À la vue des études, rapports et données qui s’accumulent année après année, grâce au travail de milliers de chercheurs éparpillés à travers le monde, le réchauffement climatique est aujourd’hui une réalité scientifique qu’il est difficile de nier. La question n’est plus de savoir s’il aura lieu, mais de savoir quelle proportion atteindra la hausse des températures dans 30 ou 50 ans et quelles en seront les conséquences sur la santé, l’agriculture, la production électrique ou la vie animale. L’enjeu est donc de s’y préparer et d’agir maintenant afin de contenir les changements à venir autant que possible. Voici un panorama des conséquences possibles dans l’hexagone selon les projections scientifiques.
De quoi parle-t-on ?
Le réchauffement climatique désigne un « phénomène d’augmentation de la température moyenne des océans et de l’atmosphère terrestre, mesuré à l’échelle mondiale sur plusieurs décennies, et qui traduit une augmentation de la quantité de chaleur de la surface terrestre » (Wikipédia). Dans son acceptation commune, il désigne le réchauffement observé depuis le début du XXe siècle, conséquence du changement climatique anthropique (causé par l’Homme) dû à la révolution industrielle et tout particulièrement à l’exploitation des énergies fossiles.
Nous nous focaliserons dans cet article sur ses conséquences possibles au niveau de la France pour les prochaines décennies. En effet, le réchauffement climatique ne concerne pas seulement l’Arctique, l’Afrique ou l’Asie du sud-est : les zones tempérées sont également touchées. Rien n’est figé et plusieurs scénarios sont étudiés par les chercheurs, certains optimistes et d’autres pessimistes, selon l’augmentation moyenne des températures d’ici 2050. Demain, donc.
Impacts sur la Santé
C’est certainement le point le plus important : le réchauffement climatique aura très probablement des conséquences sanitaires sur les populations. En France, trois facteurs seront prédominants : les vagues de chaleur, les allergies et les maladies exotiques. Une vague de chaleur est définie comme une « période de plusieurs jours durant laquelle les hautes températures ne redescendent pas durant la nuit« . Elles coïncident avec les épisodes de canicules. Quel que soit le modèle informatiques étudié, ce sera le Sud-Est qui souffrira le plus de l’augmentation en fréquence, durée et amplitude des vagues de chaleur.
Outre les conséquences directes de la chaleur touchant les personnes à risques (malades, bébés, personnes âgées…), les canicules favoriseront le développement de l’Ambroisie à feuilles d’armoise, plante allergisante originaire d’Amérique du Nord dont les pollens provoquent rhinites, conjonctivites, trachéites et crises d’asthme. D’après l’étude Atopica (CNRS, Ineris et RNSA) parue dans la revue Nature Climate Change en mai 2015, la concentration de ces pollens pourrait quadrupler d’ici 2050.
Femelle moustique tigre – Crédit : James Gathany/Centers for Disease Control/Wikimedia Commons/CC
Autre conséquence probable : l’expansion du fameux moustique tigre (parmi d’autres insectes exotiques) pourrait atteindre la totalité du territoire français en 2050, en dehors des montagnes. Ce moustique est porteur de maladies tropicales telles que la dengue et le chikungunya.
Au niveau international, le réchauffement climatique pourrait devenir l’un des principaux problèmes de santé publique. D’après un rapport de la Commission sur la santé et le changement climatique de la revue The Lancet publié en juin 2015, les phénomènes météorologiques extrêmes tels que les inondations et les canicules augmenteront les risques de maladies infectieuses, de malnutrition et de stress. Quand à la pollution, notamment aux particules fines, elle favorisera les pathologies cardiaques, pulmonaires et mentales.
Impacts sur l’agriculture
Autre secteur primordial touché de plein fouet : l’agriculture. Bien que les régions du globe chaudes et sèches seront les plus impactées, l’agriculture française le sera aussi. Le rapport « Les impacts du changement climatique en Aquitaine », publié par quinze chercheurs aquitains en collaboration avec l’INRA, a fait pour la première fois une expertise complète des conséquences possibles du réchauffement climatique sur une région française précise. Conclusion : le secteur agricole bordelais, tout particulièrement le secteur viticole, pourrait être bouleversé.
