Ce documentaire de Sebastian Koerner nous offre des images époustouflantes d’une meute de loups installée en Basse-Saxe, en Allemagne. Grâce à des caméras camouflées et beaucoup de patience, le reporter animalier a pu suivre au quotidien ces loups vivant au plus près des Hommes. Entre mythes, peurs ancrées et réalité, ces images exceptionnelles nous dévoilent certains aspects méconnus de cet animal d’une grande intelligence et plein de mystères.
Le quotidien d’une meute de loups sauvages qui vit à quelques kilomètres de l’Homme.
La meute suivie par Sebastian Koerner a installé son territoire dans la lande de Lunebourg, en Basse-Saxe, en Allemagne. De louveteaux à adultes, le documentariste va tenter de mieux comprendre le comportement de ces animaux, et surtout savoir s’ils représentent une réelle menace pour l’homme. Léo, le mâle alpha âgé de 6 ans, a fondé sa meute à 350 km de son lieu de naissance. Originaire de la Saxe, au Nord-Est de l’Allemagne, le jeune loup a parcouru des kilomètres pour s’établir sur son nouveau territoire, se moquant volontiers des limites imaginaires tracées par les humains. Cela faisait 200 ans qu’aucune reproduction naturelle de loups n’avait eu lieu dans le pays. Tout près des Hommes, à quelques kilomètres seulement des premières habitations, le retour du loup a créé bien des émois, mais aussi de grandes évolutions dans l’écosystème local.
On le sait aujourd’hui, le loup est un animal sociable et extrêmement intelligent. Les louveteaux sont particulièrement curieux du monde qui les entoure et jouent avec leurs aînés, souvent des frères et sœurs nés d’une portée antérieure. Le jeu est pour eux également une phase d’apprentissage et d’entraînement à la chasse. Dans cette meute sauvage hors-du-commun, les louveteaux sont nés à proximité de la civilisation humaine, sur un terrain d’entraînement militaire. Dès la naissance, les petits ont donc assisté au va et vient des véhicules de combat, des soldats, des voitures, s’y accoutumant parfaitement.
Cette proximité avec l’Homme, dès leur naissance, influencera-t-elle leur comportement vis-à-vis des habitants ?
D’après les images capturées auprès de la meute de Léo, nous constatons qu’il est possible que le loup se sociabilise avec l’Homme. En le côtoyant depuis la naissance, même de loin, il apprend à le reconnaître et à ne plus en avoir peur. Cependant, l’animal garde tout de même des distances respectables avec l’humain et ne s’approche que très rarement de lui. Selon Sebastian Koerner, il se peut que le loup ait ancré en lui, au fil du temps et de sa relation toujours conflictuelle avec l’homme en Occident, le danger que nous pouvons représenter pour lui et son espèce.
Pour cet animal extrêmement intelligent, c’est un combat intérieur perpétuel entre sa crainte innée et sa très grande curiosité qui le tiraille par rapport aux humains. D’après sa sociabilité et son sens aigu de la meute – de la “famille” – le loup noue des rapports avec ses congénères qui se rapprochent beaucoup de ceux que peuvent nouer les êtres-humains entre eux. En témoigne l’expérience unique d’un couple ayant vécu 6 ans avec des loups, changeant radicalement le regard que nous portons sur eux.
La situation actuelle du loup en Europe est source de polémique
Le loup avait disparu pendant plus de 200 ans en Europe du Nord et de l’Est. Pendant cette période, l’occident vivait sa révolution industrielle, défigurant les paysages avec son urbanisation galopante. Il y a 20 ans, le loup était réintroduit en Pologne, en tant qu’animal protégé par la Convention de Berne de 1979. Depuis, le loup a naturellement élargi son territoire (la nature n’ayant que faire des frontières imaginaires) et est revenu peu à peu sur les terres dont il avait été chassé par l’Homme. En tant qu’animal nomade, il peut parcourir jusqu’à 70 km en 24h, nous explique Sebastian Koerner. Le territoire d’une meute peut facilement ainsi s’étendre sur plus de 200km carrés, et elle ne s’établit jamais au même endroit au-delà d’une durée de 6 semaines.
