Depuis que la récompense existe, l’attribution de la Légion d’honneur a souvent fait polémique. Censée gratifier un individu faisant preuve d’une « bonne moralité » et ayant agi « au bénéfice de l’intérêt général et de la Nation », la distinction a pourtant été offerte très régulièrement à des citoyens peu fréquentables. Focus sur dix légions du déshonneur.
Ce n’est pas une nouveauté à travers l’Histoire, la France a décoré bon nombre de personnages douteux. Pour les plus célèbres, on peut par exemple citer Benito Mussolini, Francisco Franco, Nicolae Ceausescu, Ali Bongo ou encore Vladimir Poutine. Mais depuis son arrivée au pouvoir, Emmanuel Macron n’est pas en reste sur la question. Top 10 des pires nominations depuis 2017.
1. Jean-François Cirelli, le pourfendeur des retraites
Avec la réforme des retraites de 2023, on a bien vite oublié qu’Emmanuel Macron avait déjà tenté le coup en 2020 avec un autre projet qui devait ouvrir la voie à la capitalisation. Une idée qui était fortement défendue par la société Black Rock, dirigée en France par Jean-François Cirelli.
La pilule a donc eu du mal à passer quand ce promoteur des fonds de pension a été nommé officier de Légion d’honneur le 1er janvier 2020.
« Il paraît que c’est par anticipation, pour service rendu à la France… vu que le gouvernement veut lui confier une partie du magot des retraites. » avait à l’époque ironisé le sénateur communiste Fabien Gay.
2. Abdel Fattah al-Sissi, le dictateur égyptien
Avec le pouvoir actuel, on peut être sûr d’une chose, les intérêts financiers d’une petite minorité passeront toujours en premier. On l’a ainsi constaté lorsqu’en décembre 2020, Emmanuel Macron a reçu en grande pompe le dictateur égyptien Al-Sissi, avec une Légion d’honneur à la clef.
Il faut dire que la France est son principal fournisseur d’armes ; à l’époque, l’Égypte avait déjà payé 1,4 milliard d’euros d’équipements militaires à l’Hexagone. Peu importe donc si le dirigeant nord-africain tient son pays d’une main de fer avec emprisonnements, répressions et tortures en vigueur. Résultat, plusieurs anciens décorés ont préféré rendre leur récompense en signe de protestation face au scandale.
3. Didier Lallement, l’éborgneur des Gilets Jaunes
Personne n’a oublié à quel point la révolte des Gilets Jaunes est passée tout près de renverser le pouvoir. Emmanuel Macron, lui non plus, n’a pas manqué de remarquer qu’il a réussi à conserver sa place en grande partie grâce aux violentes répressions policières envers les manifestants.
Pour son excellent travail de maintien de l'ordre, des gilets jaunes aux personnes à la rue en passant par les manifestations pour le climat, le préfet Lallement est récompensé par le ministre Darmanin. Fin de la blague. #notLeGorafi pic.twitter.com/zOMJdtUEg9
— Sandra Regol 🌻🇺🇦 (@sandraregol) July 14, 2021
C’est sans doute pour cette raison qu’il a récompensé Didier Lallement l’un des préfets de police de Paris qui a fini par mater cette révolte à coup de matraques et de LBD. Lors du 14 juillet 2021, il a en effet été élevé au prestigieux grade de commandeur de la Légion d’honneur.
4. Pierre Gattaz, le patron du MEDEF
Envers qui un néolibéral comme Emmanuel Macron pourrait-il être plus redevable qu’un responsable du MEDEF ? À ce poste entre 2013 et 2018, Pierre Gattaz a sans aucun doute été un compagnon de propagande pour le président (qui fut auparavant ministre de l’Économie sous François Hollande à partir de 2014).
Il a ainsi soutenu bon nombre de réformes antisociales souhaitées par l’actuel chef de l’État : loi El Khomri, suppression de l’ISF ou encore mise en place du CICE. Un appui que leader de Renaissance n’a pas oublié puisqu’il l’a bien récompensé début 2022 avec une décoration.
5. Agnès Buzyn, la naufragée du Covid-19
L’ancienne ministre de la santé, non contente d’avoir détérioré l’hôpital public, était également aux manettes au début de la crise du covid-19. Sa gestion avait d’ailleurs été si catastrophique qu’elle avait été par la suite mise en examen pour mise en danger de la vie d’autrui (avant que cette décision ne soit annulée).
Il faut dire qu’elle avait osé démissionner de son poste en pleine tempête pour remplacer Benjamin Griveaux (alors empêtré dans un scandale sexuel) en tant que candidate à la mairie de Paris. Un sacrifice qui valait sans doute bien une Légion d’honneur pour la Macronie qui lui a décerné début 2022.
