La découverte a de quoi surprendre. Des nanotubes de carbone ont été observés pour la première fois dans les poumons d’enfants parisiens. Si l’échantillon était constitué uniquement de jeunes asthmatiques, toute la population pourrait être concernée par cette découverte.
L’information étonnante a été révélée fin octobre dernier par une équipe de chercheurs franco-américains. C’est en observant au microscope électronique des cellules pulmonaires provenant d’enfants asthmatiques âgés de 2 mois jusqu’à des adolescents de 17 ans que ces scientifiques ont pu observer la présence de nanotubes de carbone pour la première fois. Fait aggravant, sur les 69 échantillons d’enfants étudiés, 100% contenaient ces éléments. Publiés dans la revue EBioMedecine, les résultats laissent à penser que toute la population pourrait être indirectement concernée. « Notre travail est le premier à avoir montré que tout un chacun est exposé de façon chronique à des nanotubes de carbone dans l’air, conséquence des activités de l’homme. » explique professeur de Chimie Analytique à Université Paris Sud, co-auteur de l’étude.
En effet, les scientifiques ont également observé que ces nano-matériaux, dont la taille varie de 10 à 60 nanomètres de diamètres (certains atteignant plusieurs centaines de nanomètres), sont identiques à ceux présents dans les gaz d’échappement. Ainsi, les nanotubes de carbone composant les pots catalytiques voyagent dans l’atmosphère jusqu’aux poumons humains sans être altérés. La découverte indique que chacun d’entre nous, en fonction de notre degré d’exposition, pourrait être porteur à l’instant même de ces nanotubes capturés par notre système respiratoire. Cependant, on ignore à ce stade la quantité exacte de ces éléments dans les organismes de la population ainsi que leur effet à long terme et le temps nécessaire à l’organisme pour s’en débarrasser.
À gauche, plan de cellules pulmonaires. À droite, plan de particules de pots d’échappement (CNRS / CCME Orsay).
Futur scandale de type « amiante » ?
Pour le Laboratoire d’étude des techniques et instruments d’analyse moléculaire (LETIAM, IUT d’Orsay) à l’origine de l’observation, il n’est pas possible à ce stade de déterminer la toxicité de ces nanotubes. Si l’Organisation Mondiale de la Santé estime que l’exposition aux particules fines augmente le risque d’une longue série de maladies (diabète, cancer du poumon, maladies respiratoires, asthme…), l’effet particulier des nanotubes de carbone (qui composent ces particules fines) n’est pas connu. En réalité, il existe un véritable vide académique en matière d’impact sur la santé de ces nanomatériaux. L’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire) exprime d’ailleurs dans un rapport que les nanomatériaux doivent faire l’objet d’études plus approfondies. Jusqu’ici, on les soupçonne d’entraîner un développement anormal des embryons, de causer des cancers et des maladies respiratoires.
Considéré comme un matériau d’avenir pour nombre d’industriels, ces nanotubes sont à ce stade utilisés dans des vêtements spécialisés (gilets par-balles), des équipements sportifs et militaires, ainsi que dans les domaines automobile et militaire. « L’ironie de l’histoire, c’est que quand nous travaillons sur des nanotubes de carbone, nous portons des masques de protection pour éviter exactement ce que nous voyons dans ces échantillons ! » déclarait au journal Sciences et Avenir Lon Wilson, co-auteur de l’étude. Damien Alloyeau, expert dans les nanoparticules et leurs interactions avec le vivant, met en garde : « Ce qui est potentiellement dangereux, c’est que la forme fibreuse de ces nanotubes a des similitudes avec celle de l’amiante, qui va facilement se loger dans les poumons. Cela mérite donc d’être étudié de manière plus approfondie. »
Nanotube de carbone vu au microscope électronique (CSIRO ScienceImag)
Sources : theconversation.com / sciencesetavenir.fr / europe1.fr