Dans une série de photographies intitulée It’s Hardly Noticeable – C’est difficilement perceptible – John William Keedy livre une vision poignante et percutante de ses propres troubles psychiques liés à l’anxiété. À travers son objectif le photographe interroge : ce qu’il a pu vivre et traverser relève t-il vraiment de l’anormal, ou d’une autre réalité ? 14 images pour en finir avec les jugements et comprendre ce trouble mental.
L’œuvre photographique de John William Keedy, originaire de San Fransisco, questionne l’identité de chacun ainsi que le concept de normalité. Son père l’introduit à la photographie dès son plus jeune âge, réveillant son intérêt pour la « fabrication d’images ». Cette passion, il la développe en grandissant, s’améliorant aussi bien d’un point de vu technique que conceptuel. Aujourd’hui, outre ses activités artistiques, il enseigne la photographie ainsi que les « Nouveaux médias » dans un collège. Mais voilà, John William Keedy voit le monde différemment…
Représenter le sentiment d’anxiété
Depuis plusieurs années, John William Keedy fait l’objet de troubles psychiques qui se traduisent par des phases d’anxiété intense, un sentiment qu’il a voulu représenter grâce à son talent : la photographie. Par le biais de tableaux construits et de métaphores, sa série questionne le rapport entre réalité et perception tout en mettant en lumière les effets de la pathologie dont souffre le photographe. Ce travail est le fruit d’une courageuse réflexion sur lui-même : ses troubles psychologiques l’ont parfois empêché de se sentir dans le moule. Ses clichés mettent en scène différentes situations d’angoisse telles que l’attente, l’enfermement ou encore le temps qui passe. Entre absurdité et sentiments bien réels, le photographe touche du bout du doigt ce que nous pouvons avoir du mal à exprimer ou même comprendre.
De manière touchante, chaque photo explore différents types d’anxiété. Pour John, il s’agit de représenter des situations vécues. Il explique : « Dans les moments les plus difficiles [de ma maladie], j’avais du mal avec la foule et les gros groupes de personnes, et pour cette raison je me rendais dans les épiceries tard le soir ou tôt le matin, quand elles étaient presque vides ». Il ajoute : « À un certain stade, j’avais même du mal à interagir avec des étrangers, et même si maintenant je sais mieux m’y prendre, il y a eu une période où mon cercle d’amis était particulièrement restreint ».
L’anormalité au prisme des normes sociales
Pour le photographe, sa série permet de poser la question suivante : « Peut-on on vraiment soutenir l’idée qu’il existe une forme de normalité alors que seulement peu d’individus répondent à l’idée qu’on se fait de ce critère ? » Bien que ces photographies soient l’expression d’une expérience personnelle, difficile en effet de ne pas se reconnaître dans tout ou partie d’entre elles, tant elle représentent des émotions que nous avons déjà vécu à un moment ou un autre de notre vie à différents niveau d’intensité. Ainsi, chaque individu rencontre une perception du monde différent. L’admettre, c’est déjà s’ouvrir à des notions d’empathie fondamentales dans une société tolérante et ouverte à l’autre.
En réalité, cette œuvre engendre deux questions qui se complètent l’une et l’autre. La première nous concerne chacun en tant qu’individu : ne s’est-on pas déjà, chacun à notre manière, trouvé dans un état sentimental similaire à celui des clichés ? De cette première interrogation découle une seconde question : peut-on réellement définir ce qui appartient à la normalité et ce qui doit en être exclu ? La normalité en tant que construction sociale, estime pour sa part John William Keedy, est le résultat d’une fiction. Mais cette fiction n’en exclut pas moins ceux qui ne rentrent pas dans le moule et qui ne veulent (ou ne peuvent) pas s’y adapter. Dans cette perspective, admettre les différences de chacun, c’est également s’ouvrir aux différences ainsi qu’aux particularités qui font toute la spécificité et la richesse de la mixité des individus du genre humain.