Ce jeudi 8 octobre, la proposition de loi sur la condition animale du groupe EDS (Ecologie Démocratie Solidarité) sera l’occasion pour les députés de se prononcer sur le type d’élevage qu’ils soutiennent. S’ils sont adoptés, ce texte et ses nombreux amendements pourraient marquer une réelle amélioration du sort des animaux d’élevage. Pour rappeler les conditions de vie déplorables de nombre d’entre eux, L214 dévoile des images révoltantes, filmées dans un élevage intensif de cochons. Outre la souffrance animale, l’association attire ainsi l’attention des députés sur les impacts désastreux de l’élevage industriel sur la santé publique et l’environnement. Il apparaît aujourd’hui urgent que l’Assemblée saisisse cette opportunité pour mettre un terme à ces pratiques !
Selon la FAO (l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture), le nombre d’animaux terrestres élevés et mis à mort dans le monde pour l’alimentation se montait à quelques 67 milliards rien que pour l’année 2012. A l’échelle mondiale, 70% des surfaces cultivées sont destinées à l’élevage, qui est par ailleurs l’un des secteurs les plus polluants, en matière de pollution de l’eau, des sols et d’émissions de gaz à effet de serre. Pour le bien-être des animaux et pour l’avenir de la planète, repenser le modèle agro-alimentaire global, qui fait la part belle à l’élevage industriel, constitue donc aujourd’hui une priorité absolue.
Des cochons qui se mutilent à cause de la promiscuité
L’Assemblée nationale a aujourd’hui l’opportunité de faire un pas dans cette direction, à l’occasion de l’examen en séance publique d’une proposition de loi sur la condition animale. Pour attirer l’attention des députés sur la réalité de l’élevage intensif, l’association L214 publie de nouvelles images qui montrent l’horreur des conditions de vie des animaux. Cette fois-ci, ce sont les coulisses d’un élevage intensif de cochons qui sont dévoilées. Située à Barrais-Bussolles dans l’Allier, l’exploitation a récemment obtenu l’autorisation de la préfecture d’engraisser 6000 cochons en simultané.
Filmées au mois de juillet dernier, ces images-choc montrent des porcelets malades, dont certains présentent d’importants problèmes de peau, probablement une épidermite exsudative, due à un staphylocoque. D’autres cochons se mutilent les uns les autres, du fait de forte promiscuité. Incapable de se mettre à distance pour se protéger, un cochon se fait littéralement dévorer vivant. Le sol de l’exploitation est en caillebotis en plastique ou en béton, et les cochons n’auront jamais accès à l’extérieur durant leur courte vie.
Des cadavres qui s’entassent
Les enquêteurs ont également remarqué plusieurs bidons de 10 L d’antibiotiques de sulfadiazine et de triméthoprime sur les étagères de l’élevage, des antibiotiques bien connus. Des sacs de plusieurs kilogrammes d’Amoxicilline ont également été trouvés, ainsi que de la Doxycycline. Malgré ces traitements particulièrement lourds, des cadavres de porcelets remplissent les bacs d’équarrissage. L214 a donc décidé de porter plainte auprès du procureur de Cusset pour mauvais traitement infligés aux animaux d’élevage.
Cette plainte et la publication de cette enquête ont pour but d’attirer l’attention de l’opinion publique sur la réalité souvent des élevages industriels, mais aussi celle des députés. Ceux-ci sont en effet appelés aujourd’hui à examiner en séance publique une proposition de loi sur la condition animale, portée par Cédric Villani et déposée dans le cadre de la niche parlementaire du groupe Écologie Démocratie Solidarité (EDS).
Des députés préfèrent faire confiance aux filières
Il s’agit d’une occasion inédite pour les députés de voter et de faire adopter des mesures visant à la sortie d’un modèle industriel basé sur l’élevage intensif et l’élevage en cage. Dans cette perspective, L214 appelle les citoyens à exprimer leurs attentes auprès de leurs députés, via cette plateforme de mise en relation. La proposition de loi a déjà fait l’objet de débats en commission des affaires économiques. Les députés, et notamment ceux de la majorité LREM, avaient rejeté en bloc l’article proposant une sortie progressive de l’élevage intensif, préférant faire confiance aux filières pour mettre en place des avancées en matière de bien-être animal.
