Lacs, rivières et zones humides : les écosystèmes d’eau douce sont les grands ignorés du désastres environnemental et de l’indignation ambiante. Ceux-ci subissent pourtant une pression exacerbée en raison des activités humaines, de l’étalement urbain ou encore de grands projets industriels, note le dernier rapport du WWF. Ainsi, les chercheurs soulignent un déclin global de 60 % de l’effectif des populations de vertébrés sauvages entre 1970 et 2014. Mais ce chiffre est largement influencé par le nombre d’amphibiens, poissons et reptiles qui disparaissent chaque année dans une relative indifférence.
En 60 ans, l’effectif des populations de vertébrés sauvages a décliné de 60 % sur notre planète selon le dernier rapport du WWF, « Planète vivante » (2018). Un titre assez paradoxal pour un rapport plutôt alarmant. À l’échelle mondiale, il existe néanmoins des disparités. Ainsi, l’Amérique du Sud et l’Amérique centrale sont les régions les plus touchées par le phénomène : le rapport diagnostique une perte de 89 % des populations par rapport à 1970. L’hémisphère nord-est moins touché, la chute étant inférieure à 31 %. « Moins », le mot est relatif. On parle tout de même d’un tiers des ces animaux sauvages. Le rapport qui qualifie ce déclin de « catastrophique » pointe les principaux facteurs que sont « la surexploitation et l’agriculture, toutes deux étant le résultat de notre consommation effrénée ».
« Si l’on ne sort pas du statu quo, le terrible déclin des systèmes naturels qui fondent nos sociétés se poursuivra et aura de graves conséquences sur la nature et sur les hommes », notent les auteurs du rapport, selon qui, « la biodiversité est essentielle à notre santé, notre bien-être, notre alimentation et notre sécurité, mais aussi à la stabilité des systèmes économiques et politiques mondiaux ». Et cette biodiversité, fruit d’une synergie complexe entre les espèces naturelles, est perturbée par nos choix collectifs : consommation de masse, urbanisation, industries et projets de construction de type « Aéroport de Notre-Dame-des-Landes » ou encore, plus récemment, le fameux GCO (projet autoroutier de grand contournement ouest). Des activités qui aspirent à améliorer la qualité de vie des humains en détruisant les habitats naturels de nombreuses créatures, dont les zones humides.
Les milieux en eau douce particulièrement affectés
Car ce que relève surtout le rapport du WFF, c’est que les écosystèmes d’eau douce sont encore plus affectés que les écosystèmes marins ou terrestres (qui sont déjà très affectés). En effet, les populations de vertébrés d’eau douce ont subi un déclin « dramatique », puisque la chute est estimée à 83 % entre 1970 et 2014. On parle donc d’une disparition quasi totale dans un contexte où cette problématique reste peu abordée. En cause, la destruction directe de leurs habitats via leur fragmentation (c’est-à-dire les phénomènes artificiels de morcellement de l’espace), la surpêche en eau douce, la multiplication du plastique dans les écosystèmes, les rejets industriels, la prolifération de maladies et d’espèces envahissantes ainsi que le changement climatique, autrement dit, les externalités négatives des actions humaines.
Au niveau mondial, depuis 1900, la surface des zones humides aurait chuté de 50 %. Par ailleurs, en raison de la multiplication des ouvrages comme les barrages (il existe aujourd’hui 50.000 infrastructures de ce type et 3600 nouvelles constructions sont planifiées dans le monde), les cours d’eau sont de plus en plus fragmentés, ce qui conduit à une perturbation des flux naturels brisant notamment les processus de reproduction. Enfin, le pompage d’eau dans les réserves d’eau douce – 70 % de ces prélèvements ayant pour destination les activités agricoles industrielles – participe également au déclin de ces milieux.
Rappelons que les systèmes d’eau douce ne couvrent que 1 % de la surface planétaire, mais abritent une vie particulièrement riche avec plus de 100 000 espèces connues. Proportionnellement, elles recèlent bien plus d’espèces différentes par unité de surface que les autres écosystèmes terrestres et marins : on y trouve 1/3 de toutes les espèces de vertébrés connues. À ce titre, ces espaces jouent un rôle indispensable dans la préservation des équilibres environnementaux.
En France, les poissons d’eau douce disparaissent en silence
La France, où les zones humides ont été mises en lumière notamment grâce à la lutte contre la construction du barrage de Sivens, n’est pas épargnée par les menaces qui pèsent sur l’eau douce. Selon France Nature Environnement, « en 2016, la France répertorie 44 zones humides […] en métropole et en Outre-mer, pour une superficie totale de plus de 3,5 millions d’hectares ». Mais depuis 1950, 50 % de ces zones humides ont disparu. Dans le même temps, selon l’UICN, une espèce sur cinq des poissons d’eau douce de France métropolitaine est menacée (chiffres 2009). C’est par exemple le cas de l’anguille européenne ou encore de l’esturgeon européen. L’ONG consacrée à la préservation de la nature pointe notamment l’altération des milieux par la pollution, ce à quoi les poissons sont très sensibles.
Les chiffres sont sans appel : pour protéger la biodiversité, les habitats naturels doivent être préservés face aux aménagements humains. Pourtant, jusqu’à aujourd’hui, les pouvoirs publics ne prennent ces réalités en compte qu’au prix d’un engagement héroïque des citoyens et des citoyennes, comme à Notre-Dame-Des-Landes et à Sivens. Au contraire, la tendance est à l’étalement urbain et au développement de nouvelles infrastructures au nom de la croissance. Finalement, l’humain n’est pas épargné par cette indifférence. Au niveau mondial, le déclin de la biodiversité, qui menace l’équilibre des systèmes naturels, a déjà des répercussions sociales importantes, notamment en raison du bouleversement des modes de vie des populations locales.
Agir maintenant sur #ILESTENCORETEMPS
Nos travaux sont gratuits et indépendants grâce à vous. Afin de perpétuer ce travail, soutenez-nous aujourd’hui par un simple thé ?☕