À Stockholm, des autobus roulent grâce aux eaux usées de la ville. Constituées en grande partie de nos déjections, ces eaux sales sont fermentées dans une usine pour produire du biogaz (ou bio-méthane), utilisé comme carburant. Regard sur une pratique novatrice.

En matière d’éco-responsabilité, la Suède est souvent montrée en exemple. Pour cause, alors que plus de 40% de son électricité est déjà renouvelable, le pays tente d’améliorer l’efficacité énergétique des secteurs qui peuvent l’être. C’est notamment le cas du transport qui nécessite une autre approche axée sur la revalorisation des déchets. La Suède donne désormais une seconde vie aux eaux usagées de la capitale d’une manière inattendue. Celles-ci sont réutilisées, traitées et exploitées pour créer la source énergétique qui anime un tiers des bus de Stockholm : le biogaz.

Ce bond en avant tient d’une ancienne usine souterraine d’Henriksdal. Inaugurée en 1941, la centrale assure le traitement des eaux usées de la capitale. Creusés dans la roche, pas moins de 20 km de tunnels abritent bassins et réservoirs de décantation. Ils fonctionnent comme dans une station d’épuration classique : les eaux usées d’environ 1 million d’habitants sont recueillies dans les réservoirs, elles sont ensuite filtrées de nombreuses fois par décantation et désinfection. À la suite de quoi elles sont rejetées, propres, dans la nature. L’usine suédoise ajoute une subtilité de taille à l’opération de traitement.

HenriksdalsImage : visite 360° de l’usine d’Henriksdal (source)

Du filtrage à la production de biogaz

À ces eaux usées, qui contiennent donc les excréments de la population, on y ajoute d’autres déchets organiques comme les graisses des restaurants. Après avoir été filtrées, les boues d’épuration sont transférées dans des bassins pour les faire fermenter. Les boues libèrent naturellement du bio-méthane qui est capturé et stocké. Le biogaz récolté est ainsi utilisé pour alimenter les réservoirs des bus en tant que carburant. Le procédé s’avère doublement avantageux puisqu’il évite de consommer les énergies fossiles de la planète, tout en rentabilisant l’une des ressources les plus abondantes dont nous disposons…

Ainsi, 36% des bus de la ville circulent aujourd’hui grâce au bio-méthane produit par l’usine qui fait figure de pionnière en la matière. Plus de 850 000 m3 y sont recyclés chaque année, initialement pour fournir du gaz de chauffage. Ce procédé pourrait-il cependant servir de modèle pérenne dans la gestion des énergies à plus ou moins grande échelle ? À ce jour, le cycle de l’eau se fait, dans la plupart des pays et notamment en France, de manière linéaire sans en exploiter toutes les possibilités. Avec la revalorisation des eaux usées, on pourrait tirer de l’énergie « gratuite » (hors investissements) d’une source destinée à être jetée, considérée à ce stade comme inutile. On rassurera les narines fines, ce type de station souterraine exclut les inconvénients telles que les mauvaises odeurs.

6645003-On_the_buses_StockholmImage : virtualtourist.com

Et en France ?

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Si certain pays de l’Union Européenne semblent timidement adopter le système (comme l’Angleterre et son premier « poo bus » inauguré en mars dernier), pourquoi un pays comme la France ne s’y résout alors pas ? Pour les experts du secteur, cela reste difficile à comprendre. Jean-Pierre Farandou, le patron de Keolis, opérateur français chargé de l’exploitation d’une partie des bus de Stockholm, explique : « C’est un gros investissement, une usine de méthanisation. Sans compter les canalisations éventuelles. Il y a des infrastructures à construire, on est en retard en France ». On notera tout de même que la RATP, dans son plan pour 2025, envisage de faire rouler 20% des bus parisiens au gaz renouvelable d’origine non-fossile. Il faut cependant noter que ce gaz, même provenant du recyclage, reste un émetteur de CO2 mais à moins large échelle que le pétrole.

Au regard de la croissance perpétuelle qui semble animer le monde, une vieille formule nous rappelle que le meilleur déchet est celui que l’on ne produit pas. Si une telle maxime est respectable au quotidien, un déchet qui a déjà été produit, comme c’est le cas des eaux usées, ne devrait-il pas être pleinement exploité dans le cadre des transports collectifs ?


Sources : lapresse.ca / ita-aites.org / leparisien.fr / batiactu.com / geopolis.francetvinfo.fr

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