6. Christiane Lambert, la lobbyiste de l’agriculture industrielle
Une agricultrice promue au rang d’officier de la Légion d’honneur, on aurait presque pu se réjouir en se disant qu’une profession ordinaire était récompensée par le pouvoir début 2022. Le problème c’est que Christiane Lambert n’était pas une simple paysanne, mais bien une lobbyiste de l’agriculture industrielle, à travers le syndicat qu’elle dirigeait, la FNSEA.
Obnubilée par la compétitivité, à l’encontre de la sauvegarde de la planète, elle a par exemple pris la défense du glyphosate et des mégabassines, s’est opposée à la réintroduction des ours, et aurait même pesé de tout son poids pour la dissolution des Soulèvements de la Terre selon Reporterre.
7. Jamie Dimon, le banquier milliardaire
Ce milliardaire peu connu du grand public est pourtant à la tête de la banque JP Morgan depuis bientôt 20 ans. Non seulement en première ligne dans la crise financière de 2008, il est aussi célèbre pour ses positions climaticides. En 2021, sa banque a d’ailleurs subventionné les énergies fossiles à hauteur de 317 milliards de dollars.
On apprend que le patron de JPMorgan a reçu la Légion d’honneur des mains d’Emmanuel Macron. En 2013, la justice US a condamné la banque de Jamie Dimon à une amende de 13 milliards $ pour sa responsabilité dans la crise des sub primes https://t.co/26wVt6cEuT
— Jérôme Lefilliâtre (@jlefilliatre) December 2, 2022
Par ailleurs, en septembre 2022, il a également affirmé qu’une politique contre le financement du gaz et du pétrole serait « la route de l’enfer pour l’Amérique ». Deux mois plus tard, Emmanuel Macron le récompensait de la Légion d’honneur. « Make our planet great again », qu’il disait.
8. Jeff Bezos, le mégalomane destructeur d’emploi
Quel plus beau symbole du capitalisme triomphant que Jeff Bezos, l’un des hommes les plus riches au monde ? Atteint de la folie des grandeurs et se moquant éperdument du sort de la planète, il est aussi connu pour son comportement extrêmement pervers envers ses employés.
👏Bravo Jeff Bezos !
Alors qu'on défilait contre sa réforme des #Retraites Macron vous décorait au nom de la France pour
– Fuir l'impôt par milliards
– Détruire la planète
– Espionner les salariésUne récompense bien méritée de la main du président des riches !#MakeAmazonPay https://t.co/bL6AVjwXln pic.twitter.com/w3MULPWPwy
— Leïla Chaibi (@leilachaibi) February 23, 2023
Un beau tableau qui n’a absolument pas empêché Emmanuel Macron de lui remettre la précieuse décoration début 2023. Une nouvelle démonstration que le chef de l’État est définitivement le président des riches.
9 — Narendra Modi, le président indien d’extrême droite
Comme pour Al-Sissi, le fondateur de Renaissance a reçu le Premier ministre indien avec faste. Mais cette fois-ci, il n’a pas essayé de le dissimuler. C’est même le jour de la fête nationale – jour de prise la Bastille – qu’il a accueilli le dirigeant et qu’il lui a remis la Grand’croix, plus haute distinction possible de la Légion d’honneur.
Là encore, le fait que la France soit le premier fournisseur d’avion de chasse et le second pourvoyeur d’armes de l’Inde a dû bien vite faire oublier au président français que son interlocuteur était un politicien d’extrême droite. Nationaliste et suprématiste hindou, il n’hésite pas à réprimer sévèrement les minorités. Nous en publiions une analyse en juin 2022. Un détail de l’Histoire, sans doute.
10 — Patrick Pouyanné, le champion du pétrole
Quand on veut lutter contre le dérèglement climatique, on n’aurait sans doute jamais l’idée d’élever au rang d’officier de la Légion d’honneur le patron de TotalEnergies, l’entreprise la plus polluante de France.
C’est pourtant bien ce qu’a fait Emmanuel Macron le 14 juillet 2023. Peut-être avait-il vu en Patrick Pouyanné, un dirigeant de haute volée capable d’engranger des milliards sur le dos des travailleurs, de mettre en place une optimisation fiscale et d’ignorer complètement les problèmes environnementaux.
À regarder cette liste dans son ensemble, on constate finalement qu’Emmanuel Macron n’a fait que récompenser des personnalités qui combinent tous les travers qu’il a lui-même pu emprunter à travers son exercice du pouvoir : autoritarisme, répression, glorification des riches et du capitalisme, destruction du modèle social et de la planète et surtout apologie du néolibéralisme. Autant de « qualités » qui ne méritent sans aucun doute pas la reconnaissance de la nation française, mais plutôt le déshonneur.
– Simon Verdière
Photo de couverture : Le Premier ministre, Shri Narendra Modi recevant le président de la République française, M. Emmanuel Macron, à son arrivée, à Varanasi, Uttar Pradesh, le 12 mars 2018. Wikicommons.