À peine la COP21 clôturée, l’État français semble vouloir brader le plus ancien site d’enseignement et de recherche agronomique, le domaine de Grignon et ses deux siècles d’histoire. Dans quel but ? Y installer le futur camp d’entraînement du PSG, projet financé par le Qatar… Nourrir la planète ou les actionnaires du PSG ? Quel choix adopter à l’heure des grands discours écologiques de la COP21 ?

Qu’est ce que le domaine de Grignon ?

Situé dans les Yvelines, le domaine de Grignon était au Moyen-âge un fief du comté de Montfort et Thiverval. Il est constitué d’un château édifié en 1636 et d’un parc de 300 hectares. En 1836, le domaine est mis à la disposition de la Société Royale Agronomique qui y créa l’Ecole Nationale Agronomique de Grignon. Cette école deviendra plus tard l’INA-PG (Institut Nationale Agronomique Paris-Grignon), puis AgroParisTech 2007. D’une grande beauté et culturellement riche, le site est inscrit à l’inventaire des monuments historiques. Pendant la seconde guerre mondiale, fut notamment le siège de nombreux résistants, dont le réseau Prosper.

Au-delà de cet aspect symbolique pour la France, le site présente un intérêt écologique et géologique exceptionnel. Et pour cause, le Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel (CSRPN) indique qu’il dispose du site fossilifère le plus riche au monde. L’institut lui a même reconnu, le 26 novembre 2015, un potentiel scientifique de rang international. De plus, comme le souligne Leonce Vilbert, ancien élève de l’Agro, « Grignon a été choisi à cause de la diversité de ses sols et sous-sols, de ses espèces endémiques, des expositions différentes,… ».

Mais ce n’est pas tout ! En dehors de ces considérations historico-symboliques, le domaine abrite la ferme expérimentale de Grignon, un centre équestre, un arboretum et d’autres structures fonctionnelles. Mais au printemps dernier, le conseil d’administration de l’école AgroParisTech a voté son déménagement au plateau de Saclay à l’horizon 2020. S’est alors posée la question pour l’État français de l’avenir du domaine…

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Un sacrifice au nom du sport

L’histoire a commencé quand un contact s’est établi entre le ministère de l’agriculture et le fameux club sportif Paris Saint-Germain Football Club (PSG). En effet, le club, racheté par Qatar Sport Investments en 2012, cherche à aménager un grand camp d’entraînement aux alentours de Paris, ce qui n’a pas échappé à certains membres du ministère qui cherchaient à se trouver un acquéreur pour le domaine. Et le projet s’annonce pharaonique. Avec un budget de 300 millions d’euros, il prévoit la construction de 18 terrains de football, un stade de 5000 places, un autre de 1000 places, le tout agrémenté d’un parking pour accueillir les foules. Un projet qui s’annonce aussi ambitieux que les camps d’entrainement du Real ou du Barça.

Souci de taille, le projet devrait entrainer la destruction de la forêt locale et des sites géologiques si précieux. Par ailleurs, les terres agricoles du domaine seront artificialisées. Étudiants, écologistes ou simples riverains, l’opposition n’a pas tardé à se manifester autant sur internet que physiquement par des manifestations. Les riverains se disent particulièrement inquiets et certains vont jusqu’à menacer de quitter leur village. Côté scientifique, la majorité des chercheurs de l’école AgroParisTech et de l’INRA Versailles ont exprimé leur désaccord avec ce projet.

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Pour cause, un solution alternative était envisagée afin de revaloriser le site de Grignon : la construction d’un centre de recherche international sur le réchauffement climatique, appliqué à l’agriculture. Ce projet s’inscrirait dans la continuité des travaux menés par l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) de Grignon. Des recherches qui portent notamment sur l’amélioration des services éco-systémiques des sols agricoles, l’impact de l’agriculture sur les gaz à effet de serre,… Des domaines particulièrement vitaux pour l’avenir de la planète et plus pragmatiquement vis à vis de l’engagement de la France dans la lutte contre la crise climatique et écologique.

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Sylvain Chaillou, professeur à AgroParisTech et chercheur à l’INRA, trouve cette piste alternative « excellente ». Il ajoute que « il serait désolant que le site de Grignon, très lié à l’histoire de l’agriculture et de l’agronomie française, ne soit plus partie prenante de l’avenir de cette même agriculture. » au moment où le monde doit se préparer à une crise sans précédent pour nourrir ses habitants. En effet, le dernier rapport du FAO estime que l’agriculture intensive va conduire 33% des terres agricoles à dépérir dans les décennies à venir. Face aux multiples crises environnementales, l’exploration scientifique d’alternatives appliquées pourrait bien devenir une question de survie. Dans le cadre de la COP21, le ministère de l’agriculture a d’ailleurs lancé le programme « 4 pour 1000 » dont l’objectif est de développer la recherche agronomique afin d’améliorer les stocks de matière organique des sols. Le site de Grignon pourrait-il faire office d’exemple dans ce cadre ?

La mise en danger du patrimoine français

Au-delà du cas spécifique du site de Grignon, c’est une partie importante du patrimoine collectif français qui est menacée de vente, au profit notamment du Qatar, mais plus globalement du capital : hôtellerie, immobilier, industrie, tous les secteurs sont touchés. Le petit émirat s’est également fait remarquer par son entrée au capital de plusieurs stars du CAC40. Certains ont même craint la vente de la tour Eiffel, ce n’était heureusement qu’un mauvais poisson d’avril, un peu trop plausible pour être vrai.

Pour l’heure, la décision officielle de l’implantation du PSG à Grignon devrait être prise d’ici mi-mars. Une pétition a été lancée à l’intention de Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, contre la vente du site de Grignon au Qatar et l’implantation du PSG. Affaire à suivre.


Sources : AgroParisTech / Le chore républicain / CSPRN / La Dépeche / Le Parisien / Témoignages recueillis par Olivier Rousselle  / Photographies : Wikimedia Commons, Association Arbre de fer.

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