La crise sanitaire et sa gestion laborieuse par les autorités entraînent une dégradation considérable du bien-être mental de la population, dont nous commençons tout juste à réaliser l’ampleur. Lutter contre la solitude et l’isolement se révèle aujourd’hui primordial, en période de pandémie comme en temps normal. C’est la mission que s’est donnée le restaurant solidaire KOM à la maison, à Bruxelles. Les plats cuisinés à partir d’invendus d’un magasin bio et de légumes cultivés aux portes de la ville sont vendus à prix libre, pour pouvoir offrir à chacun une alimentation de qualité. Mais les repas servent surtout de prétexte aux rencontres, et le restaurant veut devenir une véritable plateforme de solidarité et d’entraide. Découverte inspirante.

Si les sociétés occidentales modernes se sont construites autour de la figure structurante de l’individu, on assiste depuis peu à une volonté de retour vers la communauté. Face aux dérives de l’individualisme, le lien social est redevenu une valeur importante pour nos sociétés, ou du moins pour une partie d’entre elles. Mais la pandémie de la covid-19 et sa gestion par les autorités entravent aujourd’hui cette aspiration à la socialisation. La distanciation sociale, un terme dont la portée symbolique est particulièrement lourde, est devenue la norme, et la longue période d’isolement que vivent les citoyens a de nombreux effets délétères sur leur santé mentale.

Les contacts sociaux limités entraînent des conséquences psychologiques considérables : repli sur soi, dépression, ennui, anxiété généralisée, rumination… Des difficultés auxquelles viennent s’ajouter les privations de libertés qui se multiplient. Une enquête de Santé Publique France note ainsi que la prévalence des états dépressifs a doublé entre fin septembre et début novembre 2020, et qu’un niveau élevé d’états anxieux et de problèmes de sommeil subsiste aujourd’hui parmi la population française. Le bien-être mental se dégrade donc de plus en plus, et la crise sanitaire pourrait également devenir une catastrophe psychologique.

Le partage et l’entraide au centre du projet

Cette crise nous rappelle ainsi l’importance de lutter contre la solitude et l’isolement, des fléaux que nombreux d’entre nous vivent même en dehors de cette période de pandémie. À Bruxelles, une dizaine de citoyens l’ont bien compris et ont décidé d’agir. C’est ainsi qu’ils ont créé l’association KOM à la maison (en néerlandais, « kom » se traduit par « viens »), un restaurant participatif et solidaire de quartier. Les personnes vivant et travaillant dans le quartier peuvent venir y cuisiner, manger, boire un café ou tout simplement prendre des nouvelles les uns des autres. Pour valoriser les compétences et savoir-faire de chacun, mais aussi le partage et l’entraide, la dimension participative est centrale à chaque étape. S’ils n’ont pas cuisiné, les convives pourront débarrasser, faire la vaisselle ou passer un coup d’éponge sur les tables, comme ils le feraient chez eux.

La crise sanitaire ne permettant pas à l’heure actuelle d’accueillir des clients, les plats cuisinés par et pour les voisins sont disponibles à la vente à emporter depuis début novembre. « Nous espérons une réouverture prochaine des restaurants afin de pouvoir enfin ouvrir nos portes comme nous le rêvons depuis si longtemps, et créer du lien, de la mixité et de l’intergénérationnel au travers de la cuisine et du faire ensemble » explique Christina Lescot, bénévole de l’association. Pour pouvoir réellement lancer leur activité, finaliser les travaux et financer divers investissements, l’association a besoin de renflouer les caisses. C’est pour cette raison qu’elle a lancé une campagne de financement participatif, qui a déjà réuni plus de 13 000 euros, la somme visée à l’origine. Avec 4000 à 6000 euros supplémentaires, l’association souhaite investir dans un four professionnel.

Des plats à faible empreinte écologique

En plus de la solitude, KOM à la maison souhaite prendre en considération un autre enjeu majeur mis en évidence par la pandémie : l’importance d’une alimentation locale et durable. La lutte contre le gaspillage, les circuits-courts et la réduction des déchets sont donc au cœur du modèle. Les plats proposés par le restaurant solidaire sont préparés à partir d’invendus récupérés dans un magasin bio du quartier et de légumes cultivés aux portes de Bruxelles. L’équipe s’emploie également à acheter des produits en vrac, à composter les déchets végétaux et même à fabriquer ses propres serviettes en tissu et tabliers. La part de protéines animales dans les menus est en outre réduite, avec des recettes souvent végétariennes : dhal de lentilles corail, gratin de courges, un crumble de tomates cerises confites ou encore burger de brocolis. Bref, des plats savoureux qui mettent à l’honneur les produits locaux et de saison.

Des plats savoureux et écolos cuisinés par les habitants du quartier.

À terme, l’objectif est de pouvoir rémunérer un employé pour que le lieu actuellement animé par une équipe de bénévoles soit ouvert 6 midis par semaine et accessible à tous. Tout est mis en œuvre pour que le menu, composé d’une entrée, d’un plat et d’un dessert, soit le plus abordable possible. Si la carte du jour affiche un prix suggéré, le prix est libre et chacun peut payer selon ses moyens. Cette démarche permet d’accueillir un public très diversifié : personnes travaillant dans le quartier, parent au foyer, étudiants, pensionnés isolés, migrants, personnes handicapées, chercheurs d’emploi, commerçants du quartier… Après l’ouverture, le restaurant sera aussi un lieu de partage pour les gestes quotidiens qui permettent de réduire son empreinte écologique : compost, fabrication de produits ménagers maison, conserves, etc.

En recréant du lien social en cette période ou son absence se fait ressentir parfois cruellement, KOM à la maison contribue donc à lutter contre l’isolement et la solitude. Cette initiative, que l’on peut soutenir via ce lien, montre une nouvelle fois que l’alimentation peut être le moteur de projets durables, qui participent à rendre la société plus solidaire et plus respectueuse de l’environnement.

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