Le photographe Martin Bertrand revient d’un séjour à Cuba qui l’a particulièrement marqué. Il a mené un reportage photographique qui met en lumière l’agriculture locale dans la vallée de Vinales. Au delà des débats à propos du régime politique du pays, le modèle agricole local est souvent porté en exemple en raison de sa conversation réussie – et contrainte – au biologique. Plongée dans ce monde hors du monde.

En l’espace de quelques années, au milieu des années 1990, Cuba est revenu à un modèle agricole plus traditionnel, notamment précipité au changement par une pénurie d’énergie. Les photographies de Martin Bertrand, prises dans l’ouest de l’île, dans une région appelée la Sierra de Los Organos, reflètent une des facettes de la réalité agricole du pays aujourd’hui.

Les paysans de la vallée de Vinales

Ce sont des paysages particuliers que Martin Bertrand nous propose de découvrir. La vallée dans laquelle il s’est rendu est connue pour ses mogotes, des collines de calcaire, aussi appelées reliefs karstiques. Elle sont le fruit d’une longue érosion millénaire. Ces immenses dômes qui peuvent atteindre 300 mètres de hauteur ont valu à la région d’être inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1999. La vallée des Vinales possède une autre caractéristique, celle d’être particulièrement propice à l’agriculture : les sols ainsi que le climat se prêtent aussi bien à l’élevage qu’à la culture.

Lors de son séjour, Martin Bertrand a été marqué par la nature qu’il a découvert en ces lieux, car à ce jour, elle est restée préservée. Ainsi, d’après ce qu’il a pu observer, « la nature y a encore ses droits : la végétation offre de magnifiques nuances de vert, le ciel appartient aux oiseaux tandis que les libellules et les papillons déambulent librement ». Les village qu’il a traversé sont dès lors marqués par leur authenticité :  « au petit matin, les coqs et les cochons nous réveillent par leurs bruits incessants. Voitures et chevaux se partagent la chaussée, alors que des poules nous coupent souvent la route ». Martin Bertrand tient à souligner que sous l’afflux touristique – notamment après la fin de l’embargo américain – les paysages sont désormais en péril : « ces dernières années, la vallée de Vinales connaît une grande augmentation du tourisme due à sa beauté et son authenticité« . Pour cette raison, il craint que la région se transforme en « simple attraction touristique ».

Un pays forcé à la conversion écologique

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Les images de Martin Bertrand mettent en lumière une agriculture familiale et traditionnelle, à l’opposée du modèle industriel des voisins américains. Il se rappelle : « beaucoup de différents fruits et légumes y poussent », et on y trouve « le tabac cubain unique au monde ». Le photographe souligne également que les paysans travaillent sans machines et que « les champs sont labourés par la traction des bœufs, le manioc découpé à la machette et l’élevage des animaux se fait autant dans les enclos que dans les jardins des maisons. Il est agréable de savoir que ce que l’on mange est récolté et élevé sur place ». Une nécessité qui est donc particulièrement laborieuse pour les fermiers en dépit d’une nature préservée.

Comme le rappelle Bastamag, le modèle agricole cubain peut faire rêver les écologistes du monde entier. D’autant que dans le cas d’espèce, la transition écologique est une réussite : à Cuba, 400000 exploitation agricoles urbaines sont à l’origine de 1,5 millions de tonnes de légumes.  En 2012, le FAO estimait que « les mesures prises par Cuba dans la mise à jour de son modèle économique en vue de la réalisation de la souveraineté alimentaire peut devenir un exemple pour l’humanité. » Mais cette évolution ne fut pas que le fruit d’une décision politique nationale mais bien la conséquence de la chute de l’Union soviétique et de l’embargo américain sur l’île. Complètement isolé diplomatiquement et économiquement à partir de 1990, le pays ne pouvait plus s’approvisionner en pétrole. La population fut contrainte à explorer les alternatives et à revenir à des modes de production plus traditionnels. Pour parer la crise énergétique, il ne reste alors d’autre choix que de mettre en place une agriculture moins intensive et indépendante du pétrole. Si les agriculteurs se convertissent, la réussite du nouveau modèle est également permise grâce à l’adoption de nouvelles habitudes en ville : une grande partie de la population décide de se mettre à l’agriculture urbaine.

Pour sa part, Martin Bertrand prépare un nouveau reportage. Cette fois-ci, il souhaite découvrir les populations et les paysages le long du Mékong, fleuve qui traverse 6 pays d’Asie. Pour rendre ce reportage photographique possible, il organise en ce moment un crowdfunding. En attendant le résultat, on vous laisse découvrir ce reportage photographique inédit.


Toutes photographies à la discrétion de Martin Bertrand

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