Les grands scandales financiers type Panama Papers n’auraient-ils servi à rien ? Une étude publiée par le groupe Les Verts au Parlement européen montre que les paradis fiscaux sont en bonne santé. Les détenteurs de richesses ont trouvé de nouveaux chemins pour contourner les règles d’imposition nationales et ce malgré les grandes annonces politiques en faveur d’une régulation plus efficace. Les instruments de contrôle mis en place ces dernières années n’ont ainsi pas porté leurs fruits…

Généralement, on retient les quatre critères proposés par l’OCDE pour déterminer l’existence d’un paradis fiscal : des impôts insignifiants ou inexistants, l’absence de transparence sur le régime fiscal, l’absence d’échanges de renseignements fiscaux avec d’autres États et le fait d’attirer des sociétés écrans ayant une activité fictive.

À la demande des élus verts du Parlement européen, deux académiciens allemands, Sarah Godar et Hannes Fauser, ont étudié l’évolution depuis 2009 des sommes placées par des individus dans des comptes offshore. Pour rappel, les dirigeants du G20 avaient annoncé cette année là vouloir s’en prendre sérieusement à l’évasion fiscale. À cette occasion, Nicolas Sarkozy s’était exclamé en grande pompe : « les paradis fiscaux, c’est terminé ». Aujourd’hui, on est tenté d’en rire.

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Les richesses présentes dans les paradis fiscaux continuent d’augmenter…

Au contraire des discours et espoirs, l’évasion fiscale est florissante. Pendant la période comprise entre 2009 et 2014, il n’y a pas de déclin général des fonds se trouvant dans les paradis fiscaux. Les investissements de portefeuille (achats de titres financiers d’une entreprise étrangère par une entreprise nationale) ont continué d’augmenter. La quantité moyenne des dépôts, eux, ont diminué. Mais ces derniers ne représentent qu’une petite partie des richesses offshore. En effet, l’économiste français Gabriel Zucman estime que les richesses détenues par des personnes privées au sein de paradis fiscaux s’élèvent à 7600 milliards de dollars dont 6100 milliards sous la forme d’investissements de portefeuille. Aussi, selon l’étude, les richesses détenues au sein de compte offshore ont augmenté entre 27 et 46% entre 2010 et 2014. Cette imprécision des chiffres a pour cause l’absence de transparence en la matière.

Ainsi, le rapport détermine que les mesures prises contre les paradis fiscaux à partir de 2009 n’ont pas permis de mieux contrôler l’évasion de richesses. Les fonds, au lieu d’être rapatriés, ont été répartis différemment dans les multiples paradis fiscaux et selon des techniques plus sophistiquées. En réaction, les nouvelles règles ont obligé les paradis fiscaux à se réorganiser. Les deux chercheurs constatent par ailleurs que les mesures prises jusqu’à présent affectent en priorité les « petits » fraudeurs qui utilisent avant tout des moyens simples d’évasion c’est à dire principalement les dépôts. En revanche, les gros fraudeurs ont accès à des moyens d’évasion fiscale plus complexes dont les mouvement ne peuvent pas être suivis facilement.

Un phénomène similaire avait pu être observé à la suite de l’adoption par l’Union européenne d’une directive visant à taxer les avoirs détenus par des particuliers en Suisse. Comme le souligne #datagueule, de nouvelles techniques ont été utilisées pour contourner les règles : « entre 2004 et 2012, le nombre de compte suisses liés à des ressortissants européens passe de 25% à 11% ». Dans le même temps, « les comptes liés à des sociétés écran (sans nom identifiable) bondissent de 50 à 64% ».

… malgré la coopération internationale en matière fiscale

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En 2009, l’OCDE décide de dresser une liste « des paradis fiscaux qui ne sont pas en conformité avec les règles mondiales d’échange d’informations fiscales ». Trois catégories sont distinguées : les pays qui respectent les standards internationaux, ceux qui mènent des efforts pour une plus grande transparence et ceux qui ont refusé toute forme d’engagement et sont « fiscalement non coopératif ». Cependant ces listes n’ont qu’une force incitative : l’OCDE espérait pousser les pays se trouvant dans les listes noires et grises à envisager une meilleure coopération en matière fiscale et dissuader dans le même temps les personnes morales ou physiques à déposer leurs richesses dans des paradis fiscaux. Les résultats sont peu probants.

En 2014, lors du 7ème Forum mondial sur l’échange et la transparence des renseignements à des fins fiscales, 89 pays se sont réunis pour trouver des solutions contre les problèmes engendrés par le secret bancaire. 51 États se sont engagés dans un « système d’échange automatique d’informations ». Cette nouvelle norme prévoit « l’échange automatique annuel entre États de renseignements relatifs aux comptes financiers, notamment les soldes, intérêts, dividendes et produits de cession d’actifs financiers déclarés à l’administration par les institutions financières, concernant des comptes détenus par des personnes physiques et des entités, y compris des fiducies et des fondations. » Le dispositif entrera en vigueur dans les pays de l’Union européenne à partir du 1er janvier 2017. La Suisse et Hong-Kong échangeront les informations à leur disposition à partir de 2018. Il est trop tôt pour juger de l’efficacité de ces mesures, bien qu’elle soient potentiellement prometteuses car elles empêcheraient les montages complexes.

Suite à l’affaire des « Panama Papers », de nouvelles dispositions sont étudiées pour enrayer l’évasion fiscale : parmi elles on trouve le reporting pays par pays ou encore la limitation de la concurrence fiscale entre États membres de l’Union européenne. Mais le sujet n’a pas fini de faire couler l’encre : suite au Brexit, le Royaume Uni pourrait se transformer en un nouveau paradis fiscal au cœur de l’Europe…


Sources : greens-efa.eu / lesoir.be / liberation.fr / oecd.org

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