« En vingt ans, l’augmentation des températures, associée à des pratiques culturales particulières, a vu la date de maturité du raisin avancer de quinze à vingt jours. Elle pourrait encore gagner trente à quarante jours supplémentaires d’ici 2100 » explique Philippe Pieri, du laboratoire Ecophysiologie et Génomique Fonctionnelle de la Vigne de Bordeaux. Durant les vingt dernières années, l’augmentation des températures semble avoir plutôt profité à la vigne, lui permettant d’atteindre une maturité optimale plus rapidement. Qu’en sera-t-il si la température continue d’augmenter ?
« Le Conseil Interprofessionnel des Vins de Bordeaux s’est dit favorable à une modification de la réglementation
permettant l’introduction, à titre expérimental, de nouveaux cépages » – Source : http://urlz.fr/2hRd
D’ici 2050, Bordeaux pourrait atteindre les températures de Porto aujourd’hui (Portugal), d’après le département recherche de l’ONF (Office national des forêts). Les épisodes de sécheresse et les hautes chaleurs pourraient abimer les feuilles et les grains de raisins, pour au final détériorer la qualité du vin et amener un excès d’alcool. Deux solutions principales sont envisagées par les chercheurs : déplacer les vignobles dans des régions plus fraiches (ou du moins sur des coteaux exposés Nord) et modifier les cépages utilisés. Les cépages du Sud de l’Europe ou du sud-est de la France pourraient ainsi être privilégiés et sont déjà rentrés en phase de test : Grenache, Rioja espagnol, Touriga nacional portugais, Saperavi géorgien, Xinomavro grec…
Des techniques agronomiques sont également explorées : avancer la date des semis, augmenter la diversité génétique des semences (cruellement homogènes aujourd’hui), développer l’agroforesterie et les techniques d’ombrage, optimiser l’irrigation…De nouvelles techniques de vinification sont aussi envisagées, notamment pour contenir le taux d’alcool et limiter la perte d’acidité. Une seule certitude : pour la vin, la transition a déjà démarré.
Impacts sur la production nucléaire
La production électro-nucléaire sera impactée via les eaux utilisées par les centrales pour alimenter leurs turbines et refroidir leurs réacteurs. La réduction du débit des rivières menacera ainsi le bon fonctionnement des centrales nucléaires, qui pourraient être amenées à manquer d’eau. L’augmentation de la température des eaux, de son coté, limitera les capacités de refroidissement des réacteurs. En effet, au dessus d’une certaine limite légale atteinte par le fleuve (environ 28° C en France), les centrales doivent réduire la puissance de leurs réacteurs ou les arrêter le cas échéant. Ce qui risque d’arriver de plus en plus souvent.
Une étude publiée en Juin 2012 dans la revue Nature Climate change conseille, pour contourner le problème, de se tourner vers la fabrication de centrales utilisant l’eau salée des mers. Problème : le risque de submersion sera accru par la montée du niveau des océans et les épisodes de tempêtes majeures, qui seront de plus en plus fréquents d’après les experts du Giec (Groupement intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat). En décembre 1999, la puissante tempête Martin avait fait céder des digues en Gironde, inondant la centrale nucléaire du Blayais située à 50 km au nord de Bordeaux. Les trois réacteurs avaient été arrêtés en urgence. Depuis, la centrale ne cesse d’accumuler les dysfonctionnements, les évacuations et les opérations de maintenance, à tel point qu’elle est surnommée « Tchernoblaye » par ses opposants.
Manifestation à Bordeaux pour la fermeture de la centrale nucléaire du Blayais
Source : http://tchernoblaye.free.fr/ – Crédit : Jean-Louis Piquet
Ces différents problèmes rencontrés par la filière nucléaire, qui iront en amplifiant avec le changement climatique, amènent une partie de la communauté scientifique et la quasi-totalité des ONG environnementales à préconiser une sortie progressive du nucléaire accompagnée, à moyen terme, par la transition énergétique vers le 100% renouvelables. L’éolien, le solaire et la géothermie, notamment, ne sont pas ou peu impactés par les problèmes liés à d’eau. En parallèle, il va devenir urgent d’investir dans la rénovation thermique des bâtiments, l’architecture bioclimatique et la sobriété énergétique.
