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PAC : un déni écologique avec 80% d’aides à l’élevage

Selon une récente étude publiée dans Nature Food, plus de 80 % des subventions européennes versées aux agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune (PAC) sont destinées aux produits d’origine animale, malgré les dommages qu’ils causent à l’environnement. Incompatible avec l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050, le soutien de l’Union européenne envers une agriculture hautement émettrice de gaz à effet de serre s’affiche indéfectible

« La grande majorité des subventions agricoles de l’UE soutiennent l’élevage de viande et de produits laitiers plutôt que des alternatives végétales durables », estime Anniek Kortleve, doctorante à l’Université de Leiden (Pays-Bas) et principale autrice de l’étude.

Plus de 80% des subventions soutiennent l’élevage

Pour la première fois, les cultures des plantes destinées à nourrir les animaux ont été prises en compte dans les calculs des scientifiques pour établir l’ampleur du soutien de l’Union européenne à l’élevage. Le résultat de leurs recherches est édifiant, puisque 82% des subventions sont destinées à la production carnée et laitière. 38% de ces aides sont directes et bénéficient directement aux éleveurs, alors que 44% sont de nature indirectes et encouragent l’alimentation destinée aux animaux.

Les subventions accordées dans le cadre de la politique agricole commune (PAC) pèsent déjà lourd dans le budget européen, représentant environ 38 % des dépenses totales.  « Nous avons constaté que sur les 57 milliards d’euros du budget annuel de la PAC, 46 milliards d’euros étaient consacrés aux produits d’origine animale, principalement des aliments comme le bœuf, le porc, le poulet, les produits laitiers et les œufs », explique la chercheuse dans un article publié sur TheConversation.

La politique agricole commune de l’Union européenne influence fortement le système alimentaire de l’Union européenne via les subventions agricoles. – Source : Pixabay

Un soutien autrefois sous-estimé

Les données sur lesquelles se basent l’étude datent de 2013, « mais la proportion de la subvention a très peu changé depuis », estime l’équipe de recherche. En outre, l’étude se démarque des précédents travaux de recherche produits à ce sujet : « nos estimations sont plus élevées que ce que l’on pensait auparavant, car nous disposons désormais d’une image plus complète des subventions dont bénéficient également les aliments pour animaux ».

A titre d’exemple, les subventions de la PAC pour la viande bovine passent de 0,71 €/kg à 1,42 €/kg une fois les aliments produits pour nourrir les animaux d’élevage inclus dans le calcul. « Sur cette base, nous montrons que le soutien de la PAC double à peu près pour les aliments d’origine animale », relève la chercheuse. Un agriculteur français cultivant du blé pour l’alimentation de ses porcs ou de ses poulets recevra donc une subvention supplémentaire pour cette production, qu’un éleveur danois important cet aliment pour nourrir son cheptel ne percevra pas.

L’Union européenne face à ses contradictions

Ces données révèlent un paradoxe important : alors que l’Union européenne s’engage vers la neutralité carbone d’ici 2050 et s’implique dans la lutte contre le dérèglement climatique, à travers le Green deal notamment, elle soutient en parallèle une agriculture peu vertueuse.

« Les mêmes aliments d’origine animale sont associés à 84 % des émissions de gaz à effet de serre de la production alimentaire de l’UE », relèvent les auteurs de l’étude. En outre, ces produits sont également à l’origine d’une très grande part de la perte de biodiversité sauvage et cultivée, de la consommation d’eau ou encore de la pollution de l’air et de de l’eau.

Le résultat d’une telle politique est dramatique et fait apparaître « une situation inégale dans laquelle les produits d’origine animale sont moins chers qu’ils ne le seraient autrement », déplore Anniek Kortleve.

« Cela donne l’impression que les fruits, les légumes et les noix sont relativement plus chers que la viande ou les produits laitiers, ce qui va à l’encontre des efforts visant à réduire les dommages environnementaux du système alimentaire européen et à encourager une alimentation plus saine ».

Un régime alimentaire plant-based : une solution d’avenir

Et pour cause, les scientifiques s’accordent aujourd’hui sur le fait qu’adopter des régimes alimentaires principalement végétaux est la meilleure solution pour réduire les impacts environnementaux liés à l’alimentation – en plus que d’améliorer la condition animale – surtout dans les pays à revenu élevé qui disposent des moyens et ressources suffisants pour assurer une alimentation équilibrée à leurs citoyens.

Cette transition vers des modes alimentaires pauvres en produits carnés et laitiers contribuerait également à libérer des espaces de cultures, aidant ainsi à atteindre les objectifs climatiques et renforçant la sécurité alimentaire. « Pourtant, les subventions de la PAC perpétuent le système existant, sans contribuer à sa transition », regrette l’équipe de l’Université de Leiden. « Le système alimentaire mondial à lui seul suffit à dépasser les objectifs climatiques de 1,5°C, voire de 2°C de réchauffement. Nous devrons prendre des mesures drastiques pour effectuer une transition suffisamment rapide », concluent les chercheurs.

Aux côtés des scientifiques, nombreux sont les paysans qui réclament une meilleure répartition des budgets européens, soutenant davantage les pratiques agricoles vertueuses et s’émancipant enfin des pressions du secteur agro-industriel.

– L.A.


Photo de couverture de Ieva Brinkmane. Pexels

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