Avec 28 établissements affiliés, le réseau des écoles Être promeut les métiers de la transition écologique auprès des jeunes déscolarisés, en décrochage scolaire, en situation de handicap… et des adultes en reconversion. Découverte d’une méthode alternative à l’Escolinas en Pyrénées-Atlantiques.

« L’Escolinas – l’école des collines en béarnais – c’est avant tout l’école du faire, l’école des deux mains pour nos jeunes, en qui on doit avoir confiance pour notre avenir à tous », déclare tout sourire Philippe Guibaud, membre actif de l’association en Pyrénées-Atlantiques, qui fait partie du réseau École Être, depuis juin 2023.

Dans cette école pas tout à fait comme les autres, on apprend les métiers de la transition écologique avec sa tête, son corps et son cœur. « C’est une école plurielle, on y fait tout un tas de choses, comme des métiers de l’artisanat, de la ferme ou de l’écoconstruction et même de la cuisine en circuits courts », déclare Elisabetta, coordinatrice à l’Escolinas.

Crédit Photo ©Association 3PA-Maison de la Terre.

« Une école pour les jeunes qui n’aiment pas l’école »

Pour le co-fondateur du réseau ÊTRE, Frédérick Mathis, ces écoles sont un rêve d’enfance qui se réalise : « J’ai eu la chance de passer mes premières années dans une école alternative, la prairie à Toulouse, orientée vers les pédagogies Freinet et Montessori. Très tôt passionnés par ces questions d’éducation, on avait déjà pour projet de créer, avec des amis d’enfance, une école différente et qui rapproche », raconte-t-il.

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Ce projet est né d’un triste constat : le « développement durable », comme on appelait tout sujet se rapprochant de l’écologie au début des années 2000, ne concernait absolument pas les jeunes les plus fragiles. « Ces derniers n’étaient pas parties prenantes et de ce fait pas ambassadeurs de tout sujet se rapprochant de près ou de loin de l’écologie. »

Le co-fondateur s’est alors tourné vers un projet concret pour accompagner ces jeunes à mettre les mains dans la terre. Après des années de discussions, de batailles administratives, des difficultés financières et des créations d’associations qui n’ont pas tenu dans le temps, Frédérick a failli renoncer pour finalement lancer en 2017 une formation vraiment complète pour ces jeunes : l’École Être, première école de la transition écologique, « une école pour les jeunes qui n’aiment pas l’école », comme lui dit une jeune à l’époque de la première école du réseau.

« Cette école, c’est un enjeu de fin du monde, de fin du mois et de fin du moi, qui permet à ces jeunes de trouver un rôle dans la société », déclare le co-fondateur, qui a l’art de l’aphorisme. Chacun devrait en effet pouvoir se sentir légitime d’agir vers les enjeux écologiques d’aujourd’hui et de demain, même les moins privilégiés du système actuel.

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Un réseau paritaire et inclusif

En termes de profil, le réseau prône une certaine mixité, « même si l’on souhaite davantage de la diversité que de la mixité pour enrichir au maximum les jeunes », précise Frédérick. Dans le cahier des charges de 2023, la composition des formations se veut ouverte et paritaire : autant de filles que de garçons, les trois quarts des élèves n’étant ni en formation ni en emploi ni en stage. Ce sont des décrocheurs, des déscolarisés, des personnes porteuses de handicap, des repris de justice, des réfugiés, des demandeurs d’asile, en insertion ou en reconversion professionnelle.

En 2023, plus de 722 jeunes ont été formés aux métiers manuels de la transition écologique dans les 28 écoles actives en France. Parmi eux, 89% ont bénéficié d’une sortie dynamique et plus de 75% souhaitent poursuivre une carrière dans un métier de la transition écologique à la fin de leur parcours chez Être.

Il y a en effet des sorties dites « positives » : directement vers un emploi ou une formation, et les sorties dynamiques, des jeunes qui évoluent vers une prise en charge d’eux-mêmes, comme la demande d’un RQTH, d’une cure de désintoxication, etc.

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Crédit Photo ©Association 3PA-Maison de la Terre.

Des perspectives d’emplois élargies

Les jeunes sans diplôme ou qualification rencontrent souvent des difficultés importantes pour accéder à l’emploi. Selon une étude de l’INSEE de 2017, le taux de chômage des jeunes de 15 à 24 ans sans diplôme était de 47%, comparé à 22% pour ceux ayant un diplôme de niveau CAP ou BEP, et 10% pour ceux ayant un baccalauréat.

Les jeunes en décrochage scolaire sont souvent orientés vers des dispositifs spécifiques pour favoriser leur insertion professionnelle. En 2019, environ 300 000 jeunes étaient suivis par les Missions Locales, des structures dédiées à l’accompagnement des jeunes de 16 à 25 ans en difficulté. Près de 50% de ces jeunes en ont intégré un emploi ou une formation suite à cet accompagnement.


