Alors que des records de température ont été dépassés ces derniers jours, des incendies violents ont ravagé plusieurs milliers d’hectares partout en Europe, emportant avec eux de nombreuses vies animales et végétales, parfois humaines également. S’il apparait évident que ces phénomènes de chaleur extrême se multiplient ces dernières années, les scientifiques ont tenté d’en établir la cause. L’équipe de Caroline Ummenhofer, océanographe physique à la Woods Hole Oceanographic Institution (USA), a mis en avant dans une nouvelle étude l’influence des émissions de gaz à effet de serre sur l’anticyclone des Açores, gardien des précipitations sur le continent. Les chercheurs établissent ainsi que la péninsule ibérique n’a jamais été aussi sèche depuis plus de 1200 ans et que cela est principalement du aux activités humaines.
Les pluies se font rares sur la péninsule ibérique. La région étant caractérisée par des étés chauds et secs et des hivers frais et humides, ces précipitations sont pourtant vitales pour la santé écologique et économique du pays, qui dépend majoritairement du tourisme et de l’agriculture.
Des sécheresses à répétition
Pour mieux comprendre cette tendance et en identifier les causes, les scientifiques du Woods Hole Oceanographic Institution, basé au Massachusetts, ont rassemblé de nombreuses observations, des simulations de modèles et des données paléoclimatiques. « Dans cet article, nous explorons les conditions atmosphériques changeantes depuis le début de l’ère industrielle qui ont contribué à ces changements hydroclimatiques régionaux en évaluant comment les caractéristiques de l’anticyclone des Açores ont varié au cours des 1 200 dernières années », détaillent ainsi l’équipe de Caroline Ummenhofer.
L’ étude, publiée dans la revue Nature Geoscience le 4 juillet, analyse les changements du climat de l’Atlantique Nord au cours du dernier millénaire. Leur conclusion est sans appel : les effets du réchauffement climatique dont nous sommes responsables bloquent les pluies hivernales vitales pour la région et cela aura de graves conséquences.
Les auteurs constatent en effet que l’anticyclone des Açores, nommé le « gardien des précipitations du continent » pour le rôle central qu’il joue dans la régulation des pluies venues de l’Océan, s’est excessivement élargi à mesure que la planète s’est réchauffée.
« Dans cette étude, nous montrons que l’anticyclone des Açores a radicalement changé au cours du siècle dernier et que ces changements dans le climat de l’Atlantique Nord sont sans précédent au cours du dernier millénaire », expliquent les chercheurs.
Une expansion spectaculaire de l’anticyclone des Açores
Pour explorer la raison des changements récents des précipitations en Europe occidentale, les auteurs de l’étude se concentrent sur l’anticyclone des Açores – une zone de haute pression dans l’Atlantique Nord nommée d’après l’archipel des Açores à l’ouest du Portugal.
Formé par de l’air sec descendant dans les régions subtropicales, l’anticyclone des Açores fait circuler les vents dans le sens des aiguilles d’une montre autour de l’Afrique du Nord, de la côte est des États-Unis et de l’Europe occidentale. Les vents d’ouest, traversant l’Océan Atlantique, ramassent l’humidité et l’entraînent sur l’Europe, où elle finira par tomber sous forme de pluie.
Mais si la taille de l’anticyclone varie en fonction des années, les hivers avec un anticyclone extrêmement large aux Açores sont liés à des conditions hivernales plus sèches en Méditerranée et à un temps plus humide au Royaume-Uni. Autrefois assez rare, ce cas de figure ne cesse de s’imposer.
« Cela n’augure rien de bon »
Ces extrêmes sont devenus plus fréquents depuis la révolution industrielle, passant d’un hiver extrêmement sec tous les 10 ans dans la période préindustrielle à un tous les quatre ans au 21e siècle, selon l’étude.
« Un assèchement annuel robuste de 5 à 10 mm par décennie a été enregistré dans la péninsule ibérique tout au long de la seconde moitié du XXe siècle », détaillent les scientifiques qui prévoient une nouvelle baisse de 10 à 20 % des précipitations hivernales attendue pour la fin du siècle, faisant « de l’agriculture de la région ibérique l’une des plus vulnérables d’Europe ».
Alors que l’Espagne s’affiche aujourd’hui comme le plus grand producteur d’olives au monde et produit également une majeure partie des raisins, oranges et tomates consommés en Europe, les conséquences de tels changements météorologiques ne se font pas attendre.
Les régions oléicoles du sud des pays devraient subir une baisse de production de 30 % d’ici 2100, alors que les régions viticoles de la péninsule ibérique devraient diminuer quant à elles de 25 % à 99 % d’ici 2050 en raison de graves déficits hydriques qui rendent les terres agricoles impropres à la viticulture.
« [Nos résultats] ont de grandes implications au regard des ressources en eau qui sont disponibles pour l’agriculture et les autres industries à forte intensité d’eau, ou encore pour le tourisme », déclare Caroline Ummenhofer au Gardian, qui conclut que « cela n’augure rien de bon ».
Les émissions de gaz à effet de serre responsables
A l’aide de modèles, l’équipe du Woods Hole Oceanographic Institution a identifié plusieurs facteurs susceptibles d’influencer le niveau de précipitations comme les changements dans l’activité volcanique ou solaire.
Les résultats sont sans appel : c’est l’augmentation des gaz a effet de serre dans l’atmosphère depuis l’ère industrielle qui explique l’expansion spectaculaire de l’anticyclone des Açores.
Autrement dit, tant que nos émissions de gaz à effet de serre n’auront pas ralenti, l’anticyclone des Açores continuera de s’étendre, réduisant drastiquement les précipitations sur le Sud de l’Europe. Entre temps, la sécheresse continue à gagner du terrain et brûle tout sur son passage.
L. A