Le monde du travail est-il adapté au changement climatique ? Pour le Conseil économique, social et environnemental de France (CESE) la réponse est claire. Dans un nouveau rapport publié le 25 avril dernier, ce dernier pointe les préoccupations actuelles du monde du travail et alerte sur l’aggravation future de certains facteurs de risques professionnels, en particulier l’élévation des températures. Il appelle les acteurs du monde du travail à « agir à la fois pour adapter le travail au réchauffement climatique et pour atténuer l’impact des activités humaines sur le climat ». Détails.

Si les conséquences du dérèglement climatique sont de plus en plus médiatisées depuis quelques années, « l’été 2022 a constitué un point de bascule dans le débat public », prévient le Conseil économique, social et environnemental de France (CESE), en particulier dans l’hexagone où « la canicule et la sécheresse ont donné lieu à des incendies de forêt d’une ampleur et d’une intensité inédites ».

Le changement climatique implique aussi un changement au travail

La question du travail à l’heure de la crise écologique apparait alors comme inévitable : comment assurer de bonnes conditions de travail lorsque les conditions de vie générales se dégradent ? En outre, comment s’assurer que nos conditions de travail ne participent pas directement ou indirectement à l’effondrement des écosystèmes ?

Dans un avis publié le 25 avril dernier, le CESE formule des pistes de solution à ces problématiques complexes, soulignant particulièrement le poids des températures extrêmes à supporter ces prochaines années. Il entend ainsi proposer « une approche décloisonnée de la santé au travail face aux enjeux du dérèglement climatique et de la dégradation des écosystèmes », qui nécessite forcément « de traiter les conséquences de ces phénomènes sur les conditions de travail, mais également leur atténuation au travail et dans tous les domaines de l’existence ».

Pour ce faire, la Commission Travail-Emploi de l’organisation de consultation a entreprit un grand travail de compilation de données, interrogeant notamment 1922 participants, employés ou employeurs de toute structure, dans le cadre d’auditions et de consultations en ligne.

Un facteur de risques important qui n’est pas assez pris en compte par les employeurs

Alors que 70 % des répondants considèrent indéniablement que le dérèglement climatique et plus généralement la dégradation de l’environnement peut affecter la santé des salariés et des agents, ils sont seulement 35% à constater que les sujets environnementaux et leur impact sur le travail sont à l’ordre du jour dans leur organisation.

Pourtant, les impacts du changement climatique sont loin d’être à négliger. Le CESE relève ainsi de nombreux maux pouvant atteindre les travailleurs, altérant tant bien la santé physique (accidents du travail et maladies professionnelles) que la santé mentale (éco-anxiété et conflits éthiques éprouvés par de nombreux actifs).

En particulier pour les canicules, leur répétition accrue ces dernières années aggravent certains risques professionnels et en déclenchent d’autres : hyperthermie majeure, troubles cardiaques, détresse neurologique, intoxication chimique, réaction allegrique peuvent ainsi être imputables aux températures estivales élevées. Dans les cas les plus graves, les recherches internationales démontrent un accroissement « de la mortalité et surtout de la morbidité globale des populations de travailleurs (…) en période estivale ».

Source : TRAVAIL, SANTÉ-ENVIRONNEMENT : QUELS DÉFIS À RELEVER FACE AUX DÉRÈGLEMENTS CLIMATIQUES ? – Commission travail et emploi (CESE) – 25 avril 2023

Quand inégalité socio-économique rime avec inégalité climatique

Selon le rapport, ce sont notamment les ouvriers qualifiés (un tiers de la profession) et les agents employés dans des collectivités territoriales (un quart de l’ensemble des travailleurs du secteur), soit quelque 3,6 millions de femmes et d’hommes, qui sont le plus exposés aux fortes chaleurs.

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« les travailleurs qui connaissent aujourd’hui les conditions de travail et d’emploi les moins favorables sont aussi les plus vulnérables face aux nouveaux facteurs de risques ».

En outre, la précarité de leur statut d’emploi les prive souvent de la possibilité d’être véritablement représentés et les maintient largement hors du champ du dialogue social. Face à ces données, le CESE craint fortement « de voir les inégalités dans le travail et l’emploi se creuser davantage dans le contexte du dérèglement climatique et de la dégradation des écosystèmes ».

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17 recommandations pour entamer une transition du secteur

Pour pallier ces risques systémiques, l’organisation entend viser un double objectif, « en veillant d’une part, à améliorer la qualité du travail et de l’emploi notamment par un dialogue social renforcé et plus inclusif et d’autre part, en accentuant l’effort d’atténuation des effets négatifs de l’activité humaine sur la biosphère ». Pour ce faire, le rapport présente 17 recommandations qui touchent aux politiques de prévention et de santé au travail, à la mobilisation des différents employeurs (privés et publics) et à la place du débat démocratique dans le monde professionnel.

Les mesures sont variées et proposent notamment de renforcer la place des risques sanitaires liés à la crise climatique dans la formation initiale et continue des professionnels de santé, de quoi « sensiblement contribuer à une rénovation de l’image des secteurs de santé publique et de santé au travail chez les jeunes générations », qui y trouveraient selon l’organisation, davantage de sens.

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Dans un autre registre, le Conseil préconise également de conditionner les aides et exonérations de l’institution de travail à l’actualisation du document unique d’évaluation des risques (DUERP), présenté obligatoirement à chaque salarié lors de son embauche. Il entend ainsi répondre au besoin d’information des travailleurs sur les risques auxquels ils sont exposés, tout en renforçant leurs connaissances sur les sujets environnementaux. En effet, seuls 34% des répondants au sondage affirment avoir suivi une formation concernant les effets des dérèglements climatiques sur la santé.

Enfin, le CESE conclut à la nécessité d’un dialogue social serein et franc, permettant de « diffuser la culture de la prévention » et d’« élargir les conditions de débat démocratique sur l’exposition de la santé aux risques professionnels environnementaux ». Le rapport de 136 pages trouvera certainement écho auprès du monde professionnel et politique, ayant déjà récolté l’unanimité (125 voix pour) auprès du patronat, des syndicats et des associations siégeant au Conseil.

– L.A.

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