Nexcis, une entreprise française à la pointe de la technologie photovoltaïque, a par exemple développé un procédé pour équiper les fenêtres des bâtiments de filtres photovoltaïque permettant d’assurer leur autonomie énergétique. Le hic : son propriétaire, le géant du nucléaire EDF, a décidé de fermer sa filiale et de saborder la technologie développée…provoquant un tollé dans la communauté scientifique. Les salariés ont déposé un projet de reprise et ont jusqu’à fin Septembre pour réunir les fonds nécessaires. Affaire à suivre.
Impacts sur la biodiversité
La sixième extinction de masse a déjà démarré. Spécificité : elle est anthropique, causée par les activités humaines. D’ici à la fin du siècle, une espèce sur six est menacée à l’échelle mondiale selon un article de Mark Urban (université du Connecticut, USA) paru dans la revue Science le 1er mai 2015.
En France les effets varient selon les espèces, certaines profitant de la hausse des températures pour trouver refuge sur le territoire, quand d’autres se déplacent petit à petit vers le nord, jusqu’à bientôt disparaitre du pays – ou disparaitre purement et simplement si le changement est trop brutal. Parmi les gagnants : l’oie cendrée, le chêne vert, le saint-pierre, la chenille processionnaire (tant redoutée des propriétaires de chien) ou encore le bruant zizi (un oiseau, comme son nom ne l’indique pas). Revers de la médaille, les bruants jaunes, les mésanges et plus généralement les oiseaux migrateurs pâtiront sévèrement du réchauffement.
Bruant zizi mâle – Crédit : Jean-Pierre Moussus – Source : jpmoussus.canalblog.com
Ces derniers font coïncider la naissance de leurs petits avec le pic d’éclosion des insectes et chenilles dont ils les nourrissent. Suite au réchauffement, le décalage entre la présence plus précoce de nourriture et la naissance des oisillons va s’accroître, causant la disparition de nombreuses espèces d’oiseaux. Rappelons que si des réchauffements « naturels » se sont déjà produits au cours de l’histoire de la Terre, leur extrême lenteur permettait l’adaptation de nombreuses espèces. Le réchauffement anthropique est beaucoup trop rapide pour que l’évolution puisse jouer pleinement son rôle sans que la biodiversité n’en pâtisse sévèrement.
En Aquitaine, la forêt des Landes (un million d’hectares) pourrait être particulièrement touchée. L’accroissement de l’aridité et de la sécheresse favorisera l’apparition des incendies, auxquels les pins maritimes sont très vulnérables. Ceux-ci, plantés dans un sol composé en majorité de sable, sont aussi très sensibles aux tempêtes comme l’ont démontré les épisodes Martin en 1999, Klaus en 2009 et Xinthia en 2010, qui ont déraciné une grande quantité d’arbres. Ces conséquences ne sont pas seulement environnementales : la sylviculture fait vivre 74 000 personnes en Aquitaine (40 000 sylviculteurs + 34 000 emplois directs).
Landes : arbres déracinés par la tempête Klaus en 2009 – Crédit : PASCAL BATS – Source : sudouest.fr
Parmi les solutions avancées par Sciences et Avenir pour préserver la biodiversité : multiplier les aires terrestres et maritimes protégées, développer l’agroécologie et l’agroforesterie, et plus généralement, tout mettre en œuvre pour limiter les émissions de Gaz à effet de serre afin de contenir le réchauffement climatique en dessous des 2°. Limite à partir de laquelle les conséquences sur la faune et la flore pourraient être dramatiques.
Nous ajouterons une précision importante : le secteur ayant l’impact carbone le plus élevé (18% du total selon la FAO) et contribuant donc le plus au réchauffement est l’élevage (émissions de méthane, déforestation, production intensive de céréales, production d’antibiotiques et d’intrants chimiques, rejets de lisier…). Pour agir concrètement et efficacement, le premier geste à faire serait de diminuer sa consommation de viande et de lait, tout en privilégiant la qualité et les circuits courts (AMAP, Biocoop, marchés…).
Sources : Sciences et Avenir n°821 – juillet 2015 / sciencesetavenir.fr (1) / sciencesetavenir.fr (2) / sciencesetavenir.fr (3) / reporterre.net / ecologie.blog.lemonde.fr / sudouest.fr
En complément :
› Le littoral français face à la crise climatique : s’adapter ou lutter contre la mer ?