Le Laboratoire Écologique Zéro Déchet, de son surnom LÉØ, prend vie à Pantin depuis quelques années, dans un bâtiment désaffecté et vide appartenant à l’EPFIF (l’Établissement Public Foncier d’Île-de-France). Mais ce lieu de vie citoyen, solidaire et écologique est aujourd’hui menacé d’expulsion. Pourtant, en 2019, un jugement inédit leur reconnaissait des contributions essentielles à la société et leur accordait l’usage du bâtiment pour 3 ans et demi supplémentaires. Une décision à laquelle l’EPFIF a cependant décidé de faire barrage, mettant à nouveau en péril cet espace. Face à l’absurdité de cette situation, qui fait obstruction à des actions citoyennes compensant pourtant gratuitement et sans subventions les nombreux manquements institutionnels, voici leur Tribune.
Espaces jardinage, grande « Gratuiterie » pour fournir l’essentiel aux personnes précaires dans la convivialité et le partage, ateliers réparation, bibliothèque solidaire, événements culturels, conférences et débats, mixité sociale, distributions alimentaires et de produits d’hygiène, jeux pour enfants, sensibilisation écologique, compostage… la liste est longue qui compose les multiples propositions citoyennes du LEØ.
Résultats de cette dynamique exemplaire ? Une vie de quartier et des relations sociales renforcées, une revalorisation des enjeux environnementaux et locaux, un appel inspirant à l’entraide, au vivre ensemble et à la bienveillance, mais surtout une démonstration optimiste et joyeuse de notre pouvoir collectif de réappropriation politique. Pourtant, bien que les bâtiments vides fleurissent partout en France, inutiles, subtilisés aux populations avoisinantes et à leur usage pratique, les institutions continuent de priver les associations de leur exploitation constructive. Jusqu’à menacer de les en expulser. Mais le LEØ ne compte pas en rester là et lance un vaste appel à soutien :
Une histoire de liberté citoyenne et de solidarité.
Le Laboratoire Ecologique Zéro Déchets, plus connu sous son petit nom de « LEØ » : c’est l’histoire d’un grand bâtiment désaffecté, vide et inutilisé depuis une décennie, mais qui reprend vie à Pantin. C’est l’histoire d’un collectif qui se mobilise dans un quartier populaire en Seine-Saint-Denis, pour lutter contre le gaspillage et pour que l’écologie rime avec solidarité, justice sociale et culture.
C’est l’histoire de tonnes d’objets récupérés, réparés, redistribués, qui évitent le gaspillage et la surconsommation. C’est l’histoire d’un atelier d’auto-réparation ouvert sur les besoins immédiats des habitant·es, d’une cuisine bio à prix libre, d’une AMAP qui fonctionne bien, et de dizaines d’associations qui s’investissent dans des projets écologiques, culturels, et solidaires. C’est l’histoire d’habitant·es qui s’organisent autour d’ateliers qu’ils ou elles proposent en fonction de leurs projets, et qui permettent de nouer des relations, d’échanger et de partager loin des clivages sociaux.
C’est l’histoire de multiples rencontres et débats pleins de vie entre des universitaires, des militant·es écologistes, des artistes, des réfugié.es, des mineur·es isolé·es, des familles en situation de précarité et des étudiant·es. C’est l’histoire d’un lieu sans échange marchand où l’action collective n’a pas besoin d’un leader pour se dérouler harmonieusement ni pour être efficace. C’est l’histoire d’un lieu et de personnes qui ont agi et continuent d’agir durant les confinements pour l’écologie et la solidarité à l’égard des plus démuni·es. Alors pourquoi le démanteler ?
Sauver LEØ, c’est sauver notre droit à un avenir respirable.
Aujourd’hui, le LEØ a créé un solide réseau de partenaires et agit avec eux pour la préservation de la biodiversité, la renaturation et la désartificialisation des sols, le recyclage, la réparation, le réemploi, la réduction des déchets, etc. Ce réseau comporte également nombre de collectifs, des professionnel·les du secteur médico-social, des ONG (Action contre la faim), ainsi que des chercheur·euses qui travaillent avec le LEØ.
