Au cours du mois de Septembre 1957, un terrible accident nucléaire survient à Mayak, en Russie. À l’occasion des 60 ans de l’accident, Greenpeace est allé enquêter sur place au cours du mois dernier. Résultat : les déchets nucléaires font toujours autant de dégâts, et les victimes de la catastrophe sont toujours autant délaissés par l’entreprise responsable. Pourtant, le monde semble avoir oublié ce drame industriel d’ampleur. En avez-vous seulement jamais entendu parler ?
Retour sur le troisième plus gros accident nucléaire de l’histoire
Le 29 septembre 1957, une explosion se déclenche à l’usine de séparation du plutonium de Mayak, située au sud de la chaîne de l’Oural, en Russie. Le site est utilisé par l’entreprise Rosatom pour entreposer et stocker les combustibles nucléaires usés des réacteurs. L’accident a été évalué de niveau 6 sur l’échelle de l’INES (l’échelle internationale des événements nucléaires) et est aujourd’hui considéré comme la troisième plus grosse catastrophe nucléaire de l’histoire, juste après Tchernobyl et Fukushima.
Cette tragédie a été causée par une « simple » panne dans le système de refroidissement des cuves de déchets enterrées, ce qui a provoqué une puissante explosion chimique, équivalente à 75 tonnes de TNT. À savoir, ce n’est qu’en 1976 que furent révélées les premières informations sur cet accident nucléaire, l’Union soviétique ayant maintenu pendant près de 20 ans un régime de secret défense sur l’événement. Il n’y a donc pas eu de choc médiatique au moment de l’évènement.
Et on se doute de la raison, en constatant à quel point les conséquences de cette catastrophe sont désastreuses. En tout, plus de 270 000 personnes furent exposées aux radiations dans une zone de 20 000 km². Au total, 800 km² de territoire ont été fermés et plus d’une vingtaine de villages complètement détruits, bien que certaines familles vivent encore dans les ruines. Si le gouvernement a offert à ce moment une somme d’argent pour permettre aux habitants de quitter les lieux, cela n’était pas suffisant pour beaucoup d’entre eux.
Force a été de constater également que la plupart des consignes de sécurité sanitaire n’ont pas été respectées. Ainsi, les habitants sont en présence, encore aujourd’hui, de quantités importantes d’éléments radioactifs dans leur alimentation et au quotidien.
“Même 60 ans après l’explosion, Mayak continue de contaminer la rivière locale du Techa avec des substances radioactives.”
Des populations encore exposées aujourd’hui à de graves dangers
D’après le rapport de Greenpeace Europe centrale et orientale, des milliers de personnes, situées dans une douzaine de villages autour de Mayak, sont exposées à des substances radioactives en permanence. En effet, on a retrouvé en quantité alarmante des éléments radioactifs dans la rivière Techa, qui longe la ville. Or, les habitants des villages se servent de l’eau de la rivière, mangent le poisson qu’ils y pêchent, l’utilisent pour l’agriculture et font paître leur bétail dans cette zone.
Selon les experts de Greenpeace, “le strontium-90 [principal élément radioactif retrouvé dans l’eau et dans les poissons de la rivière Techa, n.d.l.r] est facilement absorbé par le corps humain car il imite chimiquement le calcium, en particulier pendant la phase de croissance chez les enfants. De cette façon, il entraîne une exposition interne durable aux radiations.”
Plus absurde encore, le site de Mayak continue de recevoir aujourd’hui du combustible nucléaire usé, comme si l’incident n’avait jamais eu lieu. De ce fait, des rejets de déchets radioactifs liquides continueraient de polluer les étangs de radionucléides et de contaminer la rivière… Mais évidemment, Rosatom, l’entreprise nucléaire responsable, ne se sent pas dans l’obligation d’en avertir les populations.
Le silence coupable de Rosatom
Si le site de Mayak fait bien des contrôles, les conclusions ne sont pas transmises aux populations. Pire même, les rapports officiels partagés démentent complètement la présence de rejets, mais affirment cependant que « des déchets radioactifs liquide sont stockés dans des bassins ». Selon Greenpeace, des études antérieures démontrent qu’environ 5 à 6 millions de mètres cubes de déchets radioactifs proviennent de ces bassins et s’écoulent dans la rivière Techa chaque année. Si le strontium-90 met en moyenne une trentaine d’années avant de ne plus présenter de risques de santé, d’autres déchets radioactifs peuvent prendre des milliers d’années avant de disparaître.
On assiste donc à une mise en danger perpétuelle de toute une population. Aujourd’hui, 60 ans après la catastrophe, le silence de Rosatom et des scientifiques ne démontrent qu’une seule chose : la réification en objet d’étude d’une population victime, observée ainsi depuis des décennies, pour mieux observer le phénomène “avant-après” d’un accident nucléaire.
Rashid Alimov, coordinateur de la campagne nucléaire de Greenpeace Russie, s’est exprimé à ce sujet : « Depuis plusieurs années, les villageois se battent pour leurs droits alors que Rosatom et le gouvernement persistent à nier les conséquences désastreuses de la contamination pour les populations locales. Rosatom dément la contamination en cours alors même que nous savons que des déchets radioactifs sous forme liquide sont déversés dans l’environnement. La population locale souffre toujours de maladies causées par de longues expositions aux radiations« .
En un mot, si “Rosatom se targue d’avoir un portefeuille de commandes de 130 milliards de dollars et de construire des centrales nucléaires dans le monde entier”, l’entreprise se moque bien de jouer – littéralement – avec la vie de toute une population et de son environnement. Le nucléaire représente un danger sans précédent. À ce propos, une très récente expertise, publiée par Greenpeace, exposait les failles de sécurité de nos centrales. Enfin, tout notre soutien va aux populations de Mayak et de ses alentours, victimes de la folie nucléaire.
Moro
Sources : Greenpeace / Article « 1957 : L’accident nucléaire de Mayak en URSS » de Nucléaire-nonmerci.net / Laradioactivité.com / Mr Mondialisation /
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