Une étude récente tire la énième sonnette d’alarme quant aux méfaits de la surpêche, mettant en avant l’aberration que constituent les nouvelles avancées technologiques destinées à améliorer les rendements halieutiques. C’est un fait, les populations de poissons connaissent un déclin exponentiel à cause de la pêche industrielle. Cette dernière menace les écosystèmes aquatiques et affame les oiseaux marins qui risquent l’extinction. Afin que cette vie puisse avoir une chance d’être sauvée, le modèle sociétal de consommation de masse doit être remis en cause d’urgence.

Le développement de nouvelles technologies permet de doubler la capacité de pêche des flottilles tous les 35 ans, aggravant de toute évidence, l’épuisement des « stocks » de poissons qui sont depuis longtemps surexploités. Ce sont les conclusions des travaux réalisés par des scientifiques du groupe de recherche international « Sea Around Us » de l’Université de la Colombie Britannique, au Canada. En effet, l’impact destructeur de la pêche sur les écosystèmes marins ne cesse de s’intensifier avec pour cause des moyens techniques toujours plus avancés : GPS, sondeurs, caméras acoustiques… Face à une demande toujours croissante et une soif de rentabilité démesurée, tous les moyens sont bons pour capturer plus aisément du poisson en grandes quantités. En matière de rendement, c’est un véritable succès pour la pêche industrielle avec une amélioration de 2 % par an de la capacité de pêche des bateaux. Mais à quel prix ? On assiste ici à une croissance chimérique parfaitement grotesque dans un contexte de raréfaction des ressources.

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« Nous savons déjà que les captures de la pêche maritime ont diminué de 1,2 million de tonnes par an depuis 1996; ainsi, en incitant les bateaux à pêcher plus en profondeur en haute mer, ces nouvelles technologies ne font qu’aider l’industrie à compenser la diminution de l’abondance des populations de poissons. » déclare Daniel Pauly, principal enquêteur de Sea Around Us.

Malheureusement, les personnes chargées de la gestion des pêcheries n’ont que faire des conséquences délétères des technologies avancées sur la vie aquatique, le but étant de préserver l’illusion d’une abondance infinie, même si cela nécessite un pillage massif des milieux marins. La surpêche représente pourtant un des pires dangers pour les océans et leur faune. Le rythme de prélèvement des populations de poissons engendre l’impossibilité de la reconstitution de celles-ci. Une étude publiée en 2018 dans la revue « Science », indique que la pêche industrielle exploite plus de la moitié des océans de la planète (au moins 200 millions de km2), superficie quatre fois plus élevée que celle des zones terrestres dédiées à l’agriculture. D’autre part, environ 90 % des stocks de poissons marins à l’échelle de la planète sont pleinement exploités, surexploités ou épuisés. La surcapacité des flottilles, mais également la pêche illégale, non réglementée ou non déclarée, sont les principaux initiateurs de ce désastre écologique. En France, moins de la moitié des poissons sont issus d’une exploitation durable.

Sur le plan environnemental, la surpêche est aussi responsable d’une prolifération exponentielle des méduses, en sachant que de nombreux poissons en sont des prédateurs naturels. Ceci crée un cercle vicieux car les méduses peuvent se nourrir d’œufs de poissons, empêchant ainsi ces derniers de se renouveler adéquatement. Et ce n’est pas tout, les écosystèmes marins ne sont pas les seuls à souffrir des méfaits de la surexploitation des mers et des océans : la disparition de 70 % des populations d’oiseaux marins entre 1950 et 2010 est également imputable à la surpêche selon une étude réalisée par des chercheurs du CNRS, de l’Université d’Aberdeen (Ecosse) et de l’Université de Colombie Britannique (Canada). Elle crée de lourdes contraintes alimentaires pour ces espèces qui forment aujourd’hui le groupe d’oiseaux le plus menacé d’extinction.

Un fléau écologique et social

Le documentaire « Surpêche – la fin du poisson à foison », réalisé par Jutta Pinzler et Mieke Otte, dénonce les problèmes environnementaux et sociaux engendrés par des pratiques en évolution constante dans le but de produire plus pour consommer toujours plus. Les fonds marins s’épuisent jour à jour et leur destruction serait 150 fois plus rapide que celle des forêts tropicales selon les experts. Les nouvelles technologies élaborées pour la pêche industrielle permettent d’exploiter des zones toujours plus profondes, ravageant des écosystèmes dont l’équilibre est déjà fragile. Le chalutage permet de racler les fonds marins et remonter à la surface tout ce qui s’y trouve, entraînant, selon Greenpeace, en moyenne 30 à 40 % de prises accessoires (pourcentage pouvant être bien plus élevé selon les pratiques de pêche), rejetées par millions en haute mer, sans possibilité de survie. Ceci met en danger des populations de poissons d’espèces qui, en fin de compte, ne seront même pas destinées à la consommation. Un gaspillage monstrueux qui, bien qu’interdit aujourd’hui, a fait des dégâts probablement irréparables et continue à ce jour à être illicitement perpétré. Les réformes politiques européennes liées à la pêche sont par ailleurs largement critiquées par les industriels mais restent insuffisantes aux yeux des défenseurs de l’environnement. Bien entendu, des sommes faramineuses étant en jeu, l’industrie de la pêche demeure encore et toujours dans son rôle d’autruche, ignorant volontairement son impact inqualifiable sur les écosystèmes.