Des dizaines d’acteurs institutionnels reconnaissent le LEØ comme partenaire de confiance et le sollicitent pour venir en aide aux personnes vulnérables, ou précarisées par la pandémie et ses conséquences. A titre d’exemple, au moment du confinement de mars 2020, le LÉØ a ainsi pris le relais de structures à l’arrêt en stockant et redistribuant des milliers de boîtes de lait infantile et autres produits d’hygiène, en confectionnant des masques et en préparant des colis pour les jeunes mamans sans revenus .
Tout cela entre pleinement dans ce que défendent et revendiquent les collectivités territoriales : des actions écologiques accessibles à toutes et tous, une réduction conséquente des déchets et une sensibilisation du public, des ateliers et espaces de rencontre de quartier inclusifs avec une très grande mixité sociale, une solidarité de terrain efficace et qui ne coûte rien aux institutions.
Soulignons que le travail constant et sans relâche de seulement trois personnes a permis ce résultat incroyable : un lieu qui fonctionne aujourd’hui sans aucune subvention, montrant ainsi ce qu’il est possible d’accomplir à l’échelle d’un territoire lorsque l’on s’attaque de front à la précarité économique, sociale et écologique, au cœur même des quartiers.
Cette histoire n’est pas une utopie : elle existe, elle est concrète, elle est située à Pantin, chacun·e peut la prendre pour modèle pour imaginer un futur désirable, soutenable, et solidaire. Cette histoire nous inspire pour lutter contre le désastre environnemental, contre les replis identitaires et contre le délitement démocratique en cours. Et nous, publics, associations et collectifs qui fréquentons régulièrement ce lieu, qui nous y investissons et l’aimons, nous souhaitons que cette histoire reste un récit exemplaire à conjuguer au présent et au futur, contre toutes les résignations et les incohérences, contre tous les égoïsmes, contre l’inaction face à la crise climatique et l’effondrement de la biodiversité. Nous ne voulons pas conjuguer cette histoire au passé ni à l’imparfait.
La menace incompréhensible de l’Etat contre des engagements citoyens positifs qui compensent ses manquements…
C’est pourtant ce qui risque d’arriver, puisque cette initiative écologique et solidaire dont l’activité bénéficie à des milliers d’habitant·es et à des dizaines d’associations dans toute l’Ile-de-France, est menacée de fermeture par une décision d’appel en justice intentée par l’Établissement Public Foncier d’Île-de-France (EPFIF), l’un des plus grands bailleurs de la région, qui est le propriétaire du bâtiment du LEØ.
L’EPFIF avait déjà tenté de déloger le LEØ en 2019. Un solide dossier avait alors été constitué pour démontrer, témoignages à l’appui, à quel point les activités du LEØ étaient nécessaires. En novembre 2019, le tribunal de Pantin avait tranché en faveur du LEØ et, au vu des inestimables contributions écologiques et sociales rendues, leur avait accordé la jouissance du bâtiment durant 3 ans et demi. Mais quelques mois plus tard, l’EPFIF a choisi de faire appel de cette décision, mettant en péril le lieu et toutes ses activités, après avoir ignoré toutes les demandes de conciliation pourtant recommandées par le tribunal de Pantin.
Le LEØ passera donc devant la cour d’appel de Paris le 20 mai 2021 et le jugement sera rendu cet été.
Pour que le LEØ puisse poursuivre son projet et ses activités au bénéfice du plus grand nombre, il suffirait d’une conciliation avec l’actuel propriétaire de l’entrepôt réaménagé par le LEØ en lieu-ressources ou qu’une commune ou un bailleur social désireux d’accueillir un tel projet propose une convention au LEØ pour leur permettre de s’installer sereinement et durablement dans un quartier.
C’est pourquoi nous invitons à signer la pétition en soutien au LEØ sur la plate-forme Greenvoice. Et nous appelons également tous les acteurs sincèrement intéressés à voir progresser une écologie sociale et solidaire à soutenir les animateurs du LEØ, à faire connaître leur projet et à les aider à trouver un lieu où poursuivre leur expérimentation réussie de transition écologique si le jugement de la cour d’appel de Paris leur était défavorable.
