Depuis quelques mois l’humanité tremble devant le coronavirus. Mais elle n’est pas la seule espèce qui ait à s’inquiéter de contracter le virus. Les grands singes, nos proches parents génétiques, y sont également vulnérables comme à d’autres maladies humaines d’ailleurs. Problème : nombre d’entre eux sont déjà menacés de disparition et le covid-19 risque de précipiter la mort des derniers représentants de leur espèce.

Orangs-outans, gorilles, chimpanzés, ce sont des espèces de grands singes avec lesquelles nous partageons 98% de notre ADN. Et ces parents génétiques sont aussi susceptibles d’attraper les mêmes maladies respiratoires que les humains, comme le covid-19. En raison de quoi, des scientifiques alertent sur la possible extinction des dernières populations de grands singes si la maladie venait à se répandre chez eux. Des mesures doivent donc être prises pour éviter que le coronavirus n’arrive jusqu’à eux.

Thomas Gillespie, de l’université américaine Emory et auteur principal d’une lettre signée par 25 experts publiée dans la revue Nature a ainsi déclaré : « La pandémie de covid-19 est une situation critique pour les humains, notre santé et nos économies. C’est aussi une situation potentiellement désastreuse pour les grands singes. Il y a beaucoup en jeu pour ceux qui sont en danger d’extinction. » En 2017, cet expert avait co-rédigé un rapport montrant que 60% des plus de 500 espèces de primates dans le monde sont menacées d’extinction, tandis que 75% ont des populations en déclin.

Christine und Hagen Graf. Flickr. C.C.

Si la prévision se veut assez alarmante, c’est que par le passé des maladies relativement bénignes chez l’homme se sont révélées être mortelles pour les grands singes. Or le coronavirus étant déjà mortel pour l’homme, on peut être amené à penser que le risque de décès sera d’autant plus élevé chez les primates. En 2008, des recherches avaient mis en évidence la première preuve directe de la transmission du virus de l’homme aux singes sauvages. Partant de là, il a été constaté que les virus respiratoires humains courants provoquent des épidémies mortelles chez les grands singes sauvages habitués au contact des humains. En 2016, des scientifiques avaient déjà signalé la transmission d’un coronavirus humain à des chimpanzés sauvages dans le parc national de Taï en Côte d’Ivoire.

Aucun singe n’ayant pour l’heure été diagnostiqué atteint du covid-19 (faute de recherche systémique et de données), les experts en sont réduits aux hypothèses et aux mesures de précaution. Car si le coronavirus se révélait d’une mortalité foudroyante chez les grands singes, cela pourrait signer la fin de leur espèce. Victimes de la destruction de leur environnement et du braconnage, des populations de grands singes vivent préservées dans des parcs nationaux, des réserves et des zoos soit des endroits où ils sont mis en contact avec des humains. Comme il est impossible de contrôler chaque visiteur qui peut être porteur du virus sans présenter de symptômes, Thomas Gillespie et plusieurs confrères appellent alors à fermer ces lieux pour une durée indéterminée pour limiter le risque de propagation du coronavirus de l’homme aux singes.

Mais cette mesure de précaution contient un effet pervers : sans gardes pour veiller sur les animaux, le braconnage risque d’augmenter. Malgré ce risque, les parcs nationaux du Congo et du Rwanda sont d’ores et déjà fermés aux touristes et aux chercheurs. À Bornéo, en Malaisie, le centre de réhabilitation de Sepilok a également fermé pour protéger les orangs-outangs : « Cette maladie pourrait être mortelle pour l’orang-outan déjà en danger critique d’extinction, c’est un risque que nous ne pouvons pas nous permettre de prendre«  a déclaré Susan Sheward de Orangutan Appeal UK.

En sus de ces fermetures préventives décidées localement, l’Union internationale pour la conservation de la nature a édicté de nouvelles recommandations : auparavant, les humains devaient respecter une distance de 7 mètres au moins avec les grands singes, elle est désormais portée à 10 mètres. Et tout individu malade ou ayant été en contact avec une personne malade au cours des 14 derniers jours ne doit pas être autorisée à approcher des grands singes.

Peter Miller. Flickr. C.C.

Les auteurs de la lettre publiée dans la revue Nature se veulent tout à la fois optimistes et fatalistes : « Nous espérons le meilleur mais nous devons nous préparer au pire et considérer de manière critique l’impact de nos activités sur ces espèces menacées. » Un sujet sur lequel l’humanité a encore bien des leçons à prendre.

S. Barret

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Image d’entête : Indo_girl2010 / Flickr C.C.

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