscrit dans l’idée selon laquelle les femmes constituent une main d’œuvre docile, donc plus à même de subir des conditions de travail insupportables sans se révolter. Cette exploitation se fait de façon froide et consciente, en s’appuyant sur une situation de très grande précarité rencontrée par ces travailleuses pauvres qui œuvrent pour subvenir aux besoins de leur famille.

Mais la discrimination ne se fait pas seulement à l’embauche. Dans ces labyrinthes bruyants où les chaînes de production s’étendent à l’infini dans d’immenses hangars, si les hommes sont peu présents parmi les postes ouvriers, ils sont majoritaires pour ce qui est des postes stratégiques et de décisions. Cette asymétrie est directement à l’origine d’une incompréhension et d’un non-respect de la vie de ces femmes exploitées de façon honteuse. Ainsi, les femmes enceintes, par exemple, ne sont même pas considérées à l’embauche. Les congés maternité sont rarement payés, et le droit du travail lié à la maternité et à la condition féminine est bafoué. Les femmes qui ont leurs règles ne bénéficient pas de la protection censée leur être accordée dans le cas d’un travail physique intense, et au sein de l’usine, il n’est pas rare pour les travailleuses de dépasser les 72 heures par semaine en saison haute (à l’approche des fêtes de fin d’année, donc).

En plus d’un non-respect total de leurs conditions de travail et de santé, l’enquête soulève également la forte probabilité de harcèlement, parfois sexuel, au sein des usines. Soulignant la réticence des ouvrières à se prononcer explicitement sur le comportement de leurs supérieurs toujours masculins, l’observation de ceux-ci par les enquêteurs révèle l’occurrence de remarques et de comportements déplacés vis-à-vis d’elles.

photos-p-5Dortoirs de l’usine Foshan Nanhai Mattel Diecast Company.

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Un appel à réagir

Mattel, Disney, Hasbro, Fisher-Price et d’autres grands noms du jouet participent directement à la pérennité des comportements dangereux sus-cités et à l’exploitation de ces femmes. Le code du travail chinois n’y est pas respecté, la concurrence et la productivité y sont exacerbées. Les salaires des travailleuses se situent en dessous du minimum local, et les représentants syndicaux sont directement désignés par l’équipe dirigeante. Afin de mettre fin à l’impunité totale qui règne dans les usines chinoises, les deux associations appellent les multinationales concernées à réagir, ainsi que les consommateurs. Une action de rue sera réalisée à Paris pour l’occasion, ce mercredi 7 décembre au Métro Richelieu-Drouot, mettant en scène une comédienne aux côtés d’une Barbie géante, ouvrière et enceinte.

Attirées par la perspective du gain et la maximisation des profits, ces entreprises ont délocalisé leur production en Chine afin de bénéficier d’une main d’œuvre bon marché. Aujourd’hui, et plus que jamais à l’approche de Noël, il est temps d’interpeller ces entreprises afin que les jouets de nos enfants ne portent pas en eux le sang d’une exploitation inhumaine pourtant généralisée.

  photo-p2Des travailleuses de l’usine Foshan Nanhai Mattel Diecast Company.


Sources : Peuples-solidaires.org

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