Sous les pavés, le travail des enfants ? Qui pourrait imaginer qu’au 21e siècle se cachent dans nos routes « modernes » la sueur et le sang de jeunes enfants ? C’est pourtant ce que vient de dévoiler un journaliste Belge qui a mené une enquête inédite sur l’un des pavés les plus utilisés en Belgique et dans le nord de la France dans la construction de nos routes.

Quand on questionne les effets de la mondialisation, on ne pense pas d’emblée aux routes. Un journaliste du quotidien néerlandais Du Standaard a mené l’enquête sur l’un des pavés les plus employés en europe : le kandla gris. Après un tournage en caméra cachée à Budhpura en Inde, il révèle que de nombreux enfants taillent chaque jour les pierres que nous retrouvons sous nos pieds (ou nos roues). Salaire de misère, conditions de travail déplorables, mains déformées très jeune et un vide éducatif, voilà le prix de ces pierres exotiques low-cost que nos sociétés modernes consomment. Le constat est glacial, il n’y aurait pas que du sang d’enfant de nos smartphones ou nos vêtements…

Le kandla gris est une pierre employée en masse pour paver les rues européennes et les places en remplacement de la traditionnelle pierre bleue ou des pierres de nos régions. Pour cause, cette roche « miraculeuse » coute environ quatre fois moins cher que ses concurrentes. En pratique, les importateurs belges n’achètent pas directement la pierre dans les carrières mais passent par des fournisseurs indiens qui s’adressent à des commerçants locaux qui eux-mêmes se fournissent auprès des familles et d’enfants. Avec autant d’intermédiaires, difficile de pointer du doigt un responsable. Dans une interview pour Bel RTL, Francis Tourneur, géologue et responsable au sein de l’asbl Pierre et Marbre de Wallonie, explique : « Malheureusement, de grandes cités (…) font presque uniquement usage de matériaux exotiques depuis très longtemps ». Il ajoute : « L’un des très gros producteurs de pavés se situe en Inde. Les conditions de travail sur place n’ont pas l’air d’être très réglementaires. Il y a manifestement un travail fréquent d’enfants. Il y a eu déjà des enquêtes, depuis les années 2000. »

Pour en avoir le cœur net, le journaliste du Standaard s’est donc rendu sur place où il a pu interroger les autorités locales. L’équivalent du bourgmestre de la ville, qui est, par ailleurs, revendeur de pierre, jure qu’aucun enfant ne travaille dans le secteur. Pourtant, la réalité semble tout autre. Le journaliste a filmé secrètement nombre d’enfants sur des tas de cailloux, avec un marteau et un burin à la main. Ils taillent des blocs quatre fois plus grands qu’eux. Les plus jeunes n’avaient pas dix ans.

https://www.youtube.com/watch?v=AZf_qj8_aBI

Vidéo d’archive. Accéder aux vidéos du Standaard

En pratique, l’enquête révèlera que les enfants peuvent tailler de 50 à 100 pavés quotidiennement pour le salaire misérable d’une à deux roupies par pièce. Ils rentrent chez eux avec quelques euros chaque jours, de quoi maigrement soutenir leur famille. En Belgique, ces pavés seront revendus entre 15 à 20 euros du mètre carré.

Dans son reportage, le journaliste visite un établissement scolaire de la ville, une école déserte, aux classes cadenassées et exemptes banc. Les enfants n’y sont visiblement pas scolarisés : ils taillent des pavés. Leurs mains en témoignent. Celles-ci sont calleuses, rugueuses, sales et blessées : ils ont des mains de tailleurs de pierres. Une ONG locale cherche tant bien que mal à ramener ces enfants à l’école pour créer des child free labour zones (zone sans travail des enfants). Malheureusement, dans 40% des familles de Budhpura, les pères de famille sont morts de silicose ou de pneumoconiose aux alentours de la quarantaine. Une maladie qui emporte précocement les tailleurs de pierre. Les femmes élèvent alors seules leurs enfants qui doivent à leur tour participer à la survie de la famille, comme c’était le cas en Europe avant l’émergence de l’état providence et des droits sociaux (tant décriés aujourd’hui par les pontes de l’austérité).

Le plus inquiétant, c’est que le secteur de la construction belge semble au courant et ne prend aucune mesure. La dictature du prix l’emporte sur la raison. Interrogé par RTL TVI, Francis Carnoy, Directeur général de la Confédération de la Construction Wallonne, met l’accent sur le dumping du marché indien qui propose des prix défiant toute concurrence. Il affirme tout de même que : « les choses avancent, lentement mais elle avancent ». Une circulaire du gouvernement wallon encouragerait le recours aux pierres wallonnes. Elle invite, mais n’oblige rien, ce qui laisse la liberté d’acheter ces pavés exotiques qui comblent leur faible prix monétaire par un coût humain et peu éthique.

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Une nouvelle évidence que sans état social, sans solidarité collective, sans droit du travail, la nécessité économique s’empresse d’écraser le faible, fut-il un simple enfant, pour des desseins peu louables. Comble du cynisme, comment survivraient ces familles sans l’aide de leur gouvernement si demain nous ne consommons plus leurs pierres ?

Retrouvez les vidéos filmées par le journaliste sur ce lien

En savoir plus sur le travail des enfants à travers le monde :

6a00e55188bf7a88340115701984de970bPhotographie : GMB Akash


Sources : standaard.be / rtl.be / lesoir.be

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