À tort ou à raison, Monsanto est considérée par nombre d’écologistes comme la multinationale la plus détestable et détestée au monde. Son emprise sur le secteur de l’agriculture via ses organismes génétiquement modifiés ne l’a pourtant pas protégée d’une lourde crise…

Son but officiel (ou commercial) était d’améliorer le sort de l’humanité par le biais de la prolifération des OGM et des pesticides qui vont avec. Pour ce qui est d’avoir sauvé le monde, on peut émettre des doutes, mais en matière d’objectif économique, la multinationale va atteindre ses objectifs avec une croissance soutenue depuis plusieurs années. En effet, la société tentaculaire détient aujourd’hui le monopole du marché des semences transgéniques dans le monde. En matière d’intrants chimiques, son herbicide Roundup inonde le marché mondial de l’agriculture malgré son classement en « probablement cancérogène » par l’OMS en mars 2015 et les divers scandales qui frappent le produit. À titre d’exemple, une université révélait en octobre 2015 que 85% des tampons et serviettes contenaient des traces du fameux herbicide. Qu’on redoute ou non l’utilisation des OGM, il est désormais impossible d’échapper à Monsanto et à son lobbying forcené, jusque dans notre intimité.

Si certains la disent plus puissante que les gouvernements, Monsanto n’est qu’une entreprise cotée en bourse comme les autres. Elle répond à la demande du marché (gouvernements/consommateurs) et sa survie dépend de la confiance des investisseurs en sa capacité à générer des bénéfices. En 2015, l’Union Européenne autorisait la commercialisation de 19 OGM, dont 11 de Monsanto. Cet appel d’air ne suffira pas à relancer la multinationale qui, fin 2015, annonçait une chute de 15,5% de ses bénéfices en l’espace d’un an. Dans le même temps, en France, le groupe était condamné par la cour d’appel de Lyon pour l’intoxication d’un agriculteur français qui utilisait l’herbicide Lasso. Ce recul de 2.31 milliards de dollars sur son dernier exercice fiscal avait contraint l’entreprise à devoir se séparer de 2.600 travailleurs, soit 13% de ses effectifs.

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Mais la chute ne s’arrête pas là

Début 2016, le ralentissement des ventes des semences transgéniques dans le monde continue de frapper le géant américain. De plus, nombre de pays poursuivent le gel de la commercialisation du désherbant vedette Roundup. Ce mercredi 6 janvier, Monsanto a donc annoncé une nouvelle suppression de 1.000 emplois supplémentaires d’ici 2018. Une « décroissance » forcée qui devrait lui coûter jusqu’à 1,2 milliard de dollars de restructuration tout en lui faisant économiser 400 millions de dollars par an. Malgré ses efforts, les prévisions 2016 sont loin d’être encourageantes pour la multinationale qui envisagerait une fusion de sauvetage avec le groupe chimique suisse Syngenta. Cependant, la multinationale conserve des ressources mais sa survie dépendra de l’évolution du marché ces prochaines années.

Monsanto serait-il rattrapé par les enjeux environnementaux qui mobilisent de plus en plus les citoyens et le débat public ? Rien n’est certain à ce stade. Dernièrement, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a jugé « improbable » le caractère cancérogène du glyphosate, lavant de tout soupçon, par la même occasion, le Roundup de Monsanto. S’opposant de plein front aux conclusions scientifiques de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), l’EFSA a adopté une méthode d’étude très controversée, observant le produit dans sa composition chimique simple, et non pas le produit commercialisé et au contact de la population (lire notre article pour comprendre). Ce rapport est pourtant supposé éclairer les décideurs de la Commission Européenne qui devra prochainement réévaluer les autorisations de commercialisation du produit dans l’Union. Cette décision pourrait jouer un rôle décisif quant à l’avenir de Monsanto mais également de toute l’alimentation industrielle en Europe.

Rappelons à toutes fins utiles que des alternatives biologiques au Roundup, sans danger pour l’Homme, existent dès à présent. Citons par exemple Osmobio, une entreprise française qui propose une alternative naturelle au glyphosate. Jacques Le Verger, à l’origine de cette innovation, attend cependant l’autorisation de mise sur le marché de son désherbant biologique depuis trois ans. Deux mondes aux logiques diamétralement opposées semblent se disputer l’avenir de la planète et les prochaines décisions des gouvernements pèseront fortement dans la balance. On rappellera que 200.000 agriculteurs et 3 millions de jardiniers utilisent le Roundup en France et que les semences Monsanto se retrouvent sur 25% des terres cultivables françaises.

MonScarecrow_Freda_webAnthony Freda

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Source : lesechos.fr / Illustration à la une Anthony Freda

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