Avec la série (Tr)oppressé, Arte propose de décortiquer, dans une approche sociologique et philosophique, la frénésie collective et individuelle qui touche nos sociétés en 10 épisodes d’une durée de 5 à 6 minutes. Alors que la prise d’antidépresseurs a explosé en France, que le nombre de burn-out est en progression, la « quête de sens » à laquelle aspirent de plus en plus de personnes est peut-être aussi celle d’une vie plus lente, où l’on prendrait le temps d’apprécier à leur juste valeur les moments présents.
« L’intensité », serait-elle devenue le mal de notre civilisation ? Depuis la période d’après guerre et l’avènement de la société de consommation, « vivre chaque instant à fond » s’est transformé en véritable mode de vie, camouflant un véritable culte pour la productivité et le résultat. Mais derrière l’injonction à remplir chaque instant de la journée d’expériences fortes et de renouveau, n’est-ce pas le vide de nos vies qui se profile, avec un temps qui semble s’écouler de plus en plus vite ? Travailler plus, pour consommer plus et espérer prendre quelques jours de vacances par an à l’autre bout du monde, est-ce bien là la recette du bonheur ? En d’autres mots, dans cette frénésie perpétuelle, existe-t-il une vie avant la mort ?
Un sujet sérieux traité avec humour
Ce sont ces questions que la série diffusée par Arte et réalisée par Emmanuelle Julien, Adrien Pavillard et Meriem Lay propose d’explorer à travers le regard de philosophes et d’auteurs contemporains. Chaque épisode de la série s’attaque à une nouvelle facette de la frénésie collective, que ce soit la consommation, la mode, le travail, la manipulation numérique, l’amour ou les médias. Les propos des intervenants sont traités de manière originale, puisque les entretiens sont accompagnés de courts extraits vidéos, d’archives, de films et de publicités, qui mettent en relation la description des dérives d’une société qui va toujours plus vite avec nos pratiques individuelles et collectives.
Les différentes personnalités qui interviennent dans l’émission nous suggèrent que les modes de vie contemporains, souvent dictés par le « toujours plus, plus fort, plus vite », sont bien trop souvent illusoire. La quête ne se terminant jamais, l’adrénaline par un nouvel achat est vite remplacée par la déception, engendrant une insatisfaction permanente. Le modèle capitaliste et individualiste dans lequel nous vivons repose pourtant sur ces mécanismes psychologiques paradoxaux. Les industriels, inondant le marché de nouveaux produits toujours plus fréquemment, poussent à l’excès la logique de renouveau permanent afin d’accroître leur production d’année en année, entraînant le consommateur dans une spirale sans fin.
Des réflexions qui progressent dans le débat public
Les analyses proposées raisonnent avec celles formulées depuis quelques années déjà par des auteurs associés à l' »objection de croissance », notamment Serge Latouche et Paul Ariès, pour ne citer qu’eux. Portée par des sociologues et philosophes de plus en plus nombreux, l’idée d’une limitation à la croissance, et à la course qu’elle impose, est aujourd’hui d’avantage légitimée et plus régulièrement débattue à la télévision ou les journaux. Crise écologique aidant, c’est ainsi que l’on observe que l’idée selon laquelle les consommations matérielles seront amenées à être réduites dans les années à venir trouvent même écho dans des médias dans lesquels cela aurait probablement été impossible il y a encore quelques années à peine.
Progressivement, on constate également que le débat ne se réduit plus à la nécessité qu’il existerait de faire évoluer les comportements à l’échelle individuelle, mais que se développe également la thèse selon laquelle un changement collectif et structurel, donc de civilisation, est nécessaire. Penser nos consommations et la frénésie à laquelle nous nous soumettons devient une opportunité pour redéfinir le bien commun, la vie en société ou encore les injustices, pour mieux vivre, demain, ensemble.
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