Les députés ont ainsi mis en avant les progrès de la filière œufs pour abandonner progressivement l’élevage en cage, mais ils oublient que ceux-ci ont été rendus possibles par les intenses mobilisations citoyennes et associatives qui ont amené plus de 150 entreprises à renoncer aux œufs de poules en cage d’ici 2025, permettant de passer de 80 % de poules en cage en 2008 à 47 % aujourd’hui. Les autres filières continuent quant à elle d’afficher depuis des années les mêmes chiffres effarants de 99 % de lapins en cage, 83 % des poulets et 97 % des dindes en bâtiments fermés, 95 % des cochons sur caillebotis.
Un enjeu sanitaire et environnemental
Lors de ces débats en commission des affaires économiques, Cédric Villani avait rappelé que « ce sont uniquement les conditions d’élevage dans le cadre de l’industrialisation qui ont amené les animaux à adopter des comportements tels que l’automutilation. Le cochon dans ces bâtiments n’est pas dans des conditions où il peut satisfaire ses besoins fondamentaux. » Après ces débats préliminaires, l’examen de la proposition de loi en séance publique est un rendez-vous parlementaire majeur qui permettra un débat sérieux et transparent sur la sortie de l’élevage intensif, dont 88 % des Français souhaitent la fin.
En outre, si la souffrance animale ne représente pas une urgence éthique pour tous les députés, ceux-ci devraient également avoir à l’esprit les risques sanitaires (zoonoses, antibiorésistance) et de santé publique (facteur de risque de certaines maladies) auxquels ce modèle d’élevage expose la population, ainsi que son impact négatif aux niveaux environnemental (émissions de gaz à effet de serre, déforestation, pollution de l’eau, appauvrissement des sols, etc.) et social (précarité, endettement, santé physique et mentale des éleveurs, etc.).
Des amendements ambitieux
Différents amendements apportés au texte ajoutent également des mesures ambitieuses pour une sortie progressive de l’élevage intensif et l’élimination des pires pratiques à l’œuvre aujourd’hui, de l’interdiction de la commercialisation de fourrure à la fin de l’élevage en cages, en passant par l’interdiction de l’abattage sans étourdissement. Parmi ces propositions d’avancées en matière de bien-être animal, notons aussi un amendement plus singulier déposé par certains députés, qui proposent de condamner l’intrusion illégale au sein d’une exploitation agricole afin d’y apposer des caméras d’une amende de 50 000 euros. En comparaison, les cruautés sur animaux ne font à l’heure actuelle encourir que 30 000 euros d’amende à leur auteur.
La voie législative demeure aujourd’hui un levier de premier ordre pour sortir de cette impasse. Pour Brigitte Gothière, cofondatrice de L214, cette proposition de loi offre aux députés « la possibilité d’engager la sortie de l’élevage intensif et d’impacter le sort de plus de 900 millions d’animaux élevés en bâtiments sans aucun accès à l’extérieur. Les images que nous publions aujourd’hui s’adressent aux députés : il faut qu’ils aient à l’esprit l’effroyable réalité de l’élevage intensif pour résister à la pression d’un syndicat comme la FNSEA… Leurs votes, et ceux de leurs groupes politiques, seront observés avec attention à l’approche des prochaines échéances électorales. »
Le débat public se poursuivra en effet lors des prochains mois, tant à l’Assemblée qu’à l’approche des prochaines échéances électorales. Dans cette perspective, les citoyens, toujours plus nombreux à être sensibles au sort réservé aux animaux, seront particulièrement attentifs aux différents votes des groupes politiques et des députés. L’examen en séance publique du texte est donc l’occasion pour la majorité de l’Assemblée de démontrer qu’elle est à l’écoute des citoyens.