En Basse-Saxe et dans d’autres pays européens comme l’Italie, la Yougoslavie, la Russie ou la péninsule ibérique, le loup a été davantage épargné de la peur des Hommes, et de l’extermination qui en a découlé. Depuis quelques 20 années où le loup est présent en Allemagne de l’Est, l’humain s’est également réhabitué à sa présence, acceptant sa présence. Plutôt qu’abatage systématique, exploitations privées et éleveurs vont faire le choix de protéger leurs terres par des systèmes d’éloignement adaptés. En 2010, la plus forte cause de mortalité du loup en Allemagne était la voiture, avec plus d’une centaine de décès d’animaux percutés par un véhicule, beaucoup plus que quelques cas de braconnage et l’abattage illégal isolés. Et, dans l’autre sens, strictement aucune attaque de loup n’a été recensée depuis 40 ans en Basse-Saxe d’après les autorités. Ainsi, le cas Allemand semble démontrer que humains et loup peuvent tout à fait faire bon ménage, s’ils le désirent…
Pourquoi cet animal est-il encore tant persécuté ailleurs, et particulièrement en France ?
Le loup est “abattable” en France selon plusieurs critères fixés par le ministère de l’environnement, et la récente présence de Nicolas Hulot au poste clé de Ministre de la Transition écologique n’y changera rien. On peut acter le fait que le plus grand facteur d’une telle décision de l’État est le mécontentement des éleveurs français. Marion Farger, membre de l’ASPAS (Association pour la Protection des Animaux Sauvages) et du collectif CAP Loup, s’est exprimé à ce propos lors d’un entretien donné sur l’accusation du loup pour les feux de forêt. Pour elle, il est certain que le loup n’est pas à l’origine des difficultés économiques des éleveurs.
« Économiquement, le loup n’est pas le seul problème du pastoralisme en France. Si on regarde les chiffres, le pastoralisme est en déclin partout en France, mais l’est moins dans les zones à loups. C’est dans ces zones là qu’il se porte le mieux sur le territoire français. Le loup ne représente même qu’1% de la mortalité dans les zones à loups, ça veut dire que pour un mouton qui meurt à cause du loup, il y en a 99 qui meurent d’autres choses. Donc ce n’est pas une perte économique substantielle. » Le problème du déclin du pastoralisme en France est donc davantage structurel.
“La crise du loup en France est un véritable problème social qui dépasse la question de la cause animale.”
D’après un article publié par l’association Loup.org, “La peur du loup commence par cette domination que l’Homme a voulu installer entre lui et les autres super-prédateurs.” En effet, le loup, chasseur expert et gardien de la biodiversité, a souvent été pris comme modèle par l’Homme (et l’est encore dans la culture populaire). Mais dès lors qu’il s’agit de chasser/produire sur le même territoire, l’humain s’est pris d’une haine viscérale envers le loup. Cette haine a donné naissance à mille et unes histoires fantasmagoriques qui vont entrainer cet incroyable animal jusqu’au bord de l’extinction, à coup de “Grand méchant loup” de “bête du Gévaudan” et autres contes dont nous avons tous entendu parler. Au fil du temps, les histoires circulant à travers les générations, ce rejet s’est muée en peur, puis en actes : la solution de l’abatage systématique se voit toujours préférée en France.
Et pourtant, et comme nous le voyons dans d’autres pays du monde, une cohabitation entre l’homme et le loup, construite sur le respect mutuel, est non seulement possible, mais elle est d’autant plus nécessaire.
Curieux et réfléchit, le loup n’est pas si dangereux
Comme nous l’explique Sebastian Koerner dans son documentaire, le loup est un animal avant tout très curieux et doué d’une grande intelligence. Durant tout le long de sa carrière, le documentariste animalier n’a été témoin que d’une seule “attaque” d’un loup sur l’Homme : l’animal en question, pourtant nourrit depuis tout petit par les Hommes, s’est approché de promeneurs en quête de nourriture et s’en est pris à leur chien. Le loup en question a été abattu par les autorités gouvernementales pour rassurer les badauds.
Ainsi, l’observation indique que le loup peut potentiellement se montrer “dangereux” quand il a été nourrit par l’Homme dans sa jeunesse, au point de ne plus le fuir. À l’état sauvage, le loup reste un animal farouche et indépendant, et bien que sa curiosité soit grande envers son congénère bipède, la peur que représente l’Homme vis-à-vis de lui est si ancrée qu’on peut compter sur les doigts de la main les seuls moments où vous aurez peut-être la chance incroyable de croiser la route d’un loup sur les chemins de la nature…
https://www.youtube.com/watch?v=DTuqjamzxtE
Moro
Sources : Mr Mondialisation / Arte / le Klan du Loup / Loup.org