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Ce sont justement ces interlocuteurs, qui, entre autres, envoient des jeunes vers le réseau Être, pour ouvrir les perspectives de ces jeunes vers des métiers par le faire, comme ceux de l’École Être. À l’Escolinas, on retrouve tout autant les métiers de l’écoconstruction pour découvrir les métiers de la charpente, de la construction terre-paille, les métiers de l’agroécologie, les métiers de l’alimentation comme le métier de boulanger.ère, meunier.ère, brasseur.euse, etc. ou encore de l’artisanat : savonnier.ère, maroquinier.ère, potier.ère, tisserand.e, etc.

« On a aussi des jeunes qui découvrent un intérêt pour un autre métier, pas forcément en lien avec la transition écologique. Lors d’un stage, on avait fait une initiation à la mécanique, et l’un des jeunes s’est découvert une passion pour cela et est devenu garagiste », affirme Frédérick. Il a ensuite insufflé quelques pratiques écologiques au sein du garage et c’est ainsi que les graines germent et poussent un peu partout, même là où on ne les attend pas.

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Le réseau forme aussi les futurs acteurs du réseau, les formateurs, qui accompagneront à leur tour les plus jeunes. Frédérick insiste : « Il est vraiment nécessaire d’avoir des acteurs à la fois experts, compétents sur les techniques respectueuses de l’environnement, pédagogue et qui ont envie de transmettre, alors autant les former en interne. »

L’Escolinas a, en plus du profil jeunes de 16 à 25 ans, décidé d’investir la formation pour adultes, car pourquoi refuser aux « repris de capitalisme » le droit de se reconvertir vers un métier plus juste ? « En fait, on a décidé d’ouvrir les stages à toute personne en quête de sens », déclare Philippe Guilbaud.

Les parcours y sont différents selon que les personnes ont simplement envie de découvrir les métiers ou de les apprendre ou approfondir. L’Escolinas organise trois « stages de remobilisation », deux préqualifications en écoconstruction, et une journée découverte par mois, ouverte à tous. À cela s’ajoute une « qualification », et une formation diplomante reconnue par l’État.

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Un optimisme communicatif

Mélanie Courant, ancienne élève de l’Escolinas lors d’un stage découverte 2023 témoigne : « J’étais en grande réflexion sur mon orientation professionnelle et je me sentais en quête de sens, j’avais besoin d’aller vers quelque chose de plus profond et en adéquation avec mon éthique personnelle. » Attirée par la dimension écologique du projet, elle a quitté son emploi de vendeuse chez un primeur.

« J’aimais bien le côté relation client, mais vendre des produits hors saison et de provenance lointaine me posait un problème éthique. J’ai découvert l’Escolinas en m’inscrivant à la mission locale de ma ville, où j’ai pu signer une convention de stage. » Ce que Mélanie a adoré, par rapport à l’école conventionnelle, c’est surtout l’enseignement par « le faire ». Lors de son stage, elle a pu réaliser un mur en terre-paille sur une structure d’essai et enduit un mur d’une maison en chantier.

La rencontre d’acteurs engagés dans la transition écologique sur le territoire, comme la découverte de l’association AIMA, recyclerie de mobilier professionnel, a permis un véritable regain d’optimisme pour Mélanie qui poursuit son service civique au sein du verger conservatoire :

« Il y avait aussi une entreprise coopérative qui aide les jeunes dans leurs projets de transition, un jardin verger conservatoire de variétés anciennes, une paysanne qui s’engage pour une agriculture respectueuse du vivant… Tout cela donne envie de s’engager. »

Pour Adam Djebbar, stagiaire en juillet 2024, c’est l’implication des acteurs dans le domaine associatif qui l’a motivé à lui-même s’investir en dehors de son BTS gestion et protection de la nature et de son emploi en tant que poissonnier : « J’essaie de protéger les visons d’Europe et d’Amérique et aimerais vraiment m’investir auprès de la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO). »

Pour Enzo Vaz Da Conceicao, en situation de handicap et venu avant tout pour la cuisine, l’expérience à la ferme, et notamment avec les vaches, les brebis, les chiens de guidage de brebis et les chevaux de trait, l’a peut-être orienté vers un autre parcours en lien avec l’animal.

Crédit Photo ©Association 3PA-Maison de la Terre.

Lille, Paris, Marseille, les Pyrénées-Atlantiques… Le réseau des Écoles Être ne cesse de s’étoffer et compte aujourd’hui 28 coopératives un peu partout sur l’Hexagone. Les prévisions vont bon train, avec une création de 10 écoles par an pour arriver à une soixantaine d’écoles d’ici 2027, avec au moins une école par département, voire deux pour les plus densément peuplés. Chaque école devrait accompagner entre 70 et 100 jeunes par an, de petits effectifs compte tenu de la charte du réseau qui vise à maintenir un accompagnement au plus près de chaque jeune.

Frédérick Mathis, sortira le 21 août prochain un livre intitulé J’ai rêvé d’une école, retraçant le parcours de l’École Être et la confiance qu’il faut avoir en la jeunesse à qui l’on doit aussi redonner confiance et amour de soi, aux éditions Calmann Lévy.

– Maureen Damman

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