Le salon de l’agriculture 2015 vient de s’achever. Les visiteurs ont pu à cette occasion découvrir une agriculture française exemplaire, produisant des aliments sains, valorisant le monde paysan, et respectant les animaux. Oui, mais qu’en est-il réellement ?

Selon les déclarations des secrétaires généraux de le FNSEA, l’agriculture française dans son ensemble est garante de bien-être animal, qualité des produits et de protection de la terre. Les multinationales présentes au salon ont pu mettre en valeur des « frites de qualité » (Mc Donald), des petits bouts de viande mi-cuits (Charal) et « une agriculture prudente » (LU). Tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes, avec une agriculture française modèle « clean » sous tous rapports.

Loin des projecteurs, loin des foules, loin des panneaux publicitaires, analysons la situation de l’agriculture sur le territoire français sur base des faits.

L’industrialisation de l’agriculture

A l’occasion du salon de l’agriculture, la Confédération paysanne a publié une carte de France qui recense les exploitations (ou projets d’exploitation) à taille industrielle.

Selon l’association Confédération paysanne, cette carte n’est qu’une « partie immergée d’un énorme iceberg ». En Poitou Charente par exemple, les associations locales dénoncent les conséquences néfastes de ces exploitations sur l’environnement et sur le monde paysan. En effet, en 10 ans, 28% des petits exploitants agricoles ont disparus. Près d’un tiers en une décennie à peine !

Au même titre qu’un centre commercial géant tue les petits commerçants, il en va de même dans le monde de l’agriculture. Les méthodes industrielles engendrent une pression insoutenable sur les rendements qui rend la compétition encore plus féroce. Comment une exploitation de taille humaine peut-elle survivre ?

Et l’animal dans tout ça ?

Cochons, canards, poules qui gambadent librement dans des prairies fertiles et verdoyantes, ça fait rêver non ? C’est ce qu’on peut voir sur la plupart des panneaux publicitaires des grandes marques de préemballé. Malheureusement, ces paysages de carte postale sont très rares de nos jours.

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Selon l’association de protection animale L214, les élevages industriels ne font preuve d’aucune transparence, leurs portes sont fermées aux journalistes et aux associations de protection animale. Et ce n’est pas sans cause.

En France, 70% des poules pondeuses et 99% des lapins sont élevés en batterie. 95% des cochons sont élevés sur caillebotis en bâtiments. Autant le dire, les méthodes industrielles dominent. Peu de chance d’y échapper. Plus d’1 milliard d’animaux sont tués à l’abattoir chaque année.

La face cachée du salon de l'agriculture

Il convient également de dénoncer l’inertie et le « laissez-faire » des autorités : seuls 0,68% des élevages de veaux, cochons et poules sont contrôlés chaque année, et la France a déjà fait office de poursuites par la Commission Européenne pour non-respect des directives de protection animale. Peut-on dès-lors parler de modèle de qualité ?

« Qualité des produits » et « protection de la terre » ?

La France est le 1er consommateur de pesticides parmi les 28 pays européens. Il est de coutume de critiquer américains, mais nos pratiques ne sont pas éloignées des leurs. Les secteurs les plus traités sont tristement les vignes et l’arboriculture. En effet, ces cultures représentent 5% de la surface agricole nationale, mais consomment 20% des produits phytosanitaires. Triste bilan pour le pays à la tradition vinicole.

Face à ce constat, le plan Ecophyto a été lancé par le gouvernement afin de réduire l’utilisation des pesticides. Mais ce plan est un échec : au contraire, l’utilisation de pesticides a augmenté, avec une hausse spectaculaire de 9,2% dans le secteur agricole en 2013. Selon l’association Génération Futures, « l’augmentation continue de la dépendance de notre agriculture aux pesticides montre que la profession agricole dans sa globalité ne joue pas le jeu. »

La face cadu salon de l'agriculture

Heureusement, il y a une part non négligeable d’agriculteurs traditionnels, respectueux de la terre, des animaux et du consommateur. Ils doivent généralement se battre pour maintenir la tête hors de l’eau. De plus, certains agriculteurs qui ne supportent plus d’être perçus comme des pollueurs changent leurs pratiques. Ainsi, la France arrive au top 3 européen en matière de surfaces agricoles biologiques. Mais ceci représente à peine 5% du marché.

L’agriculture saine progresse lentement, mais l’industrie a les moyens de conserver son monopole. Le système agricole français conventionnel, soutenu par la FNSEA, promeut l’industrialisation des exploitations au détriment des petits paysans, l’exploitation animale, l’utilisation massive de pesticides dans un but de rentabilité, de productivité et de compétitivité.

Dans ce contexte, le salon de l’agriculture apparait plutôt comme une vitrine économico-politique, un outil de désinformation du public et un lieu pour s’échanger des cartes de visite.

« Taper sur l’agriculture est un privilège pour les petites cervelles » répond la FNSEA aux critiques. Privilège ? Peut-être ! Un droit ? Certainement. Ces petites cervelles ont au moins le mérite de ne pas se fier aux apparences. De part leurs modes de consommation et leurs protestations, ce sont ces petites cervelles qui changeront un jour le système productiviste pour redonner à l’agriculture française ses lettres de noblesse…


Sources : FNSEA / France 3 régions / Le Parisien / L214 / L’OBS

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