Selon un rapport de Greenpeace publié ce 10 octobre 2017, les centrales nucléaires exploitées par EDF possèdent des failles sécuritaires importantes en cas d’attaques ou d’actes malveillants. Ce sont les conclusions rapportées par un panel de sept experts indépendants mandatés par l’ONG et qui pointent la « fragilité des piscines d’entreposage du combustible usé face au risque d’attaques extérieures ». Les centrales belges de Doels et Tihange sont également concernées par les principales conclusions de ce rapport. Une version résumée de ce document sensible a été rendue publique ce 10 octobre.
La France et la Belgique font-elles tout pour prévenir les risques liés à de potentielles attaques ou accidents afin de protéger les populations ? Sur la base d’avis d’experts en sûreté nucléaire, sécurité, radioprotection et économie, Greenpeace répond par la négative et souligne au contraire les importantes lacunes en la matière. Pourtant, vu le contexte géopolitique, les centrales nucléaires pourraient être un jour des cibles privilégiées pour des groupes terroristes. La possibilité est prise au sérieux par les autorités puisque de nombreux indices laissent supposer que la possibilité d’une telle attaque a déjà été étudiée par des groupements terroristes, notamment en Belgique.
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Piscines, le talon d’achille des centrales nucléaires françaises#RisqueNucleaire https://t.co/0utsuAwT3h— Greenpeace France (@greenpeacefr) 10 octobre 2017
Les piscines d’entreposage du combustible, les oubliées de la sécurité ?
Alors que de nombreuses installations nucléaires ont été construites il y a plus de deux décennies, les mesures de sécurité mises en œuvre à l’époque sont-elles encore pertinentes face à l’évolution des menaces ? Il y a plus de 30 ans, c’est principalement le risque d’emballement du cœur des réacteurs qui préoccupait les experts. Aujourd’hui, bien que ce risque n’est pas à négliger, de nouveaux facteurs rentrent en compte.
Dans le rapport de Greenpeace, ce sont d’autres structures qui retiennent l’attention des experts mandatés. En effet, les piscines de combustible usé, qui servent de lieu de refroidissement, ne bénéficient pas du même niveau de protection que les réacteurs. Or, rappelle l’ONG, elles peuvent être la source d’importantes fuites radioactives, en particulier si le processus de refroidissement est interrompu pendant une durée prolongée, comme cela a été le cas à Fukushima. Il en existe 58 en France et celles-ci doivent être refroidies en permanence. Les assemblages de combustible sont maintenus de trois à six ans dans ces piscines, puis conservés sous l’eau durant dix à vingt ans avant d’être envoyés en retraitement.
Des conclusions alarmantes
Dans ce contexte Greenpeace estime légitime de s’interroger à propos « des conséquences potentielles d’actes malveillants » contre ces installations et propose un rapport détaillé sur la question. Le document expose « les conditions dans lesquelles une perte de refroidissement durable peut conduire à un relâchement massif de radioactivité dans ces piscines » et « s’attach[e] à décrire le type de menace d’agression externe crédible aujourd’hui ».
Le conclusions des experts ne sont pas rassurantes, au contraire. Les piscines ne seraient pas recouvertes d’une structure suffisamment épaisse et résistante. De plus, les systèmes de pompage qui permettent d’alimenter les piscines en eau pourraient également être des cibles faciles pour les terroristes. Par conséquent, Greenpeace craint les conséquences sanitaires et environnementales graves que pourrait avoir une action visant les dites piscines. Bien que ce risque soit déjà connu depuis longtemps, rien ne semble entrepris en période d’état d’urgence prolongé pour garantir la sécurité des piscines. On notera qu’en Allemagne, les piscines se trouvent dans le même bâtiment que le réacteur, et bénéficient donc d’une meilleure protection.
Le nucléaire, un sujet qui reste tabou
Comme chacun le sait, les français et l’industrie nucléaire partagent « une grande histoire d’amour » depuis la fin des années 70. L’ambitieux programme nucléaire civil, accompagné par une vaste campagne médiatique, va générer d’importantes retombées économiques positives pour la France. 40 ans après, difficile de remettre en question cette relation qui se fait de plus en plus compliquée alors que nombre de centrales arrivent en fin de vie, que le coût du démantèlement fait son entrée dans le débat (une facture totale du démantèlement qui est estimée par EDF à 60 milliards d’euros) et que le marché de l’énergie n’est radicalement plus le même qu’à l’époque.
Par la force des choses, les risques aussi ne sont plus les mêmes. « Il faut briser l’omerta sur les risques qui planent sur les centrales nucléaires. EDF, qui exploite les centrales, ne peut ignorer cette situation. Elle doit impérativement prendre en main ce problème de sécurité en effectuant les travaux nécessaires pour sécuriser les piscines d’entreposage du combustible usé », estime dans un communiqué Yannick Rousselet, chargé de campagne nucléaire pour Greenpeace France
Les responsables d’EDF comptent ils réagir à cette expertise indépendante ? Interrogés par Le parisien, Philippe Sasseigne assure dans une formulation générale censée rassurer que « tous les moyens sont mis en œuvre et de manière coordonnée, entre EDF et l’Etat ».
Un rapport remis aux hauts responsables en charge des questions de défense et sécurité
Pour des raisons évidentes de sécurité, le rapport complet et détaillé n’a pas été rendu public. Néanmoins, il a été remis à de hauts responsables en charge des questions de défense et sécurité. Greenpeace espère désormais que EDF prendra les mesures nécessaires pour pallier les risques qui ont pu être identifiés et renforcer les structures visées. Seulement, ces travaux risquent de coûter cher, alors que les dépenses annoncées pour prolonger la durée de vie des centrales s’envolent : entre 1,6 milliard et 2,26 milliards par piscine, selon francetvinfo.
Sources : propos recueillis par l’équipe de Mr Mondialisation / greenpeace.fr
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