Suivre leur blog très complet et détaille par ici. Ou via leur page Facebook.
Signer la pétition.
Signataires (par ordre alphabétique) :
Igor Babou, photographe et professeur à l’université de Paris, Ladyss (UMR CNRS 7533)
Nathalie Blanc, Directrice de recherche CNRS, directrice du Centre des Politiques de la Terre, Université de Paris
Christophe Bonneuil, Directeur de recherche, CNRS, Groupe de Recherches en Histoire
Environnementale, EHESS
Sylvaine Bulle, professeure à l’Université de Paris, Ecole Nationale Supérieure d’Architecture
Claude Calame, directeur d’études à l’EHESS, Paris
Denis Chartier, professeur à l’Université de Paris, Ladyss (UMR CNRS 7533)
Pierre Clément, maître de conférence honoraire à l’Université Lyon 1
Solène Crétinoir, logisticienne médicale hospitalière, Hôpital de la Roseraie, Aubervilliers
Julie Dancre, étudiante, Pantin
Pierre Delavie, artiste plasticien (https://www.pierredelavie.com/)
Victoria Erulin, comédienne, autrice, chanteuse, occupante du théâtre de l’Odéon
Ourdia Farge, Présidente d’Entraides Citoyennes (Paris et Pantin, https://www.entraides-citoyennes.org/)
Sandrine Feuillet, présidente de l’Association Les Chachoux (protection animale)
Georges Ghika, metteur en scène, compagnie Gyntiana, Noisy-Le-Sec
Chiraz Kachmar, sage-femme cadre de santé, Paris
Bernard Kalaora, professeur honoraire de l’Université de Picardie Jules Verne, Institut
interdisciplinaire d’anthropologie du contemporain, conseiller scientifique du Conservatoire
du Littoral, président de Littocean au service du littoral et des espaces maritimes
Julien Kohler, auteur compositeur interprète, Joinville Le Pont
Félix Lallemand, chercheur à l’École Urbaine de Lyon, co-fondateur de l’association Les Greniers d’Abondance
Julie Lavrand, présidente de l’association Soie Rouge (précarité menstruelle) https://www.soie-rouge.wixsite.com/asso
Hélène Legay, reporter indépendante, SideWays ( web-série itinérante : http://www.side-ways.net )
Joëlle Le Marec, directrice du GRIPIC, professeure à Sorbonne Université, CELSA
Giulia Lobba, architecte, Aubervilliers
Gabriel Lombard, doctorant, Paris Jourdan Sciences Economiques, EHESS
Bernard Loup, président du Collectif Pour le Triangle de Gonesse
Léo Martin, post-doctorant, Muséum National d’Histoire Naturelle, PALOC (UMR IRD 208)
Hinde Mokhtari, gestionnaire, Aubervilliers
Agathe Nadimi, professeure dans l’enseignement supérieur, fondatrice et présidente du
collectif des Midis du Mie (https://www.helloasso.com/associations/les-midis-du-mie)
Florence Nahon, agente de bibliothèque, Paris
Véronique Nahoum-Grappe, chercheure en Sciences Sociales, EHESS Paris
Jocelyne Nana, en formation de Gestionnaire de Paie au Greta 94, Pantin
Raphaëlle Pignon, autrice et enseignante en études théâtrales à Sorbonne Université, Noisy-Le-Sec
François Ribac, compositeur et maître de conférences à l’Université de Bourgogne
Marie Roué, Directrice de Recherches émérite, UMR Eco-Anthropologie, CNRS/MNHN
Marie Semin, étudiante en Master de recherche et création littéraire, Cergy Paris Université
Célia Sinegre, présidente de l’association Le Petit Zinzinc (association de soutien à la
parentalité : https://lepetitzinzinc.wordpress.com/)
Selma Tilikete, doctorante à l’Université Paris 8, CRESPPA-CSU (UMR7217)