D’autre part, des quantités colossales de poisson sont importées des pays pauvres et affament les habitants locaux qui dépendent de la pêche pour survivre. Selon la FAO, les pays en voie de développement comptent pour plus de la moitié des exportations de poisson. La surpêche a ainsi des conséquences tragiques pour ces populations qui peinent à se nourrir et travaillent dans des conditions désastreuses, au profit, principalement, de la consommation occidentale. Cela va sans dire, les pêcheurs locaux pâtissent également de la pêche industrielle et ce, à travers le monde entier. Les petits artisans font régulièrement faillite tandis que les gros armateurs prospèrent. L’Union européenne est le premier importateur au monde de produits de pêche et la consommation de ces derniers a doublé entre 1960 et 2012. Les relations halieutiques entre l’UE et les pays plus pauvres – principalement la Mauritanie – ne contribuent en aucun cas à la prospérité de ceux-ci, c’est même tout l’inverse. La concurrence au fort pouvoir d’achat est source de pénuries pour les populations locales et ceci, sans compter la pêche illégale qui ne respecte pas les quotas définis et entraîne un gaspillage monstrueux, un massacre absurde des « prises accessoires ». Des pratiques qui, bien qu’illicites et condamnables sur tous les plans, sont encouragées par le marché.

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Changer un système immoral

La politique soutient depuis longtemps la pêche industrielle grâce à des subventions visant à améliorer autant que possible les rendements : des bateaux surarmés, suréquipés, dans un objectif de surexploitation. Entre 2021 et 2027, l’Union européenne accordera un financement supplémentaire, à hauteur de 6 milliards d’euros, à l’industrie de la pêche. La pêche « high-tech » permet un nombre de prises accessoires toujours plus élevé et celles qui ne sont pas rejetées illégalement dans la mer sont souvent transformées en farines de poisson, détruisant pour rien une merveilleuse biodiversité marine. Les quotas imposés perdent ainsi tout leur sens et le gaspillage demeure massif. Par ailleurs, il ne faut pas oublier la cruauté des pratiques auxquelles a recours la pêche industrielle et qui infligent une souffrance épouvantable aux poissons (qui suffoquent longuement et sont souvent éviscérés vivants). Comme le montrent des études multiples, de même que les humains et les autres mammifères, les poissons ont un système nerveux central mais aussi des structures cérébrales leur permettant de ressentir la douleur[1],[2].  La souffrance physique ne leur est donc en aucun cas étrangère. D’autre part, ce sont également des êtres sociaux dotés de personnalités particulières, d’un système de communication élaboré, d’aptitudes avancées d’apprentissage et de comportements, sans oublier leurs capacités émotionnelles[3].

Source : WWF/Hélène Petit.

Nous avons tendance à oublier l’importance des océans qui recouvrent 70 % de cette planète, curieusement nommée « Terre ». Les limites de leur durabilité sont constamment repoussées, mettant en péril, non seulement la vie aquatique mais également la vie terrestre. Des politiques internationales strictes doivent être mises en place pour donner une chance à la faune et à la flore océanique de se régénérer mais aussi pour bannir les méthodes de pêche abjectes. La demande doit avant tout être citoyenne. D’autre part, il faut aussi garder à l’esprit que c’est la consommation massive d’animaux marins (avec une demande toujours croissante) qui est le principal rouage de la pêche industrielle. Comme pour tout le reste, une réduction drastique s’impose aujourd’hui. Chacun, à son échelle, peut faire des choix alimentaires responsables pour boycotter cette industrie destructrice. Les espèces particulièrement menacées, « à ne pas acheter », sont listées dans un guide intitulé « Slow Fish ». Des conseils supplémentaires sont communiqués par la CIWF, une ONG internationale qui s’oppose à l’élevage industriel et dont l’objectif est de promouvoir les pratiques respectueuses du bien-être animal. Il est important de rappeler que le boycott peut avoir des conséquences fatales sur le secteur industriel qui subsiste principalement grâce aux consommateurs. Faire les bons choix, c’est se permettre de devenir acteur dans l’écroulement d’un château de cartes plus fragile qu’il n’y paraît.

– Elena M.

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