11,5 millions de documents, près de 1 500 fois Wikileaks (2006). Le chiffre fut colossal. Il s’agissait du nombre de fichiers que révélait en 2016 une centaine de médias de 76 pays en vue d’exposer ceux qui pratiquent la fraude fiscale à grande échelle et les montages qu’ils utilisent pour ce faire. En épinglant les « magouilles » de dirigeants capitalistes, de personnalités politiques, de sportifs, l’affaire Panama Papers rejoignait Clearstream (2001), LuxLeaks (2014) et SwissLeaks (2015) parmi les scandales financiers majeurs des dernières années. Retour sur ce scandale trop vite oublié

Il s’agissait de la documentation la plus abondante jamais révélée concernant les secrets bien gardés de la finance. Le scandale a éclaboussé de nombreux hommes d’État, dirigeants capitalistes, sportifs, célébrités et autres puissants. Une caste de détenteurs de capitaux visiblement décidée à éviter d’acquitter l’impôt sur le revenu (donc le pacte social que traduit la contribution fiscale) coûte que coûte.

Wikimedia

L’origine du scandale

Panama Papers, c’est une vaste enquête d’envergure mondiale qui fut publiée simultanément par près d’une centaine de journaux dans le monde. Tout a commencé quand le Consortium International des Journalistes d’Investigation (ICIJ) a reçu une quantité astronomique de documents privés compromettants d’une source anonyme via le journal allemand Süddeutsche Zeitung.

11,5 millions de fichiers d’archives appartenant à Mossack Fonseca, une société spécialisée dans la domiciliation offshore basée à Panama City, d’où le nom de l’affaire : Panama Papers (les papiers de Panama). Ces documents, d’une importance capitale, épinglaient de très nombreux individus parmi les plus puissants du monde.

Les 2 600 gigaoctets de données (dont l’authenticité a été confirmée) ont été décortiquées dans la plus grande discrétion durant plusieurs mois par une équipe d’investigateurs. Une jungle de mots et de chiffres dont le décryptage méthodique a été possible grâce à 370 journalistes de 107 médias internationaux, dont, en France, Le Monde et Cash Investigation (France 2).

Une machinerie machiavélique

À la différence des précédentes affaires, Panama Papers n’a pas éclaboussé de banques mais a offert une vue inédite sur un fonctionnement jusqu’ici caché de la finance et qui apporte l’irréfutable démonstration que la fraude et l’illégalité définissent de façon systémique le capitalisme néolibéral.

Ainsi, il a été révélé que Fonseca a créé plus de 214 000 entités offshore, des sociétés-écrans permettant de masquer l’identité de leurs propriétaires à travers 21 paradis fiscaux différents. The Guardian précise d’ailleurs que ces entités offshore sont le plus souvent créées au nom d’un ami ou d’un membre de la famille de la personnalité et ce, dans des lieux improbables à travers le monde, à travers trois ou quatre sociétés successives, de quoi confondre le fisc sur plusieurs paliers. Histoire de compliquer encore plus la situation, quelque 14 000 intermédiaires (banques mondiales, fiduciaires, cabinets d’avocats) se trouvent entre Mossack Fonseca et ses clients.

Un montage qui permet à ces personnes bien organisées d’éviter l’acquittement de quantités astronomiques d’impôts, donc de ne pas participer à l’effort collectif. En parallèle, le discours dominant répète la ritournelle de la « flexibilité », exige la destruction du droit du travail et l’austérité générale pour des raisons économiques fictives (« c’est la faute à la crise », « l’État dépense trop », « les français vivent au dessus de leurs moyens », etc).

Qui sont les coupables ?

Parmi les personnes éclaboussées, se trouvaient quelque 140 responsables politiques, dirigeants et haut-fonctionnaires, dont douze chefs d’État. On y trouvait également 29 des 500 personnes les plus riches du monde. Parmi eux, le footballeur argentin Lionel Messi, Michel Platini (ex-président de l’UEFA), Jérôme Valcke (ex-cadre de la FIFA), de nombreux proches de Vladimir Poutine (2 milliards de dollars détournés), Salman Al-Saoud, roi d’Arabie saoudite ou encore le président de l’Ukraine et le premier ministre islandais : Petro Porochenko et Sigmundur David Gunnlaugsson.  En France, c’est le nom de Jérôme Cahuzac, ex-Ministre du Budget, déjà impliqué dans une autre affaire.

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Ainsi, dans le petit monde de l’évasion fiscale organisée, les plus grandes fortunes et célébrités côtoient des membres de réseaux criminels et de dictateurs crapuleux. Preuve, s’il en est, que l’argent n’a vraiment pas d’odeur.

Et maintenant ?

Depuis, l’affaire Panama Papers continue d’être traitée par les tribunaux et de faire quelques irruptions dans l’actualité. En 2023, Les Panama Papers ont permis à eux seuls « de faire rentrer près de 200 millions d’euros dans les caisses de l’État » expliquait le Monde en novembre 2023.
Côté juridique, en 2023 encore : Une peine pouvant aller jusqu’à 12 années de prison a été requise lors d’un procès à Panama pour blanchiment d’argent contre les avocats fondateurs du cabinet Mossack Fonseca, à l’origine du scandale des Panama Papers.

Si l’on peut se réjouir de ces bonnes nouvelles, c’est moins évident pour le sort des lanceurs d’alertes qui continuent d’être traqués malgré la nécessité de leur courage pour l’intérêt général. 

– Mr Mondialisation


Photo de couverture : Montage Mr Mondialisation

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