Alors que Wikileaks vient tout de juste de révéler, à nouveau, des preuves compromettantes de l’espionnage des dirigeants européens par les États-Unis, la France vient de refuser la demande d’asile de Julian Assange. Une demande qui a résonné comme un appel de détresse vibrant dans une lettre adressée au peuple de France et à ses représentants.

Ce vendredi 3 juillet, l’Élysée a communiqué que la présidence de la République refusait la demande d’asile réclamée par Julian Assange, le cofondateur de WikiLeaks, dans une lettre à cœur ouvert dévoilée quelques jours avant par le journal Le Monde. Le fameux crieur d’alerte, dont la « vie est en danger », aura pourtant mené la France, et bien d’autres pays, à découvrir le large réseau d’espionnage réalisé par les États-Unis. La décision froide et radicale n’étonne personne, Manuel Valls ayant signifié à plusieurs reprises que le gouvernement actuel ne viendrait pas à l’aide de M. Assange.

Indignation générale

Les associations des Droits de l’Homme et la communauté engagée d’internet s’indignent d’une telle décision. « À défaut d’engager des poursuites contre les auteurs de ces faits (d’espionnages), à défaut de prendre elle-même les mesures nécessaires pour ne pas être responsable des mêmes atteintes à la démocratie, la France se serait grandie en accueillant sur son sol ces lanceurs d’alerte. » exprime la Ligue des Droits de l’Homme dans un communiqué.

Et pour cause, au même titre que Edward Snowden, Julian Assange et ses équipes vont prendre d’énormes risques ces dernières années pour informer la planète entière des secrets embarrassants de nos gouvernements. L’espionnage organisé livré par les États-Unis prend désormais une dimension planétaire et les pays qui en sont victimes ont une responsabilité morale évidente envers ceux qui risquent leur vie pour faire éclater ces vérités. Mais la France persiste dans son refus de venir en aide à M. Assange. Une décision dans la suite logique de la politique des pouvoirs Français en matière de crieurs d’alertes. En 2013, Edward Snowden, qui avait révélé l’étendue du programme de surveillance massive de la NSA, subissait le même sort de la part de la France, pays des Droits de l’Homme, dit-on.

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À ce sujet, Julian Assange rappelle que le pays est profondément divisé et que le refus de l’aide ne fait pas l’unanimité. « J’ai été particulièrement touché par l’appel inattendu du gouvernement français, par la voie de la ministre de la justice et garde des sceaux Christiane Taubira, et relayé par des dizaines d’autres personnalités, à ce que la France me donne l’asile. Gardienne d’une constitution qui oblige la France à accueillir les combattants pour la liberté menacés de leur vie (…). » Pour cause, le 26 avril dernier, Christiane Taubira déclarait que l’accueil d’Assange en France serait un geste symbolique positif au regard d’une volonté affichée de protéger les lanceurs d’alertes. À quand les actes après les paroles ?

« Pour le simple fait d’avoir publié des informations d’intérêt public que des sources anonymes avaient transmises à WikiLeaks, je suis personnellement poursuivi pour espionnage, conspiration visant à espionner, vol ou compromission de propriété du gouvernement états-unien, violation de la loi sur la fraude informatique, et conspiration générale, risquant pour cela l’emprisonnement à vie ou pire. » explique-t-il ensuite dans sa lettre. La France justifie son refus par le mandat d’arrêt européen visant Julian Assange émis par la justice suédoise qui souhaite l’entendre, en tant que témoin, sur une affaire de viol et d’agression sexuelle. Assange n’a pourtant pas été mis en examen dans cette affaire.

De l’émergence inévitable d’un contre-pouvoir

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Dans sa lettre à la France, Julian Assange rappelle que WikiLeaks, dont il est le fondateur, a remporté des dizaines de prix internationaux dont celui d’Amnesty international, cinq nominations successives au prix Nobel de la paix et cinq nominations au prix Mandela des Nations unies. S’il est autorisé de critiquer ses méthodes (notamment le dévoilement de noms d’espions mettant en péril leur famille), WikiLeaks a permis de dévoiler nombre de scandales de corruption, violations des droits fondamentaux, crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

Aujourd’hui, Julian Assange vit toujours reclus à l’ambassade d’Équateur à Londres. Pratiquement emprisonné, il survit depuis plus de 3 ans dans un espace de 5 m2, sans accès à l’air libre, ni au soleil. Il lui est impossible de se rendre à l’hôpital ni même de sortir pour réaliser de l’exercice. Le crieur d’alerte n’a jamais été autorisé à voir ses enfants et ses proches. Aujourd’hui, c’est autant sa santé mentale que physique qui est menacée dans l’indifférence notable des pouvoirs Français. Le message est donc clair : voilà ce qu’il en coute d’utiliser internet pour dévoiler des vérités. Car Julian Assange et son WikiLeaks symbolisent une nouvelle ère de l’information et l’émergence d’un contre-pouvoir informatif puissant, capable d’ébranler de grandes puissances par la simple force de l’information libre et citoyenne. De quoi nous encourager plus que jamais à soutenir les crieurs d’alertes et médias indépendants qui grossissent à vue d’œil et ne survivront qu’avec l’aide d’une masse de citoyens engagés, informés et conscientisés.

Julian Assange

L’homme conclut par ceci : « Seule la France se trouve aujourd’hui en mesure de m’offrir la protection nécessaire contre, et exclusivement contre, les persécutions politiques dont je fais aujourd’hui l’objet. En tant qu’État membre de l’Union européenne, en tant que pays engagé par toute son histoire dans la lutte pour les valeurs que j’ai faites miennes, en tant que cinquième puissance mondiale, en tant que pays qui a marqué ma vie et qui en accueille une partie, la France peut, si elle le souhaite, agir. » Des mots qui n’auront malheureusement pas suffi à convaincre l’Élysée.

Notons enfin que plusieurs personnalités viennent de lancer une pétition réclamant le droit d’asile à Julian Assange et Edward Snowden en France. On trouve parmi les signataires : Jacques Audiard, Jean-Michel Jarre, Edwy Plenel, Eva Joly, Thomas Piketty, Eric Cantona, Romain Gavras, Vincent Cassel, Matthieu Kassovitz, Ludivine Sagnier et bien d’autres.

Courage Julian !


Source : metronews.fr / nextinpact.com / france24.com / La lettre complète : lemonde.fr / La pétition

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